Allemagne
Stoiber : l’épopée du buveur d’eau
Le candidat chrétien-démocrate à la chancellerie tente de lisser l’image par trop conservatrice de son parti mais pâtit de sa réputation d’homme de dossiers, rhétoricien médiocre et laissant peu de place aux émotions.
De notre correspondant à Berlin
Oubliez tous vos clichés sur la Bavière. Si Edmund Stoiber gagne les élections de dimanche en Allemagne, ce n’est pas un bon-vivant ventripotent en culotte de peau et coiffé d’un chapeau à plumes qui fêtera sa victoire un verre de bière à la main.
Grand, sec, visage d’ascète, le candidat chrétien-démocrate à la chancellerie n’hésite pas à porter des toasts un verre de jus d’orange à la main et préfère en général boire du thé. Le ministre-président de la Bavière depuis neuf ans n’est pas un tribun populaire et haut en couleur comme son prédécesseur et mentor en politique, Franz-Josef Strauss. Stoiber colle en revanche à l’image froide et distante du juriste, sa formation d’origine. Homme de dossiers, qu’il potasse avec passion, il arrive souvent en retard, mais toujours bien préparé à ses rendez-vous. Quand il s’exprime, c’est le juriste qui parle, argumentations serrées à l’appui. Stoiber connaît tous les indices et les taux de prélèvements, comme un juriste connaît ses paragraphes du code.
La contre-partie, c’est le manque de sex appeal du candidat conservateur à la chancellerie, beaucoup moins populaire que le tenant du titre Gerhard Schröder. Edmund Stoiber donne l’impression d’avoir «mangé de la craie» comme disent les Allemands pour évoquer son côté rigide. Chez cet homme de dossiers, rhétoricien médiocre et peu médiatique, les émotions n’ont pas leur place. Lorsqu’il se rend à Dresde cet été lors des inondations historiques qui ont frappé l’Allemagne, il prend maladroitement une femme en pleurs dans ses bras, étonné lui même de cet excès de chaleur humaine. Un journal allemand commente, ironique, la scène: «Il regarde au loin cherchant quelqu’un avec qui il peut parler de l’amortissement de la dette».
Respecté, pas aimé
Sur ses terres mêmes, en Bavière, Edmund Stoiber est respecté, mais pas aimé. Il a su donner une image moderne de la région, qui autrefois agricole, est aujourd’hui en pointe avec des entreprises industrielles et technologiques performantes. Le chômage est dans le Sud de l’Allemagne presque deux fois moins élevé que dans l’ensemble du pays.
Edmund Stoiber y est né il y a soixante ans. Originaire d’un milieu modeste, il n’était pas un élève brillant, il a même redoublé une classe, un des rares échecs dans sa carrière sans accros. Très tôt, à dix-sept ans, il adhère à la CSU, la branche bavaroise des chrétiens-démocrates allemands. Le parti gouverne la région sans interruption depuis la guerre, fort de sa majorité absolue. C’est en son sein que le jeune juriste fait carrière. Il entre dans un cabinet ministériel, est élu en 1974 au parlement régional. Son idole, le ministre-président de l’époque, Franz-Josef Strauss, fait de cette brillante recrue le secrétaire général du parti. A ce titre, Stoiber gère la campagne du «taureau de Bavière», candidat des chrétiens-démocrates battu à la chancellerie en 1980.
C’est un échec que «Edi» n’a pas oublié. Pour la deuxième candidature d’un Bavarois, Stoiber a fait une campagne de nature à ne pas effrayer les électeurs qui trouvent la CSU trop conservatrice, pour faire oublier certaines de ses prises de position. Il y a vingt ans, il avait qualifié l’ex-chancelier Willy Brandt de «cas psychiatrique» et les sociaux-démocrates de «fascistes rouges». Dans les années 90, lors des débats polémiques sur le droit d’asile, Stoiber avait dérapé et évoqué une «société racialement à la dérive».
Le candidat à la chancellerie a présenté cette année un profil lisse, profitant avant tout des difficultés du gouvernement Schröder et privant la majorité d’une campagne contre le «méchant Bavarois réactionnaire». L’obsession de Stoiber, ne pas faire de gaffes, s’est traduite dans les premiers temps par un débit verbal encore plus saccadé qu’à l’habitude. Depuis, le candidat passe mieux la rampe ainsi qu’il l’a montré lors des deux débats télévisés contre le tenant du titre Gerhard Schröder.
Stoiber ne veut pas jouer les revanchards et remettre la plupart des réformes de Schröder en cause. Il a surtout dénoncé le bilan du chancelier sortant en matière d’emploi et promis des baisses d’impôts pariant sur une reprise de la croissance. La stratégie a été payante pendant de longs mois. Mais aujourd’hui l’avance des chrétiens-démocrates dans les sondages a fondu. Stoiber, qui avait accepté, plus par devoir que par passion, d’être le candidat de l’opposition à la chancellerie n’est pas à l’abri d’une défaite.
Oubliez tous vos clichés sur la Bavière. Si Edmund Stoiber gagne les élections de dimanche en Allemagne, ce n’est pas un bon-vivant ventripotent en culotte de peau et coiffé d’un chapeau à plumes qui fêtera sa victoire un verre de bière à la main.
Grand, sec, visage d’ascète, le candidat chrétien-démocrate à la chancellerie n’hésite pas à porter des toasts un verre de jus d’orange à la main et préfère en général boire du thé. Le ministre-président de la Bavière depuis neuf ans n’est pas un tribun populaire et haut en couleur comme son prédécesseur et mentor en politique, Franz-Josef Strauss. Stoiber colle en revanche à l’image froide et distante du juriste, sa formation d’origine. Homme de dossiers, qu’il potasse avec passion, il arrive souvent en retard, mais toujours bien préparé à ses rendez-vous. Quand il s’exprime, c’est le juriste qui parle, argumentations serrées à l’appui. Stoiber connaît tous les indices et les taux de prélèvements, comme un juriste connaît ses paragraphes du code.
La contre-partie, c’est le manque de sex appeal du candidat conservateur à la chancellerie, beaucoup moins populaire que le tenant du titre Gerhard Schröder. Edmund Stoiber donne l’impression d’avoir «mangé de la craie» comme disent les Allemands pour évoquer son côté rigide. Chez cet homme de dossiers, rhétoricien médiocre et peu médiatique, les émotions n’ont pas leur place. Lorsqu’il se rend à Dresde cet été lors des inondations historiques qui ont frappé l’Allemagne, il prend maladroitement une femme en pleurs dans ses bras, étonné lui même de cet excès de chaleur humaine. Un journal allemand commente, ironique, la scène: «Il regarde au loin cherchant quelqu’un avec qui il peut parler de l’amortissement de la dette».
Respecté, pas aimé
Sur ses terres mêmes, en Bavière, Edmund Stoiber est respecté, mais pas aimé. Il a su donner une image moderne de la région, qui autrefois agricole, est aujourd’hui en pointe avec des entreprises industrielles et technologiques performantes. Le chômage est dans le Sud de l’Allemagne presque deux fois moins élevé que dans l’ensemble du pays.
Edmund Stoiber y est né il y a soixante ans. Originaire d’un milieu modeste, il n’était pas un élève brillant, il a même redoublé une classe, un des rares échecs dans sa carrière sans accros. Très tôt, à dix-sept ans, il adhère à la CSU, la branche bavaroise des chrétiens-démocrates allemands. Le parti gouverne la région sans interruption depuis la guerre, fort de sa majorité absolue. C’est en son sein que le jeune juriste fait carrière. Il entre dans un cabinet ministériel, est élu en 1974 au parlement régional. Son idole, le ministre-président de l’époque, Franz-Josef Strauss, fait de cette brillante recrue le secrétaire général du parti. A ce titre, Stoiber gère la campagne du «taureau de Bavière», candidat des chrétiens-démocrates battu à la chancellerie en 1980.
C’est un échec que «Edi» n’a pas oublié. Pour la deuxième candidature d’un Bavarois, Stoiber a fait une campagne de nature à ne pas effrayer les électeurs qui trouvent la CSU trop conservatrice, pour faire oublier certaines de ses prises de position. Il y a vingt ans, il avait qualifié l’ex-chancelier Willy Brandt de «cas psychiatrique» et les sociaux-démocrates de «fascistes rouges». Dans les années 90, lors des débats polémiques sur le droit d’asile, Stoiber avait dérapé et évoqué une «société racialement à la dérive».
Le candidat à la chancellerie a présenté cette année un profil lisse, profitant avant tout des difficultés du gouvernement Schröder et privant la majorité d’une campagne contre le «méchant Bavarois réactionnaire». L’obsession de Stoiber, ne pas faire de gaffes, s’est traduite dans les premiers temps par un débit verbal encore plus saccadé qu’à l’habitude. Depuis, le candidat passe mieux la rampe ainsi qu’il l’a montré lors des deux débats télévisés contre le tenant du titre Gerhard Schröder.
Stoiber ne veut pas jouer les revanchards et remettre la plupart des réformes de Schröder en cause. Il a surtout dénoncé le bilan du chancelier sortant en matière d’emploi et promis des baisses d’impôts pariant sur une reprise de la croissance. La stratégie a été payante pendant de longs mois. Mais aujourd’hui l’avance des chrétiens-démocrates dans les sondages a fondu. Stoiber, qui avait accepté, plus par devoir que par passion, d’être le candidat de l’opposition à la chancellerie n’est pas à l’abri d’une défaite.
par Pascal THIBAUT
Article publié le 19/09/2002