Maroc
L’électeur parle beaucoup mais vote peu
Les bureaux de vote n’ont pas connu une affluence importante. Toutefois ceux qui ont pris la peine de venir voter s’expriment volontiers pour expliquer leur choix. C’est une première dans le pays.
De notre correspondante à Casablanca
Les 37 517 bureaux de votes qui recueillent les suffrages des 14 millions d’électeurs marocains appelés aux urnes ce 27 septembre n’ont pas connu d’affluence particulière à la mi-journée. Il faut dire que le vendredi est traditionnellement réservé à la grande prière de midi et que les scrutateurs attendent un regain de mouvement à partir du milieu de l’après-midi. Soit après le non moins traditionnel couscous du vendredi.
Ceux qui ont accompli leur devoir électoral dans la matinée ne se font néanmoins pas prier pour expliquer ce qu’ils attendent de leur geste. Du travail, pour la plupart d’entre eux, qui souhaitent que le prochain gouvernement fasse de la lutte contre le chômage sa principale priorité. Une meilleure justice, également, accompagnée d’une réelle moralisation de la vie publique, à commencer par les politiciens eux-mêmes. “En ce sens, on peut dire que le plus important a été fait, explique un militaire, qui ne vote pas, en raison de ses fonctions, mais accompagne sa femme. C’est la première fois que le ministère de l’Intérieur se tient à l’écart du processus électoral. Mieux, il est intervenu pour écarter des fraudeurs, à plusieurs reprises”.
Un autre ajoute: “Ce qui est nouveau, c’est que les gens s’expriment en public. Les candidats qui ont fait du porte à porte ou des petits meetings de proximité ont souvent été interpellés par les électeurs, surtout dans les quartiers populaires. Ça aussi, c’est un premier pas”. Il est vrai que les rares électeurs qui se sont déjà déplacés restent à bavarder et répètent à l’envi leur souhait de voir leurs représentants ne pas disparaître sous les lambris, une fois leurs voix empochées. C’est probablement ce qui est nouveau, on semble y croire, cette fois.
Les sceptiques n’ont pas disparu pour autant. Une femme d’âge mûr, en djellaba, accompagnée de sa fille plus légèrement vêtue, confesse: “Nous sommes venues voter, parce que nous pensons que c’est plus simple pour s’éviter des ennuis avec l’administration. Mais, franchement, parmi les vingt-six listes, il n’y a personne qui nous inspire confiance. Nous avons voté blanc, juste pour être tranquilles”. Lotfi est plus radical encore: “Je suis venu retirer ma carte, c’est tout. Je ne voterai pas, je suis anarchiste”. Aziz, l’ami qui l’accompagne, plaisante à moitié: “Moi, je ne vote pas, par solidarité avec les MRE (Marocains Résidant à l’Etranger), qui sont privés du droit de vote!”
Après avoir voté, on bavarde. C’est du jamais vu!
Ceux qui d’entrée de jeu annoncent pour qui ils ont voté déclarent faire davantage confiance aux partis ancrés dans l’histoire du Maroc. L’explosion partisane de ces derniers mois a, selon eux, rendu le vote complexe, au point qu’une majorité d’électeurs ne s’y retrouve absolument plus. Ils ajoutent alors, tout naturellement, que le gouvernement sortant a au moins le mérite de s’être frotté à la gestion du pays. “On ne peut pas régler en quatre ans des problèmes causés par les quarante années qui précèdent. L’héritage est réellement catastrophique, ajoute notre militaire. C’est pourquoi aussi, je pense que le Maroc n’est pas prêt pour la démocratie, il vaut mieux que le Palais conserve une bonne partie du pouvoir, parce que, pour l’instant, les hommes politiques sont encore corrompus. Il serait nuisible de leur accorder plus de pouvoir”.
Le débat qui s’est mis en place lors de la campagne officielle a, en effet, concerné la portée réelle de ces élections. “Voter? Pour quoi faire?” titrait récemment un hebdomadaire indépendant, rappelant que nombre de décisions et de nominations, ministérielles et régionales, échappent aux députés. Pour les partis les plus à gauche, dont certains ont appelé au boycott des élections, une réforme constitutionnelle est la première étape de la démocratisation du Royaume. C’est bien là l’enjeu essentiel de ces élections: avancer à pas mesurés vers la démocratie.
Les 37 517 bureaux de votes qui recueillent les suffrages des 14 millions d’électeurs marocains appelés aux urnes ce 27 septembre n’ont pas connu d’affluence particulière à la mi-journée. Il faut dire que le vendredi est traditionnellement réservé à la grande prière de midi et que les scrutateurs attendent un regain de mouvement à partir du milieu de l’après-midi. Soit après le non moins traditionnel couscous du vendredi.
Ceux qui ont accompli leur devoir électoral dans la matinée ne se font néanmoins pas prier pour expliquer ce qu’ils attendent de leur geste. Du travail, pour la plupart d’entre eux, qui souhaitent que le prochain gouvernement fasse de la lutte contre le chômage sa principale priorité. Une meilleure justice, également, accompagnée d’une réelle moralisation de la vie publique, à commencer par les politiciens eux-mêmes. “En ce sens, on peut dire que le plus important a été fait, explique un militaire, qui ne vote pas, en raison de ses fonctions, mais accompagne sa femme. C’est la première fois que le ministère de l’Intérieur se tient à l’écart du processus électoral. Mieux, il est intervenu pour écarter des fraudeurs, à plusieurs reprises”.
Un autre ajoute: “Ce qui est nouveau, c’est que les gens s’expriment en public. Les candidats qui ont fait du porte à porte ou des petits meetings de proximité ont souvent été interpellés par les électeurs, surtout dans les quartiers populaires. Ça aussi, c’est un premier pas”. Il est vrai que les rares électeurs qui se sont déjà déplacés restent à bavarder et répètent à l’envi leur souhait de voir leurs représentants ne pas disparaître sous les lambris, une fois leurs voix empochées. C’est probablement ce qui est nouveau, on semble y croire, cette fois.
Les sceptiques n’ont pas disparu pour autant. Une femme d’âge mûr, en djellaba, accompagnée de sa fille plus légèrement vêtue, confesse: “Nous sommes venues voter, parce que nous pensons que c’est plus simple pour s’éviter des ennuis avec l’administration. Mais, franchement, parmi les vingt-six listes, il n’y a personne qui nous inspire confiance. Nous avons voté blanc, juste pour être tranquilles”. Lotfi est plus radical encore: “Je suis venu retirer ma carte, c’est tout. Je ne voterai pas, je suis anarchiste”. Aziz, l’ami qui l’accompagne, plaisante à moitié: “Moi, je ne vote pas, par solidarité avec les MRE (Marocains Résidant à l’Etranger), qui sont privés du droit de vote!”
Après avoir voté, on bavarde. C’est du jamais vu!
Ceux qui d’entrée de jeu annoncent pour qui ils ont voté déclarent faire davantage confiance aux partis ancrés dans l’histoire du Maroc. L’explosion partisane de ces derniers mois a, selon eux, rendu le vote complexe, au point qu’une majorité d’électeurs ne s’y retrouve absolument plus. Ils ajoutent alors, tout naturellement, que le gouvernement sortant a au moins le mérite de s’être frotté à la gestion du pays. “On ne peut pas régler en quatre ans des problèmes causés par les quarante années qui précèdent. L’héritage est réellement catastrophique, ajoute notre militaire. C’est pourquoi aussi, je pense que le Maroc n’est pas prêt pour la démocratie, il vaut mieux que le Palais conserve une bonne partie du pouvoir, parce que, pour l’instant, les hommes politiques sont encore corrompus. Il serait nuisible de leur accorder plus de pouvoir”.
Le débat qui s’est mis en place lors de la campagne officielle a, en effet, concerné la portée réelle de ces élections. “Voter? Pour quoi faire?” titrait récemment un hebdomadaire indépendant, rappelant que nombre de décisions et de nominations, ministérielles et régionales, échappent aux députés. Pour les partis les plus à gauche, dont certains ont appelé au boycott des élections, une réforme constitutionnelle est la première étape de la démocratisation du Royaume. C’est bien là l’enjeu essentiel de ces élections: avancer à pas mesurés vers la démocratie.
par Isabelle Broz
Article publié le 27/09/2002