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Sénégal

Colère populaire après le naufrage du Diola

Quarante huit heures après le naufrage du bateau Le Diola qui assurait la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor, la capitale casamançaise, le décompte macabre des victimes se poursuit. Officiellement, le bilan provisoire s’élève à 41 morts, 59 rescapés et plus 600 disparus. Les autorités sont mises en accusation.
De notre correspondant à Dakar

C'est la plus grande catastrophe maritime que le Sénégal ait connu depuis son indépendance, et peut être même de toute l'Afrique de l'Ouest francophone. Au delà de l'ampleur de cette tragédie, c'est surtout la lenteur des secours apportés par les autorités qui soulève la colère des populations. Les familles des victimes ont, depuis vendredi en début de matinée, pris d'assaut le port de Dakar et celui de Ziguinchor et attendent d’hypothétiques nouvelles.

Pour l'heure, à l'exception de quelques escarmouches vite maîtrisées par un important dispositif policier, la situation n'a pas encore dégénéré. Il n'empêche que les accusations d' «incompétence», d’«irresponsabilité» et de «crime» fusent de toutes parts. Et notamment de la part de la presse et des radios privées qui s'interrogent sur les responsabilités de l'Etat dans cette tragédie, jamais vue de mémoire de Sénégalais.

796 personnes pour une capacité de 540

En remettant en service le Diola, après un an d'immobilisation pour avaries, avec un seul moteur alors qu'il est conçu pour deux, l'Etat n'a t-il pas fait preuve d'une irresponsabilité qui aujourd'hui prend les contours d'un «crime volontaire». Les responsables de la gestion du bateau, en l'occurrence les forces armées, en fermant les yeux sur ce qui apparaît comme une surcharge notoire (796 personnes pour une capacité de 540), sans compter les véhicules et les tonnes de marchandises, n’ont-elles pas priss de sérieux risques avec des centaines de vies humaines, et notamment des femmes et des enfants de retour de vacances.

Du côté de la classe politique, l'opposition, coincée entre la douleur des parents des victimes et le désir d’en découdre avec le gouvernement, réclame l’ouverture d’une enquête indépendante. Sur ce point, l'opposition politique et l'opinion publique rejoignent la volonté du président Wade qui annoncé la mise en place d’une Commission pour faire la lumière sur les causes de cette tragédie.

Reste que le Sénégal est coutumier de commissions d'enquêtes mort-nées dont les rapports pourrissent dans les tiroirs. C'est le cas de celle sur la catastrophe de l'usine Sonacos où, le 24 mars 1992, un camion-citerne d'ammoniaque avait explosé faisant 40 morts et 300 blessés. Il y a un an, un étudiant avait été tué lors d'une manifestation. Un policier avait été arrêté. Mais depuis, personne ne sait où en est l’affaire. Enfin, à son arrivée au pouvoir en mars 2000, le président Wade avait annoncé des audits portant sur la gestion des entreprises publiques sous l'ère socialiste de l'ex-président Abdou Diouf. Peu de rapports de ces audits ont été jusqu'ici rendus publics.

Aujourd'hui, bien que blasée par ces multiples commissions d'enquête qui ne servent qu'à «calmer les esprits», l'opinion espère que face à l'énormité de ce nouveau drame, le gouvernement d’alternance, Wade en tête, ira jusqu'au bout, en rendant public le résultat des investigations, et en sanctionnant, le cas échéant, les coupables, à quelque niveau qu'ils soient.

En attendant, depuis samedi matin, les familles des victimes se précipitent sur les hôpitaux où l’on commence à afficher la liste des rescapés. Ce soir, le port de Dakar est toujours sous la pression de centaines de familles prostrées dans la douloureuse attente d'un miracle ou d'un deuil plus que probable 48 heures après le naufrage et le constat de la lenteur des opérations de sauvetage en raison de la faiblesse des moyens matériels et humains disponibles. Même si l'armée française et le gouvernement gambien prennent part à ces opérations, ainsi que plusieurs armateurs privés.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 28/09/2002