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Sénégal

Entre lueurs et leurres de paix

Depuis 20 ans que dure le conflit armé, la Casamance a toujours connu une période d'accalmie durant l'hivernage (saison des pluies), sans que ce soit forcément la paix. C'est que géographiquement, la région sud du Sénégal, a toujours été une zone d'accès difficile plus encore que le reste de l'année. Aussi, les belligérants (rebelles du MFDC et l'armée sénégalaise), comme les responsables politiques du reste, prennent des «vacances» renvoyant les problèmes aux calendres sénégalaises.
De notre correspondant à Dakar

L'hivernage 2002, (même si les pluies ont été tardives et les précipitations moindres que par le passé) n'a pas dérogé à la règle. C'est pourtant la période qu'a choisie l'armée nationale pour procéder à ce qu'elle appelle «ratissage», c'est à dire des opérations militaires dans des zones à risques pour, dit-elle, «sécuriser» les populations. C'est ainsi qu'après la vaste opération de juillet dernier à la frontière avec la Gambie, elle a procédé du 10 au 12 septembre dernier, à une autre opération dans la deuxième région de la Casamance naturelle, celle de Kolda, (sud-est), frontalière avec la Guinée Bissau.

Il faut cependant noter une caractéristique de cette partie de la Casamance : moins que les rebelles du MFDC de l'Abbé Diamacoune Senghor, ce sont des voleurs de bétail («bandit de grands chemins» comme on les appelle officiellement ici pour les distinguer des rebelles) qui écument villages et hameaux, en visant particulièrement le bétail, principale ressource des éleveurs dont c'est l'un des principaux points d'ancrage. D'un accès difficile et généralement moins surveillée par l'armée qui a mis l'essentiel de ses troupes dans la partie sud de la région, cette zone, depuis presque cinq ans, est périodiquement victime de ces bandes armées qui, après s'être emparées des troupes, traversent la frontière bissau-guinéenne toute proche, pour disparaître en Guinée bissau. En 1998-99, ce sont plus de 2 000 bêtes qui avaient fait l'objet de vols et se sont retrouvées en Guinée Bissau. Une situation qui avait à l'époque tendu les relations entre les deux pays, obligeant les autorités à mettre en place une commission mixte de «recherche et de restitution» des bêtes volées. Sans efficacité puisque seules quelques centaines de bêtes avaient été retrouvées et restituées au Sénégal. Il y a quelques semaines, le même scénario s'est répété avec le vol de plus de 400 têtes de bétail. Seule une centaine a pu être retrouvée par les autorités de Bissau et restituée au Sénégal.

C'est la répétition de ces actes de banditisme qui a poussé l'armée nationale a organiser la dernière campagne de «ratissage» de la semaine dernière pour calmer les victimes qui menaçaient d'organiser des actions de représailles en territoire bissau-guinéen. Comme d'habitude, le communiqué du commandant de cette zone militaire, le colonel Abdoulaye Diallo, daté du vendredi 14 septembre, reste très laconique quant aux résultats de cette opération (comme des autres). L'opération est en effet censée être une «réaction à une certaine recrudescence des exactions contre les populations frontalières de la région de Kolda (avec Bissau, ndlr), visant essentiellement à assurer la sécurité des populations et de leurs biens». Pour les pertes, l'armée assure ne «déplorer qu'un seul blessé léger».

Cette opération qui a fait comme les autres du même genre plus de bruit que d'efficacité, a débuté le jour même oû le bateau «Le Diola», après douze mois de panne, reprenait ses rotations avec une forte campagne médiatique. En effet, outre la presse qui avait été invitée pour la circonstance, deux ministres (Défense et Transports) étaient du voyage. Sur place, à Ziguinchor, ils ont trouvé leur homologue de l'Intérieure, le général Mamadou Niang qui était sur place pour préparer un coup médiatique qu'il a du reste réussi: la poignée de mains entre les deux frères ennemis du MFDC, à savoir l'Abbé Diamacoune Senghor, secrétaire général historique du mouvement, et Sidy Badji, ex -chef d'état major du maquis. En effet, ces deux hommes ne s'étaient pas rencontré depuis deux ans accentuant ainsi la division du mouvement, servant ainsi de prétexte aux reports successifs des négociations de paix avec le gouvernement.

Des négociations annoncées

Pour comprendre l'importance de l'événement, il faut savoir que du fait de l'insécurité qui règne sur les routes et les tracasseries pour les transporteurs sénégalais qui traversent la Gambie pour joindre la Casamance, le bateau «Le Diola» est le principal moyen de transport pour les populations et particulièrement les commerçants qui n'ont que ce moyen pour faire écouler leurs marchandises (fruits, légumes, poissons) achetées en Casamance, dans les grandes villes du pays. A chaque arrêt de rotations du bateau, ce sont des tonnes de fruits (mangues et oranges notamment) et légumes, qui pourrissent dans les campagnes casamançaises ainsi que des pénuries de poissons séchés dans la capitale sénégalaise, Dakar.

Pour les transporteurs sénégalais, (gros porteurs et véhicules de transport en commun), le conflit avec leurs homologues gambiens qui a éclaté en juillet dernier, leur occasionnait un détour de quelques 500km supplémentaires, via la route de Tamba (est du Sénégal) pour rallier Ziguinchor. En effet, au lieu des 296 km en passant par le bac gambien de farafaigné, il fallait faire 800 km pour joindre Ziguinchor. Après plusieurs rencontres de négociations entre les deux parties, le trafic a repris depuis dimanche 15 septembre sans que tous les points du litige ne soient pour autant résolus. D'autres négociations sont prévues pour aplanir les questions en suspens. Autre point positif : la compagnie aérienne Air Sénégal international, (avec un capital majoritairement marocain), a fait un geste en décidant de revoir à la baisse ses tarifs entre Dakar et Ziguinchor qui sont au dessus du pouvoir d'achat des sénégalais qui se rendent en Casamance pour voir leurs parents ou pour leurs affaires personnelles. En effet, pour 45 minutes de vol (soit 296 km à vol d'oiseau), le prix du billet aller -retour était de 135 euros. Une réduction de 10% est annoncée.

C'est dans de ce contexte de «décrispation» et de début de normalisation du trafic routier, que des négociations sont annoncées entre le gouvernement du Sénégal et le MFDC, en Guinée Bissau, sans que cependant, aucune date ne soit encore fixée. Et tout porte à croire que ces négociations devront attendre encore quelques semaines. En effet, Dakar n'arrête pas de bruire de rumeurs de remaniement ministériel. Rumeurs savamment distillées depuis quelques semaines sans que le président Abdoulaye Wade ne daigne ni infirmer ni confirmer. En effet, de retour de la conférence sur l'environnement en Afrique du Sud en août dernier, il avait ostensiblement refusé de répondre à cette question des journalistes , déclarant sans sourciller: «je ne suis pas obligé de répondre à cette question». Depuis, la vie du pays semble être suspendue à cet hypothétique remaniement qui de toutes les façons, ne devrait pas améliorer le vécu quotidien des sénégalais qui commencent à désespérer de l'alternance qui a déçu les espoirs qui à tort ou raison, avaient été placés en elle. Et depuis une semaine, Me Wade est à New York pour les besoins de la conférence de l'Onu pour défendre son nouveau dada: le Nepad.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 18/09/2002