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Maroc

Législatives : la poussée islamiste se confirme

Les premiers résultats du scrutin de vendredi commencent à tomber, mais l'attente est plus longue que prévu.
De notre correspondante à Casablanca

C’est à une heure avancée de la nuit de samedi à dimanche que le ministère de l’Intérieur a donné les premiers chiffres. Provisoires. L’USFP, le parti socialiste du Premier ministre arrive en tête, avec 47 sièges, vient ensuite le parti conservateur de l’Istiqlal, avec 40 sièges, suivi de près par le seul parti islamiste en lice, le Parti de la Justice et du Développement, qui peut compter sur 37 sièges, ainsi que le RNI, le Rassemblement des Indépendants, un parti créé du temps de Driss Basri. La Chambre des Représentants compte 325 sièges, on ne peut donc envisager son paysage politique qu’avec des données plus complètes. Il n’en demeure pas moins que ce que l’attente prolongée des résultats avait permis d’envisager, à savoir une «poussée islamiste», se trouve confirmé pour le moment.

Ces résultats provisoires confirment, certes, l’USFP comme premier parti du Maroc, mais la formation socialiste perd actuellement 10 sièges par rapport à la Chambre précédente. Dans le même temps, le PJD se voit attribuer 23 sièges supplémentaires, ce qui multiplie sa représentativité pratiquement par trois. Ces données prennent de surcroît une force supplémentaire lorsque l’on sait que l’USFP présentait une liste dans chacune des 91 circonscriptions, alors que le PJD s’était borné à présenter des candidats dans 56 d’entre elles seulement. Sous cet angle, l’USFP réalise un score de 51,6% et le PJD de 66%. Des données à prendre pour ce qu’elles sont : des indicateurs provisoires.

Les résultats définitifs ne devraient être communiqués que 48 heures après la fermeture de bureaux de vote. Soit plus tard que ce qui était initialement prévu. Le ministère de l’Intérieur avait annoncé un calendrier précis : communiqué du taux de participation dès la fermeture des bureaux de vote, et des premiers résultats dès onze heures le soir de l’élection, le tout suivi d’une communication finale du ministère le lendemain à midi. Cette communication a d’abord été repoussée de quelques heures pour, au bout du compte, être repoussée de vingt-quatre heures supplémentaires. Driss Jettou, le ministre de l’Intérieur, ne devrait donc faire connaître les résultats de ces élections que dimanche soir à dix-neuf heures. Pourtant, tout avait été prévu pour assurer à la fois la simplification du vote et la rapidité de communication des résultats, via une collecte électronique des données vers le ministère concerné.

Résultats différés

A la fermeture des bureaux de vote, aucune information n’est tombée, si ce n’est le taux de participation en milieu d’après-midi, estimé à 30%. Un chiffre faible, confirmé plus tard par le ministère de l’Intérieur, qui avance «un taux variant de 52% à 55%»; une première déception, puisque les élections précédentes, celles de 1997, avaient connu une participation de 58,3% et que l’on s’accordait à dire que le scrutin de 2002 serait un succès si au moins 60% des électeurs s¹exprimaient. La seconde déception provient du retardement de la proclamation des résultats. Pourquoi ? Le ministère de l’Intérieur a, très vite, avancé plusieurs raisons objectives, dont la complexité du mode de scrutin, un scrutin de liste majoritaire, ainsi que le «double» vote, puisqu’une liste nationale, réservée aux femmes, s’ajoute aux listes régionales. La «transparence» obligerait également à vérifier que le nombre de votants correspond bien au nombre des suffrages exprimés, d’où des recomptages manuels fastidieux. Pour couronner le tout, les ordinateurs du ministère seraient tombés en panne à plusieurs reprises, d¹où un blocage des décomptes.

La rumeur a cependant vite couru : les islamistes du PJD auraient raflé une bonne partie de la mise. Dans la nuit du dépouillement, le ministre de l’Intérieur, Driss jettou a, en effet, annoncé que «le PJD pourrait au moins doubler son nombre de sièges au Parlement». Les dépêches sont tombées aussitôt, annonçant, au conditionnel, une «poussée islamiste au Maroc». Si bien que l’attente des résultats s’est intensifiée et a soulevé de nombreuses interrogations. «2 M», l’une des deux chaînes nationales de télévision, proposait, vingt-quatre heures après la fermeture des bureaux de vote, une série de reportages dans différentes circonscriptions montrant l’attente des militants. Aucun résultat n’y a été donné.

Une candidate du parti «Forces Citoyennes», un nouveau parti libéral un brin conservateur, y exprimait cependant son désarroi de façon candide : «Il y a un parti politique qui est en train de monter et de l’emporter sur tout le reste». Plus troublant encore, la rumeur selon laquelle le leader du PJD, Abdelkrim Khatib, aurait été appelé à quitter son domicile d’El Jadida, une ville située à 100 km au sud de Casablanca, pour se rendre au plus vite au palais royal de Rabat. Rumeur attestée par différentes sources, mais impossible à vérifier. Des indiscrétions à propos des résultats à Essaouira confirmaient le poids des islamistes : le parti de l’Istiqlal aurait raflé les trois sièges à pourvoir, contre l’USFP. Le PJD ne se présentait pas, mais avait appelé à voter Istiqlal.



par Isabelle  Broz

Article publié le 29/09/2002