Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Justice

Attentats de 1995 : le procès tant attendu

La vague d’attentats meurtriers qui a frappé la France, entre juillet et novembre 1995, est encore dans tous les esprits. Elle a fait huit morts, deux cents blessés et a maintenu les Français dans la terreur pendant plusieurs mois. L’ouverture du procès des responsables présumés des ces actes, sept ans après les faits, est donc un moment fort, surtout pour les victimes et leurs familles. Le verdict devrait être rendu le 31 octobre.
Le 25 juillet 1995, une bonbonne de gaz explose dans une rame du RER parisien à la station Saint-Michel, l’une des plus fréquentées de la capitale française. C’est un vrai carnage. Le wagon est déchiqueté. Huit personnes décèdent, cent cinquante sont blessées. Les images de l’évacuation des victimes ensanglantées et mutilées choquent l’opinion. Cet attentat provoque panique et stupeur dans la population. Le 6 octobre, une autre bombe explose dans le métro à la station Maison Blanche. Elle fait dix-huit blessés. Le 17 octobre, c’est la station Musée d’Orsay qui est visée par une nouvelle explosion. Trente personnes sont encore blessées.

Ces trois attentats font partie d’une série d’actes terroristes, parfois déjoués (contre le train à grande vitesse Paris-Lyon), parfois réussis (avenue de Friedland, rue Richard Lenoir) qui ont fait régner un climat de terreur sur la France pendant près de six mois durant l’année 1995. Les méthodes employées par les terroristes (explosion à la bonbonne de gaz) et les cibles (populations civiles) font immédiatement penser les enquêteurs à la piste du GIA (Groupe islamique armé) qui lutte contre le pouvoir en Algérie. La confirmation arrive d’ailleurs assez rapidement. Jacques Chirac, le président français reçoit, durant l’été, une lettre qui l’invite «à se convertir à l’islam». Et dès le mois d’octobre 1995, le GIA envoie un texte dans lequel il affirme qu’il poursuit «la voie du djihad [la guerre sainte]» et ses «frappes au cœur même de la France et de ses grandes villes». Ces attentats sont sensés faire payer à la France son soutien au régime algérien combattu par les islamistes. Ils font suite à un certain nombre d’assassinats de ressortissants français sur le territoire algérien, notamment en 1993 et 1994.

Au début du mois de novembre 1995, l’enquête aboutit à l’arrestation de Boualem Bensaïd et Smain Aït Ali Belkacem. Ces deux Algériens, qui ont revendiqué leur appartenance au GIA, ont déjà été condamnés en 1999 à dix ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» dans le cadre du procès du réseau Kelkal (du nom d’un autre terroriste tué par la police en 1995). Ils sont aujourd’hui de nouveau sur le banc des accusés à cause de leur participation présumée aux trois attentats en question dans le procès. Boualem Bensaïd est soupçonné d’être l’auteur principal des attentats perpétrés aux stations Saint-Michel et Maison Blanche et complice dans celui du Musée d’Orsay. Quant à Smain Aït Ali Belkacem, il comparaît comme poseur présumé de la bombe qui a explosé au Musée d’Orsay.

Ramda ne sera pas là

Reste Rachid Ramda, qui est soupçonné d’avoir été le financier du réseau et qui se trouve actuellement incarcéré à Londres. Le sort de ce dernier doit être examiné dès les premières audiences pour savoir si la cour jugera son dossier malgré son absence ou si un report est nécessaire. La France qui avait demandé l’extradition de Ramda n’a, en effet, pas obtenu satisfaction malgré une décision favorable du ministre de l’Intérieur britannique, David Blunkett. La Haute Cour, qui a examiné la requête française, a estimé que Ramda était «confronté à un risque de traitement inhumain ou dégradant» en France, en s’appuyant sur les déclarations de l’un des deux autres accusés, Boualem Bensaïd qui affirme avoir été maltraité au cours de l’interrogatoire durant lequel il a mis en cause Rachid Ramda.

Ces trois hommes seront jugés par une cour d’assises spéciale composée de juges professionnels. Les deux cents parties civiles, qui sont représentées par l’Association SOS-Attentats, attendent de ce procès qu’il désigne les responsables de ces actes et fasse la lumière sur leurs motivations. La culpabilité des accusés ne semble pas faire de doute. Le dossier contient un certain nombre de preuves irréfutables comme des empreintes de Bensaïd retrouvées sur certains explosifs ou des notes de repérage sur les lieux où les attentats ont été perpétrés. Mais des interrogations demeurent, notamment sur le sort et le rôle d’Ali Touchent, chef présumé du réseau du GIA en France, recherché activement par les enquêteurs au moment des faits mais jamais capturé (alors que les autres membres du réseau l’ont été), et dont la mort a finalement été annoncée par les autorités algériennes, le 23 mai 1997. C’est d’ailleurs notamment autour de ces questions que les défenseurs des accusés semblent avoir décidé de mettre l’accent pour plaider la cause de leurs clients. Philippe Van Der Meulen, l’avocat de Belkacem, a ainsi estimé que «les victimes ne doivent pas savoir seulement qui, mais aussi pourquoi et dans quelles circonstances». Procès des auteurs des attentats ou procès du terrorisme islamiste algérien et de ses ramifications ? Françoise Rudetzki, présidente de SOS-Attentats, reste prudente. «Je vous accorde que tous les responsables ne sont pas là. Mais ce procès n’est pas celui du GIA. C’est celui de Bensaïd et Belkacem



par Valérie  Gas

Article publié le 30/09/2002