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Politique française

L'échec de Lionel Jospin analysé par son épouse

A l'occasion de la sortie de son ouvrage, sous forme de journal intime, intitulé «Journal interrompu 24 janvier-25 mai», aux éditions du Seuil, Sylviane Agacinski, l'épouse de Lionel Jospin, revient sur la défaite et le retrait politique de l'ancien Premier ministre survenus le 21 avril dernier.
Après la parution du livre de Bernadette Chirac «Conversation» en octobre 2001, avant la campagne présidentielle, c'est aujourd'hui l'heure de la sortie de l'ouvrage de la femme de l'ancien Premier ministre socialiste, Lionel Jospin après son échec retentissant à l'élection présidentielle du printemps dernier. Ecrit sous la forme d'un journal intime, Sylviane Agacinski, philosophe de formation, raconte dans ce livre comment elle a vécu, de l'intérieur, la marche vers la défaite de son mari. Pour elle, la retraite de son mari de la vie politique française était une conséquence logique après l’échec du 21 avril. «Parfois, les gens l’interpellent dans la rue en lui disant : «Revenez, on a besoin de vous, pourquoi n’êtes-vous pas là ?» Il leur répond, j’étais là. C’est vous qui n’y étiez pas».

Rédigées au jour le jour pendant la campagne électorale, dans le secret le plus absolu, les réflexions de Sylviane Agacinski n'engagent qu'elle, comme elle s'escrime à le répéter et dans son entretien accordé au journal Le Monde le 25 septembre et dans son interview à la chaîne de télévision publique France 2, le même jour. «Ce que je publie ne se substitue à rien d’autre», tient-elle à faire savoir. L’épouse de l’ancien Premier ministre ajoute qu’elle a voulu «esquisser un portrait moral et politique de Lionel Jospin, différent des images caricaturales». «Mon dessein insiste sur la droiture du personnage, son sens de la responsabilité, du respect des promesses, de la dignité. Tout cela relève d’un style, d’une forme d’élégance qui n’a rien à voir avec la mode», insiste-t-elle.

Après avoir brossé un portrait flatteur de son mari, Sylviane Agacinski analyse l’élimination de ce dernier, au soir du premier tour de l’élection présidentielle. Pour cela, elle s’en prend vivement aux militants socialistes : «Cette élimination est forcément une défaite personnelle du candidat mais aussi une défaite de la gauche divisée et démobilisée, peut-être aussi naïve». Jacques Chirac, actuel président de la République et ancien adversaire de Lionel Jospin, n’est pas épargné. Interrogée sur la campagne du candidat de la droite, elle affirme que «Lionel Jospin a une morale qui lui interdit d’utiliser n’importe quel moyen, y compris dans une campagne», en ajoutant que «cela n’est pas toujours le cas de l’autre côté». Et regrette qu’on ait «fait apparaître le candidat Chirac comme le rempart de la République». Les médias sont aussi fustigés avec véhémence : «ils prétendent refléter l’opinion mais la font pour une large part, avec beaucoup de démagogie et peu de civisme». «L’opinion ne connaît de la vie politique que ce qui apparaît sur la scène médiatique, avide du sensationnel», écrit-elle.

Les socialistes dubitatifs

Sylviane Agacinski raconte aussi le déroulement de la soirée du 21 avril au quartier général de campagne de Lionel Jospin. «Je comprends soudain le silence et l’immobilité totale de ceux qui sont assis. Je vois leurs visages consternés, leurs regards incrédules. Ils sont prostrés. Ils savaient déjà ce que nous venons d’apprendre (…) Je regarde Lionel impassible (…) J’ai affreusement mal pour lui et, en même temps, je n’éprouve presque rien. Je le regarde et je sais que, au moins à cet instant, je ne peux rien pour lui», écrit-elle.

A l’annonce de la parution de cet ouvrage, le 26 septembre, certains grands ténors socialistes ont tenu à exprimer leur perplexité. Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes et président du groupe PS à l’Assemblée nationale a considéré que c’était «une contribution qui ne peut que nous éclairer sur certains aspects», tout en ajoutant : «mais ce n’est pas une analyse politique». Même son de cloche pour François Hollande, premier secrétaire du PS qui estime que ce témoignage n’a pas de signification politique : «il n’y a ni révélations, ni explications», a-t-il dit. Pour Henri Emmanuelli, député des Landes, il n’y a pas de commentaire à faire sur «les journaux intimes. C’est l’intimité de Madame Agacinski. C’est son droit de publier». Michel Charasse, sénateur socialiste du Puy-de-Dôme ironise en estimant que «tout ce qu’on a écrit aujourd’hui sur le sujet, on aurait mieux fait d’y penser avant». Seul député de la majorité à s’être exprimé sur le sujet, Claude Goasguen n’y va pas par quatre chemins en déclarant abruptement que l’ancien Premier ministre «parle beaucoup par contumace». «On a eu M. Schrameck avant l’élection. Après on a eu Mme Lienemann, maintenant on a Mme Jospin. Je trouve que M. Jospin est très bavard dans son silence», a-t-il lancé, avant d’ajouter : «ce serait bien que, de temps en temps, Lionel Jospin parle lui-même».

Lire également :
Le journal de Sylviane
(L’éditorial de Geneviève Goëtzinger)



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 26/09/2002