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Congo démocratique

Début du retrait de l’armée rwandaise

L'armée rwandaise a entamé mardi son retrait total de la République démocratique du Congo (RDC) en rapatriant près de 500 soldats de la ville de Kindus, un mois et demi après la signature d'un accord de paix entre Kigali et Kinshasa.
De notre correspondant à Kampala

Le retrait d’un premier bataillon de l’armée de rwandaise de la République Démocratique du Congo s’est fait mardi dernier dans une grande discipline. Quelques 500 militaires rwandais ont embarqué avec armes et bagages dans un Antonov affrété par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR), sur l’aéroport de Kindu. Cette localité de quelques 300 000 habitants, capitale de la province du Maniema, située à quelques 400 kilomètres de la frontière du Rwanda est occupée depuis quatre ans par le Rwanda.

Avant de monter dans l’avion, les militaires ont été passés en revue par James Kabarebe, le chef d’état-major de l’armée rwandaise. Quelques centaines de Congolais assistaient, dans une apparente indifférence à leur départ. Une indifférence à laquelle a répondu le mépris de James Kabarebe qui s’est adressé à ses troupes en Kinyarwanda, la langue du Rwanda.

«Notre retrait du Congo ne signifie pas la fin de la traque des Interahamwe. Après les avoir arrêtés en dehors de nos frontières, le Rwanda le fera depuis l'intérieur de ses frontières», leur a-t-il déclaré. «Si Kabila et les Nations unies ne tiennent pas leur promesse et laissent de nouveau les forces négatives pénétrer au Rwanda, nous ne resterons pas passifs et nous riposterons», a-t-il menacé. Ceux que James Kabarebe qualifie d’«Interahamwe» sont les milices Hutus rwandaises qui ont participées au génocide de 1994 au Rwanda. La plupart de ces miliciens ont fuient en République Démocratique du Congo, avec l’aide de l’armée française lors de la prise de pouvoir du Front Patriotique Rwandais (FPR), une rébellion tutsie soutenue par l’Ouganda dont le régime est lui-même soutenu par la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Dans un accord signé le 30 juillet dernier à Prétoria, en Afrique du Sud, la RDC s’est engagé à désarmer ces milices hutues et les ex-Forces armées rwandaises présentent sur son territoire. En échange de quoi, le Rwanda a promis de retirer ses troupes de la RDC dans les trois mois.

C’est en effet au prétexte de «mettre hors d’état de nuire» ces groupes armés Hutus réfugiés dans l’ex-Zaïre que le Rwanda a attaqué soin grand voisin en 1996 et chassé du pouvoir le président Mobutu. Depuis, l’armée rwandaise n’a jamais accepté de quitter ce riche pays d’Afrique Centrale. Un mois à peine après avoir été congédié par le défunt président Laurent-Désiré Kabila, en juillet 1998 le Rwanda a de nouveau envahi la République Démocratique du Congo avec le soutien de l’Ouganda, mais il s’est heurté aux troupes angolaises, zimbabwéennes et namibiennes, venues au secours de Kinshasa à la dernière minute. Depuis, l’armée rwandaise occupe un tiers du pays et l’armée ougandaise un autre tiers.

La réserve des autorités congolaises

L’amorce mardi du départ total de l’armée rwandaise des territoires occupés a été accueillie avec beaucoup de réserve par le ministre des Affaires étrangères congolais. «Nous ne pourrons nous réjouir que lorsque ce retrait sera confirmé par les Nations unies et quand il sera vérifié», a indiqué à l'AFP Léonard She Okitundu qui accompagnait le président Joseph Kabila, en visite officielle en Jordanie.

«Il faudra, a-t-il poursuivi, que ce retrait soit effectif et qu'il ne soit pas pour faire semblant en faisant sortir les troupes et puis, le soir, ces troupes reviendront sur le territoire congolais». Ce doute de la sincérité du retrait de l’armée rwandaise est partagé par beaucoup. Certains qualifient même ce retrait de «poudre aux yeux». En effet, le Rwanda laisse derrière lui un mouvement armé et dirigé par ses soins, le RCD-Goma. Or le secrétaire général de ce mouvement, Azarias Ruberwa, a rappelé sur les ondes de RFI avoir «pris les dispositions nécessaires pour que notre armée couvre efficacement tout l'espace que nous occupions avec les Rwandais et nous ne nous sentons pas directement menacés par ce retrait».En visite à Kampala, l’ancien porte-parole du RCD-Goma, le professeur Typhon Kin-Kiey Mulumba, soupçonne les autorités rwandaise de retirer leurs hommes d’un côté pour les redéployer de l’autre.

«Je ne serais pas étonné si la plupart des prétendus réfugiés Tutsis qui sont actuellement chassés du Rwanda et installé dans le Masisi, à l’ouest de Goma se révélaient être en réalité des militaires rwandais», dénonce-t-il. Kin-Kiey Mulumba, qui a créé en juillet dernier à Bruxelles un mouvement dissident du RCD-Goma, le RCD-Congo, rappelle que le RCD-Goma reçoit toujours ses ordres de Kigali. Le RCD-Goma a d’ailleurs interdit au Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies d’interviewé les quelques 8 000 Tutsis récemment rapatriés du Rwanda dans le village de Kichanga, dans l’Est de la RDC.

Coupant court à ces soupçons, les autorités rwandaises assurent que le retrait de leurs troupes des territoires occupés sera total. Selon Joseph Mutaboba, secrétaire général du ministère rwandais des Affaires étrangères, tous les militaires rwandais se seront retirés de la RDC d’ici la fin octobre, conformément au délai de 90 jours établi par l'accord de Pretoria.

Ce retrait pour être effectif devrait s’accompagner du redéploiement de la Mission d’Observation des Nations unies (MONUC) qui a déjà 5 537 hommes en RDC. A cette fin, le secrétaire général des Nations unies a recommandé que soit établit un Etat major avancé de la Monuc à Kisangani, l’une des principales villes congolaises occupées par le Rwanda. Kofi Annan a également proposé la création de deux contingents de casques bleus, forts de 1 700 hommes chacun, qui seraient déployés à Kindu et à Kisangani.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 19/09/2002