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Immigration

Sangatte : les étapes d’une fermeture annoncée

La fermeture du centre de réfugiés de Sangatte, petite ville française du Nord près du port de Calais, qui accueille des clandestins originaires pour la plupart d’Afghanistan et d’Irak, est de plus en plus à l’ordre du jour. Reste à trouver les moyens de convaincre les personnes qui y ont trouvé refuge d’accepter un retour dans leur pays alors qu’elles ont souvent tout risqué pour tenter l’aventure de l’exil vers des contrées plus accueillantes. Et surtout, à ne pas rejeter sur d’autres villes du littoral le problème de ce trafic vers l’Angleterre, la destination de prédilection des clandestins.
«On est sur un champ de mines.» Pour Marc Gentilini, président de la Croix-Rouge française qui gère le centre de réfugiés de Sangatte, la situation est de plus en plus préoccupante. Pour une capacité d’accueil maximum de 900 personnes, on dénombre actuellement près de 2000 réfugiés dans le centre qui est «au bord de l’explosion» et dans lequel, au fil des mois, arrive une population de plus en plus jeune et féminine. Ouvert en 1999, il a vu transiter en trois ans plus de 60 000 réfugiés qui cherchaient à se rendre en Angleterre, notamment en se dissimulant dans les trains qui empruntent le tunnel sous la Manche. A l’heure actuelle, les kurdes irakiens qui ont fui le régime de Saddam Hussein sont majoritaires (70%) et les Afghans, qui étaient les plus nombreux il y a quelques mois, ne représentent plus que 40 % des réfugiés.

Face aux inquiétudes des habitants de la région, qui voient avec crainte les clandestins affluer vers le centre de Sangatte, les politiques ne sont pas restés indifférents. Dès son arrivée au ministère de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, s’est intéressé à ce dossier sensible. Et après concertation avec son homologue anglais, David Blunkett, il a annoncé, cet été, la fermeture prochaine du centre d’accueil des réfugiés. Une nouvelle confirmée aujourd’hui, lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Sangatte où il a rencontré toutes les parties intéressées dans cette affaire : représentants de la Croix-Rouge, du Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), délégations des exilés, des autorités locales ; mais aussi David Blunkett, le ministre belge de l’Intérieur, Antoine Duquesne, et le ministre afghan des Réfugiés, Enayatoullah Nazeri. Cette fermeture devrait avoir lieu d’ici le premier trimestre 2003. «A partir de la mi-novembre, nous comptons arrêter les entrées à Sangatte

Les effets de la «tolérance zéro»

Reste à trouver la bonne méthode pour régler un problème compliqué, puisqu’il faut à la fois tenir compte du sort réservé aux réfugiés qui se trouvent actuellement dans le centre, mais aussi envisager les moyens de stopper cette immigration clandestine qui transite par la France en direction de l’Angleterre et non pas de simplement déplacer le phénomène d’une région à une autre. En effet, l’annonce de la fermeture de Sangatte mais aussi les dispositifs de sécurité mis en place ces derniers mois pour déjouer les tentatives des clandestins (clôtures, détection par la chaleur, le CO2, caméras, augmentation des agents de sécurité), ont déjà provoqué de la part des passeurs une réorganisation des circuits. Des villes comme Cherbourg, Dunkerque ou des ports de Belgique sont devenus les nouveaux points de transits vers lesquels sont orientés les exilés qui tentent d’embarquer sur les bateaux à destination de Douvres, notamment.

Premier effet de cette réorganisation des réseaux des trafiquants, le nombre de passages réussis par le tunnel sous la Manche est en nette diminution. La politique de «tolérance zéro» a permis de faire passer le nombre de clandestins interpellés sur le site d’Eurotunnel à Coquelles, de 53 566 pour toute l’année 2001, à 12 420 pour le seul premier trimestre 2002. Des chiffres qui montrent que les candidats à l’exil britannique ont de plus en plus de difficultés à déjouer les contrôles dans cette zone. Une collaboration policière entre la France et l’Angleterre dans cadre d’un «partenariat opérationnel» destiné à faciliter les échanges d’informations et de fonctionnaires, a aussi permis une plus grande efficacité dans le démantèlement des filières.

L’autre problème épineux est de faire aux réfugiés de Sangatte une proposition acceptable. Pour Nicolas Sarkozy, la meilleure solution reste l’incitation au retour dans leurs pays respectifs. «Il n’y a d’autre solution qu’un retour organisé chez eux.» Le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs annoncé aujourd’hui la signature d’une convention tripartite avec le ministère afghan des Réfugiés et le HCR pour organiser le rapatriement des ressortissants de ce pays en échange d’une compensation financière. Dans le cas des réfugiés kurdes irakiens, persécutés dans leur pays, cette solution va être encore plus difficile à mettre en place. La plupart des clandestins ne veulent en aucun cas envisager le retour dans leur pays. «Dans un premier temps», il est envisagé d’encourager les retours «volontaires». Mais en cas d’échec, des mesures autoritaires pourraient être prises. Le HCR a offert sa collaboration pour prendre en charge l’enregistrement des réfugiés et l’organisation des retours devrait passer par l’Organisation internationale pour les migrations. Malgré les difficultés, Nicolas Sarkozy reste optimiste : «J’ai bon espoir que les premiers retours volontaires interviennent dans les semaines qui viennent». La Grande-Bretagne a aussi décidé d’apporter sa pierre à l’édifice. Notamment en modifiant sa législation sur l’immigration et le droit d’asile pour rendre son système moins attractif (suppression du droit au travail, du droit exceptionnel de résidence). Ces nouvelles mesures devraient entrer en vigueur au mois d’octobre.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/09/2002