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Développement

FMI : apprendre des erreurs passées

Reconnaissant que les politiques qu’il a prôné n’ont pas porté leurs fruits, le FMI se veut désormais à l’écoute des pays du Sud et il assouplit les règles de conditionnalité liées aux prêts qu’il accorde.
De notre envoyé spécial à Washington

Alors que les opposants à la mondialisation se préparaient à paralyser Washington à l’occasion des réunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque Mondiale, le FMI vient de remanier de fond en comble la «conditionnalité» qui encadre ses concours aux pays en crise, bien souvent décriée notamment en Afrique.

Horst Köhler, le directeur général allemand du FMI, s’est félicité devant la presse de cette petite révolution dans les relations entre l’institution et ses clients, adoptée par le conseil d’administration avec effet immédiat à la veille des réunions des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de ses 184 pays membres.

Dorénavant, les pays qui demandent le soutien financier doivent assumer eux-mêmes, en premier lieu, la responsabilité de leurs politiques économiques et financières. Ainsi, les documents décrivant les réformes politiques qu’ils entendent entreprendre doivent être rédigés, dans toute la mesure du possible, par leurs propres autorités et non pas par les économistes du Fonds.

Fini les politiques d’ajustement structurel sans concertation?

Pour certains observateurs, notamment latino-américains, il s’agit bel et bien d’un recul du FMI –qui s’est fait depuis les années 1970 une réputation de chien de garde inflexible de l’orthodoxie financière et l'avocat, contre vents et marées, du libéralisme économique– puisque l’institution admet implicitement que les politiques d’ajustement structurel dictées de Washington à des pays parfois trop pauvres pour se serrer encore la ceinture n’ont pas abouti aux résultats escomptés.

Pas du tout, rétorque-t-on au siège du Fonds. Ce changement de cap fait partie des efforts pour adapter l’institution et ses pratiques aux réalités d’un monde en mutation rapide. «Nous ne prétendons pas être infaillibles», lance un responsable. Mais nous sommes pragmatiques».

Horst Köhler a reconnu lui-même cette semaine, dans une interview au quotidien français La Tribune, que la multiplication des crises économiques et financières de ces dernières années «a mis la lumière sur nos faiblesses». Mais il a aussitôt ajouté qu’il serait «erroné et injuste de rendre le Fonds responsable de tout ce qui est allé de travers au cours des deux dernières décennies.»

C’est d’ailleurs Horst Köhler lui-même qui a demandé, peu après sa prise de fonction au printemps 2000, une révision des conditions mis par le Fonds à ses prêts. Les nouvelles orientations résultent de près de deux ans d’études et de consultations, notamment avec la société civile dans plusieurs pays. Elles visent à simplifier la conditionnalité afin de rendre les programmes soutenus par le Fonds plus efficaces et améliorer leurs chances de réussite, notamment en rendant les pays concernés directement responsables de leur élaboration.

«Dans le passé, les programmes étaient construits en dehors des pays sans beaucoup de consultations à l’intérieur de ceux-ci», a constaté Masood Ahmed, le responsable de l’équipe qui a proposé les nouvelles orientations. «Mais sans un dialogue actif et réaliste à l’intérieur il n’y aura pas de réels résultats», a-t-il ajouté.

Masood Ahmed a également souligné que le FMI ne distribuera pas ses prêts sans avoir une «assurance raisonnable» que les programmes seront mis en œuvre dans de bonnes conditions, et mettra davantage que par le passé l’accent sur la gestion responsable et transparente des ressources publiques.

Horst Köhler a par ailleurs au cours d’une conférence de presse déploré le fait que la situation en Côte d’Ivoire risque d’empêcher la création d’un deuxième centre d’assistance technique par le FMI à Abidjan après celui qui doit être ouvert prochainement à Dar es Salaam en Tanzanie.

«Cela démontre que si l’Afrique, ses dirigeants et ses pays ne peuvent pas mettre un terme aux conflits armés et assurer une meilleure gestion des affaires publiques, les efforts de la communauté internationale dont le FMI ne pourront pas réussir», a-t-il conclu.



par Jan  Kristiansen

Article publié le 29/09/2002