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Développement

L’OCDE s’en prend à l’aide publique

La taxe Tobin sur les transactions financières spéculatives présente des difficultés d'application et recèle des effets pervers mais pourrait avoir un rendement important, estime une étude de l'OCDE. Mais, surtout, l'affectation des montants ainsi récoltés à l'aide publique au développement pose problème à ces experts qui s'interrogent, au passage, sur le bien-fondé même de l'aide aux pays en développement.
La taxation des transactions sur les capitaux «volatils» des marchés de devises dite «taxe Tobin», du nom du prix Nobel d'économie qui en a lancé l'idée dans les années 70, est le cheval de bataille de nombreuses organisations antimondialisation et, notamment de l'association Attac. Cette Association pour une taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens préconise que les montants collectés sur les capitaux spéculatifs soient reversés aux organisations internationales d'aide au développement.

Dans une étude réalisée par les experts de l'OCDE sur l'instabilité des marchés de change et la taxation des opérations financières c'est, sans avoir l'air d'y toucher, l’existence de l'aide publique au développement qui est mise en question. «Du point du vue économique, peut-on lire, l'utilisation d'impôts affectés à une telle utilisation n'est sans doute pas la solution la plus efficiente…Si tant est que cette aide en vaille la peine».

L’Organisation de coopération et de développement économique rassemble 30 pays industrialisés et se donne pour objectif la définition des politiques les plus efficaces, du point de vue libéral, afin que les décideurs de ces pays puissent adopter les bonnes stratégies. Et, concernant l’aide publique au développement, les économistes de l’OCDE enfoncent le clou : «L’établissement d’un lien entre taxe Tobin et l’aide publique au développement risquerait de détourner l’attention des pouvoirs publics de la question de savoir s’il convient d’augmenter ces transferts».

Très supérieur au montant de l’APD

Avec 1 250 milliards de dollars de transactions quotidiennes, 240 jours par an, et en appliquant une taxe de 0,5% on pourrait atteindre jusqu’à 1 500 milliards de dollars par an, évalue l’étude. Les partisans de la taxe Tobin eux-mêmes n’en demandent pas tant, puisque qu’Attac table sur un taux de 0,05% seulement et qui rapporterait environ 100 milliards de dollars par an. Dans les deux cas, le produit de la taxation serait très supérieur au montant actuel de l’aide publique au développement. En effet, l’APD fournie par les pays de l’OCDE rassemblés au sein du CAD (Comité d’aide au développement) aux pays du Sud s’est élevée à moins de 54 milliards de dollars en 2000, derniers chiffres connus, et subit une baisse tendancielle depuis plusieurs années.

Les économistes de l’OCDE mettent également en garde contre l’idée que la taxation «serait acquittée par des contribuables relativement nantis»,ceux qui spéculent sur les marchés des capitaux. Ils rappellent que les impôts sont répercutés sur les prix et que «la personne qui paie l’impôt en dernier ressort peut être très différente de celle qui transmet le produit de l’impôt à l’administration. Il n’est pas exclu que certains de ceux qui acquitteraient l’impôt seraient ces mêmes pays en développement qu’il s’agissait d’aider». Voilà qui est de nature, dans l’esprit des experts de l’OCDE, à relativiser «l’attrait que suscite dans l’opinion» une telle taxation.



par Francine  Quentin

Article publié le 14/06/2002