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Développement

Des hommes d’affaires «attentifs et attentistes»

Venus nombreux à Dakar pour se familiariser avec le Nepad, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, qui leur ouvrira peut-être des marchés juteux, les hommes d’affaires américains ou européens restent dans l’expectative.
De notre envoyée spéciale à Dakar

«Nous sommes attentifs et attentistes», a précisé l’un d’eux en soulignant que les investisseurs sont souvent «frileux» et ont besoin d’être rassurés. «Nous voulons bien sûr voir d’abord de quoi il s’agit et la mise en forme concrète des projets», explique pour sa part Michel Roussin, ancien ministre français de la coopération reconverti dans le secteur privé, venu donner le point de vue du patronat français et européen. Il préside notamment le comité ACP du Medef international (Mouvement des entreprises de France)

Michel Roussin a ainsi pris la parole au cours de la séance d’ouverture lundi de la conférence de deux jours en présence des dirigeants de quelque 35 pays africains dont une dizaine de chefs d’Etat et de plusieurs centaines de représentants du secteur privé, pour notamment insister sur la nécessité de sécuriser l’environnement des affaires. Il a préconisé un partenariat accru entre le secteur public et le secteur privé, afin de réussir le développement durable que réclament les Africains. Il a aussi réclamé une plus grande implication du secteur privé africain et une meilleure coordination des bailleurs de fonds.

Son point de vue est partagé par la plupart des entrepreneurs interrogés en particulier américains qui montrent un intérêt renouvelé par l’Afrique. «Pour nous, l’Afrique représente un marché potentiel très important. Le continent change puisqu’il entend prendre son destin en main et j’espère que cela correspond à la réalité», nous précise Stephen Hayes, président du CCA (Corporate Council on Africa) qui représente plus de 80 % de l’investissement privé direct américain en Afrique. Le CCA compte parmi ses membres des géants pétroliers comme Exxon Mobil (191 milliards de dollars de revenus l’année dernière) déjà très actif en Afrique, et des compagnies d’à peine une personne. Pour lui, la mobilisation de l’épargne africaine et la multiplication des petites entreprises sont primordiales. S’adressant à la conférence, il proposé un partenariat pour réussir le NEPAD «car votre succès est le nôtre», a-t-il dit. Parmi ses propositions figure notamment l’organisation de rencontres entre financiers africains et investisseurs de Wall Street, la bourse de New York.

Déjà le Nepad fait rêver les Africains

Le nom d’un autre homme d’affaires américain – Franck Savage - est sur toutes les lèvres car il commence à sillonner le continent apportant des investissements. Il dirige un fonds d’investissement de 350 millions de dollars destiné à l’Afrique dont le tiers provient du secteur privé et le reste est garanti par le gouvernement américain. «C’est la première fois que les Africains développent un programme par eux-mêmes mais nous voulons voir sa mise en application», nous dit-il en insistant également sur la paix et la stabilité nécessaires au bon climat des affaires et se félicitant que la bonne gouvernance soit une des priorités du NEPAD.

Les entrepreneurs qui, pour le moment, ont entendu surtout l'énoncé de bonnes intentions, attendent aussi de voir les projets concrets et chiffrés qui leurs seront présentés, et qui sont destinés au bailleurs de fonds du G8 qui se réunissent en juin prochain à Kananaskis au Canada. Ces projets concernent une dizaine de secteurs qui vont des infrastructures à la santé, en passant par l’éducation ou l’énergie.

Le NEPAD suscite beaucoup d’espoirs même si on ne sait pas encore ce qu’il contiendra au-delà des principes et des grands secteurs définis pour des projets régionaux et continentaux. Déjà des Africains et des Africaines en rêvent. Marthe Achy-Brou, ancien ministre ivoirien pendant la transition, ancien député, est venue à Dakar pour pouvoir intégrer dans les projets du NEPAD le sien «qui est petit», appelée «20 000 femmes pour une banque».

Elle voudrait créer une banque avec des capitaux de femmes ivoiriennes ou habitant dans le pays afin de permettre l’ouverture de petits comptes avec par exemple 10 ou 15.000 CFA au lieu de 150.000 f CFA actuellement, dit-elle. Elle a déjà récolté 100 millions sur le milliard requis et espère compléter la somme «d’ici deux à trois ans».

Quant à Mamadou, chauffeur professionnel mobilisé pour la conférence, il ne sait pas ce que signifie le sigle NEPAD collé sur son pare-brise. «Inch Allah», dit-il avec un grand sourire quand on lui explique qu’il s’agit à terme de trouver des fonds pour l’Afrique car il n’a toujours pas de maison à lui après 29 ans de travail.

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Norbert Navarro, 16/04/2002

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Aziz Sow
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par Marie  Joannidis

Article publié le 15/04/2002