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Développement

Fractures entre nord et sud

La conférence sur le financement du développement organisée à Monterrey, au Mexique par l’ONU reçoit pour ses deux derniers jours les présidents et chefs de gouvernement de 63 pays.
i>De notre envoyé spécial à Monterrey

Depuis lundi, 300 ministres, un millier de spécialistes et de membres de la société civile, venus des quatre coins du monde, ont échangé leurs opinions pendant trois jours à partir d’un texte connu comme le «Consensus de Monterrey». Les tables rondes, les séances plénières, les événements parallèles, pour la plupart à huis clos, leur ont permis d’aborder les grands thèmes du développement : exclusion des aides aux gouvernements corrompus, application d’impôts sur les transactions financières, annulation des dettes aux pays les plus pauvres, les discussions ont été très riches, de nouveaux concepts comme celui de la «bonne gouvernance» ont fait leur apparition.

A la fin de ces trois jours de travaux, les délégations de chefs d’État ou de gouvernement ainsi que les directeurs des puissants organismes mondiaux ont commencé à arriver. Georges Bush, Fidel Castro, Hugo Chavez, pour ne citer que les plus polémiques se sont succédés au podium de l’ONU. En un temps record de cinq minutes, chacun a pu exposer ses demandes ou proposer ses recettes.

Les pays riches sont dans l’ensemble très satisfaits de cette rencontre, estimant que la large participation au débat d’idées ont permis à tous les acteurs d’argumenter le bien fondé de concepts comme celui des Biens Publics Mondiaux, axe de la nouvelle politique francaise présentée par Charles Josselin avec le principe d’une taxation internationale pour financer l’aide au développement ou, l’idée présenté par Jacques Chirac, de la création d’un Conseil de Sécurité Economique du Monde. Le Consensus de Monterrey réaffirme la responsabilité de chaque pays.

Le rôle des politiques et des stratégies de développement nationales devraient être favorisés par un appui au renforcement des capacités institutionnelles (investir dans l’infrastructure économique et sociale de base, les services sociaux, la protection sociale, le renforcement du secteur financier, etc.).

Tout pour le secteur privé

Ce foisonnement d’idées n’a pas empêché les États-Unis de réaffirmer leurs principes comme si de rien n’était, prenant le contre-pied de l’aide au développement proposée par l’Europe, refusant par exemple d’entendre parler de la fameuse taxations de capitaux volatiles proposés par l’Allemagne (taxe Tobin). Pour neutraliser l’effervescence européenne, Washington a déplacé ses grosses pointures. Avant l’arrivée de George W. Bush, le pragmatique Paul O’Neill, ministre du Trésor, n’a pas mâché ses mots pour affirmer que le libéralisme, le secteur privé sont les seules voies possibles pour le développement, soulignant par ailleurs que les aides seront conditionnées au bon suivi de politiques macro-économiques. Pour répondre aux critiques sur la faiblesse de l’aide au développement de 5 milliards de dollars promis par Georges Bush, O’Neill fait valoir l’efficacité américaine.

Toutes les délégations du monde pauvre soulignent que si les discussions ont été passionnantes, elles sont bien peu constructives. Le Consensus de Monterrey dresse un tableau exhaustif des besoins et des grandes< orientations à arrêter pour promouvoir les développement des Pays pauvres mais il ne répond pas aux attentes concernant les moyens à y consacrer. Le président du Venezuela Hugo Chavez, au nom du groupe des 77, a martelé un discours très sévère pour les instances financières internationales.

Repris par le médiateur pour avoir dépassé son temps de parole, il a souligné que les 163 pays pauvres qu’il représentait avait sans doute le droit de s’exprimer deux minutes de plus. Il exige des pays riches d’être cohérents, c’est à dire d’ouvrir leurs marchés aussi largement qu’ils demandent aux pays pauvres de le faire, de lutter contre leur corruption, de créer des emplois, d’offrir une aide de qualité et non de charité.

La plupart des intervenants ont souligné que les pays riches n’ont pas réussi à remplir les objectifs qu’ils s’étaient eux-mêmes fixés il y a 30 ans de transférer 0,70 % de leur PIB au développement ; quant à la question de nouveaux accords pour alléger la dettes extérieures, (HIPIC) rien n’a été décidé malgré l’urgence. Il y a donc une certaine amertume de la part de ces pays pauvres qui considèrent que le Consensus de Monterrey ne réglera sans doute rien d’essentiel, car l’espace de discussion a été confisqué par l’Europe et les États-Unis qui s’opposent sur les concepts de développement et de géopolitique.



par Patrice  Gouy

Article publié le 22/03/2002