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Développement

Le marché de l’aide au développement

A Monterrey, devant la réticence des États à augmenter leur aide au développement, le secteur privé est incité à prendre le relais.
De notre envoyé spécial à Monterrey

La conférence internationale de Monterrey semble aujourd’hui porter ses efforts pour convaincre les États-Unis d’augmenter leur aide au développement. Tous les forums critiquent la manière d’agir du pays le plus riche du monde, sur la forme et non plus sur le fond. Les opposants à la mondialisation semblent avoir tout à coup baissé les bras. Ils n’essaient qu’une poignée à manifester autour du centre historique de la ville. Les ONG, avec leur «projet d’un monde différent» paraissent à cent lieux de ce qui se passe dans les séances plénières, aux forums des industriels ou autour des tables rondes des financiers qui refont notre monde comme un juteux négoce.

Les réflexions des participants renvoient davantage aux commentaires de conseils d’administration de multinationales qu’à de véritables débats de fond. Bien souvent, la pauvreté semble même évacuée comme si elle était indécente, en tout cas, elle n’est ici qu’un prétexte pour justifier le nouveau modèle économique que veulent imposer les États-Unis.

Curieusement, leur projet coïncide totalement avec les conclusions du Consensus de Monterrey, préparé par l’ex-président mexicain Ernesto Zedillo. Certains disent même que le projet présenté par l’ONU a été confisqué par Washington qui veut l’utiliser pour renforcer sa suprématie. Son programme «Partenaire dans la Prospérité» est de laisser au secteur privé et aux investisseurs le soin du développement, le secteur public n’intervenant que pour financer le plus coûteux : par exemple, les infrastructures, la lutte contre les maladies. Un marché très juteux ! George W. Bush est donc montré du doigt pour son refus d’ apporter le 0,7 % du PIB américain au fond d’appui des nations pauvres, ni même le 0,39 % comme ont promis de le faire les pays de l’Union Européenne.

Georges Soros, gourou de Monterrey

L’influent financier international, Georges Soros, joue aujourd’hui, à travers sa fondation, le rôle du bon philanthrope. Le suivra sous les sunlights Bill Gates qui lui aussi se sent «investi» d’une mission messianique.

Le message est toujours le même. Pour Soros, «une grande part de la misère que supporte le monde est le résultat des mauvais gouvernements qui engendrent la corruption et la répression». L’expert financier considère que le secteur privé est le mieux qualifié pour créer des richesses. Cyniquement cet homme qui a jeté dans la misère des millions d’hommes, de femmes et d’enfants en spéculant sur les monnaies, provoquant la dévaluation des économies des pays pauvres, souligne – c’est un expert qui parle – que le secteur des affaires n’est pas apte à bien gouverner, ajoutant très vite qu’il lui faudra travailler en symbiose avec les gouvernements pour créer les meilleurs conditions permettant d’attirer les investissements étrangers. Il souligne que l’aide publique des pays riches n’est pas suffisante et propose un Plan de Coopération Internationale qui devrait compter pour assurer son succès au moins 18 milliards de dollars par an. Une injection financière suffisante pour assurer des jours tranquilles aux multinationales.

Cette prédominance du secteur privé dans la conférence de Monterrey se reflète également dans les déclarations faites par Joseph Stiglitz, professeur d’économie de l’Université de Columbia qui en paraphrasant Clemenceau considère que «si les guerres sont trop importantes pour qu’on les laissent entre les mains des généraux, le développement est trop important pour qu’on le laisse entre les mains des ministres, des financiers et des multinationales du monde». Il souligne en outre qu’il faut trouver des «schémas innovateurs de financement du développement économiques et des biens publics globaux».

A écouter aussi :
Sophie Malibeaux
Journaliste à RFI, envoyée spéciale à Monterrey. (19/03/2002)

L'invité du matin, Uri Dadush
Directeur du groupe d'études des perspectives de développement de la Banque mondiale. 15/03/02



par Patrice  Gouy

Article publié le 20/03/2002