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Développement

Le privé au service du développement

Les dirigeants de quelque 35 pays africains dont une dizaine de chefs d’Etat tenteront ce lundi et mardi d’intéresser les investisseurs du secteur privé international à la nouvelle initiative pour relancer l’économie du continent, connue sous son sigle anglais de NEPAD, Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.
Mais, à la grande déception du président sénégalais Abdoulaye Wade, les parrains anglophones du NEPAD, le sud-africain Thabo Mbeki et le nigérian Olusegun Obasanjo, font défection au dernier moment, le premier pour cause officielle de réunion sur la RDC (République démocratique du Congo) à Sun City et le deuxième en raison de la visite du président chinois Jiang Zemin.

Déjà les deux autres co-auteurs du NEPAD, l’égyptien Hosni Moubarak, occupé par la crise au Proche-Orient, et l’algérien Abdelaziz Bouteflika, s’étaient excusés, tout en envoyant à Dakar des délégations importantes.

Les Sénégalais, qui n’hésitent pas à parler en privé d’affront et même de «gifle» de la part de Thabo Mbeki et d’Obasanjo, essaient quand même de faire bonne figure, mettant l’accent sur la forte participation du secteur privé et de l’Afrique en général, même si les chefs d’Etat attendus sont dans leur majorité francophones, à l’exception de ceux du Kenya et de l’Ouganda.
Certains observateurs diplomatiques estiment en fait que le président sud-africain a été particulièrement irrité par les prises de position critiques du chef d’Etat sénégalais à propos des élections controversées au Zimbabwe et de la «timidité» africaine à cet égard, avant que Mbeki et Obasanjo ne s’associent à la suspension de Harare du Commonwealth.
Un autre facteur latent reste la rivalité apparue entre Mbeki et Wade, auteurs chacun d’un plan de relance du continent – MAP (plan du Millenium) et le plan OMEGA - avant la fusion des deux qui a abouti au NEPAD.
Dans une interview à RFI, Abdoulaye Wade a d’ailleurs souligné à nouveau cette semaine qu’on ne peut arriver à la prospérité économique s’il n’y a pas de bonne gouvernance politique, publique et privée.
«Et puis après tout le NEPAD concerne toute l’Afrique qui est bien représentée – l’Afrique du Sud et le Nigéria y envoient leurs vice-présidents – qui va parler d’économie avec le secteur privé», souligne un responsable sénégalais.

Ratsiraka et Ravalomanana sont attendus à Dakar

Les Sénégalais espèrent aussi réussir un coup politique dans le droit fil des objectifs du NEPAD qui préconise la paix et la fin des conflits internes ou régionaux, en tentant de mettre face à face le président malgache sortant Didier Ratsiraka et son rival Marc Ravalomanana, qui s'est autoproclamé président. Tous les deux sont attendus à Dakar et devraient participer mercredi à l'huis clos prévu entre les chefs d’Etat présents, après la réunion avec le secteur privé.

La capitale sénégalaise qui attend plusieurs centaines de représentants du secteur privé, venus de tous les horizons, s’est déjà mis à l’heure du NEPAD, même si ici on réfute le terme de «foire aux projets».
Un séminaire de deux jours en présence du secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) y a réuni vendredi plusieurs personnalités pour examiner la contribution de la francophonie au NEPAD, sur le thème «démocratie, bonne gouvernance, droits de l’homme, paix et sécurité».
Le Premier ministre canadien Jean-Chrétien qui accueillera en juin prochain le G8 qui regroupe les principaux bailleurs de fonds publics, est passé vendredi par Dakar au terme d’une tournée consacrée à la nouvelle initiative africaine.
Il a souligné à cette occasion qu’il fallait tout faire pour remettre l’Afrique à l’ordre du jour mondial en lui apportant notamment plus d’investissements et plus de ressources.
Il s’est aussi déclaré impressionné par la motivation des Africains qui ont décidé de prendre les choses en main, même si des avancées restent à faire y compris sur le plan de la bonne gouvernance.

De leur côté, les sherpas du G8 chargés du NEPAD dont le français Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI, se sont réunis à huis clos dans la capitale sénégalaise, entré eux et avec leurs homologues du comité de mise en application du plan africain.
«C’est un processus qui se développe et s’approfondit», nous a déclaré Michel Camdessus. «Nous essayons de faire du NEPAD la rampe de lancement de Monterrey», a-t-il ajouté, évoquant la récente Conférence sur le financement du développement au Mexique, au cours de laquelle les principaux donateurs nord-américains et européens se sont engagés à faire plus pour les pays pauvres.
Il s’est aussi félicité de la nouvelle approche appelée peer review, contrôle par les pairs, qui permet d’un côtés aux Africains de se surveiller eux-mêmes et aux membres du G8 de faire pareil «mais aussi à chacun des deux groupes de se soumettre au regard critique de l’autre».
Les Africains présenteront aux investisseurs des projets concrets et chiffrés élaborés d’abord par chacune des cinq régions du continent – nord, sud, est, ouest et centre – et placés dans un contexte continental.
«Nous voulons d’abord faire connaître le NEPAD et montrer que nous sommes sérieux», soulignent des responsables africains interrogés sur le fait que le secteur privé risque d’attendre d’abord la réponse des bailleurs de fonds publics – G8, Banque Mondiale – avant de s’engager dans des projets précis.



par Marie  Joannidis

Article publié le 14/04/2002