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Politique française

Le projet sécuritaire de Nicolas Sarkozy

Le Journal Le Figaro qui s’est procuré une copie du projet de loi définitif sur la sécurité intérieure élaboré par Nicolas Sarkozy, révèle, dans son édition du 4 octobre, certaines dispositions du nouveau texte : renforcement de la législation sur les armes, pouvoirs accrus pour la police et la gendarmerie, création de nouveaux délits, accès facilité au fichier des empreintes génétiques…etc.
Dans son édition du 27 septembre, le quotidien Le Monde avait affirmé que le «brouillon» du projet de loi sur la sécurité de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, renforçait considérablement les pouvoirs de la police et limitait ainsi les droits de la défense. Selon la copie de ce texte, les procédures de garde à vue auraient dû être assouplies, la visite des avocats retardée et le contrôle des magistrats réduit. Une révélation qui avait alors suscité l’émoi des associations de défense des droits de l’homme et des magistrats. Apparemment, aujourd’hui, il n’en est rien. Le Figaro révèle dans son édition de ce vendredi que cette loi serait moins répressive que ce qu’avait annoncé Le Monde, il y a quelques jours.

Ce projet de loi sur la sécurité intérieure, tel qu’il a été déposé, le 3 octobre, au Conseil d’Etat et qui sera présenté en conseil des ministres vraisemblablement le 23 octobre prochain, comporte quarante-quatre articles et dessine «deux axes forts» : des nouveaux pouvoirs pour la police et la gendarmerie et la création de nouveaux délits qui prennent «en compte l’évolution de la délinquance». «Aucune liberté ne sera menacée», a assuré Nicolas Sarkozy à l’Assemblée nationale, lors de la première séance de questions au gouvernement. En outre, le ministre de l’Intérieur a justifié, ce vendredi, la création des nouveaux délits en déclarant qu’ils répondaient «à l’exaspération des gens qui ne comprennent pas l’impuissance de la puissance politique».

L’inquiétude du PCF et des avocats

S’agissant des nouveaux pouvoirs de la police et de la gendarmerie, cette nouvelle loi leur permettra de «fouiller les coffres de voitures dans les affaires de vol ou de recel», d’inscrire dans leurs fichiers des «informations sur les personnes dans les affaires de terrorisme ou de crime organisé», d’élargir le fichier des empreintes génétiques à toutes les personnes soupçonnées de crime ou délit passible d’au moins trois ans de prison, et d’obliger les prévenus à se soumettre aux prélèvements scientifiques pour des analyses ADN. Par ailleurs, le texte accorde aux officiers de police judiciaire, une compétence sur la totalité du département et non plus seulement sur le ressort du tribunal de grande instance, facilite les perquisitions et prévoit le recours à la surveillance électronique aux frontières pour lutter contre le vol de voiture. Enfin, les saisies pourront être réaffectées à la police, les pouvoirs de la police municipale seront accrus et les stadiers pourront procéder à des palpations pour détecter armes et produits dangereux.

D’autre part, de nouvelles infractions comme le racolage, la mendicité, les regroupements dans les halls d’immeubles, le squatt ou les occupations abusives de terrains par les gens du voyage vont être créées. Selon Le Figaro, le racolage sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende et les prostituées étrangères pourront se voir retirer leur carte de séjour. Concernant le proxénétisme, l’exploitation de personnes vulnérables deviendra une circonstance aggravante au même titre que l’exploitation des mineurs. De plus, l’installation «sur ou dans un bien immobilier appartenant à autrui» sans autorisation sera punie de six mois de prison et de 3 000 euros d’amende. La sanction visant l’exploitation de la mendicité sera aggravée, particulièrement si les victimes sont des mineurs et la mendicité agressive punie de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.

Sur ce dernier point, un accord intergouvernemental sur la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire français va être signé, aujourd’hui, à Matignon, dans le cadre de la visite officielle du Premier ministre roumain, Adrian Nastase, en France. En effet, Dominique Versini, secrétaire d’Etat à la Lutte contre la précarité et l’exclusion, s’était attelé, dès son arrivée au ministère, au dossier des enfants roumains qui vivent dans les rues ou les squatts et qui sont contraints à la mendicité, aux petits vols et depuis peu à la prostitution.

Les communistes et les avocats ont vivement réagi. Le PCF a qualifié le ministre de l’Intérieur de «véritable maniaco-dépressif», en dénonçant les «orientations ultra-sécuritaires» du texte. «On va vers une société de soupçon et ce projet criminalise la misère», a affirmé le parti communiste dans un communiqué, après la publication par Le Figaro du projet de loi tel qu’il a été déposé au Conseil d’Etat. Du côté du syndicat des avocats de France, même réaction : «en quelques mois, ce gouvernement aura dessiné les contours d’un Etat inquiétant où la discrimination sociale est organisée, notamment par la loi pénale, et où les populations sont livrées à l’arbitrage policier», a-t-il écrit.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 04/10/2002