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Justice

Attentats de 1995 : les accusés face aux victimes

Le procès des auteurs présumés des trois principaux attentats perpétrés en France, en 1995, s’est ouvert aujourd’hui, dans le calme. Pour la première fois, les parties civiles se retrouvent face aux accusés dont le procès doit durer cinq semaines. Mais l’épreuve des victimes ne prendra pas fin avec l’énoncée du verdict puisque les magistrats ont décidé, dès la première audience, de reporter le jugement du troisième accusé, dont la France demande l’extradition.
Il s’agit d’un procès difficile et douloureux pour lequel des mesures de sécurité renforcées ont été prises. Seules les parties civiles présentes, soit à peu près la moitié du total (200), peuvent pénétrer dans la salle d’audience. Un espace indépendant a été aménagé à l’extérieur pour que les médias puissent suivre le déroulement du procès, filmé par des caméras, sur des écrans. Et surtout, une cellule d’aide psychologique a été mise en place pour permettre aux victimes de bénéficier, si nécessaire, d’une assistance durant les audiences qui vont leur faire revivre des moments terribles.

Seuls deux des trois hommes accusés d’avoir préparé et organisé les attentats qui ont fait huit morts et deux cents blessés en 1995, dans la capitale française, comparaissent devant la cour d’assises spéciale de Paris, composée exclusivement de sept magistrats professionnels réunis sous la direction du président Jean-Pierre Getti. Il s’agit de Boualem Bensaïd et Smain Aït Ali Belkacem, deux Algériens appartenant au Groupe islamique armé (GIA) qui a revendiqué les attentats. Ils ont été arrêtés en novembre 1995 et risquent, dans cette affaire, une condamnation à la prison à perpétuité avec une période de sûreté pouvant aller jusqu’à vingt-deux ans. Les deux hommes qui ont déjà été condamnés en 1999 pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», nient les faits qui leur sont reprochés même s’ils reconnaissent leur appartenance au GIA. Une quinzaine de témoins doivent être appelés à la barre durant les audiences. Parmi eux, Roger Marion, l’ancien chef de la police anti-terroriste et Nasserdine Slimani, le principal témoin à charge contre Boualem Bensaïd, qui ne s’est pas présenté devant la cour et qui est recherché par la police.

Contentieux entre Paris et Londres

Le troisième accusé, Rachid Ramda, arrêté et écroué à Londres, n’a pas été extradé par la justice britannique avant l’ouverture du procès. Les magistrats français ont donc décidé, dès la première audience, de disjoindre son dossier des deux autres et non de le juger par contumace. Peut-être dans l’attente d’un nouvel examen de la demande d’extradition de la France qui doit avoir lieu le 23 novembre prochain. Jusqu’à présent, les magistrats britanniques ont opposé une fin de non-recevoir à leurs collègues hexagonaux. La Haute Cour de Londres a affirmé, le 27 juin, que les droits de Rachid Ramda risquaient de ne pas être respectés s’il était renvoyé en France pour être jugé, estimant qu’il était déjà considéré comme coupable avant même le début des audiences et que les accusations portées contre lui par l’un des deux autres accusés, Boualem Bensaïd, avaient été formulées après un interrogatoire musclé.

Cette position a été vivement critiquée par les magistrats français, parmi lesquels Jean-François Ricard, le juge anti-terroriste qui a mené l’instruction et a recueilli un nombre important d’éléments qui indiquent que Rachid Ramda était bien impliqué directement dans les attentats et a notamment financé les actions menées par les terroristes à partir de sa base arrière londonienne. Des traces d’un virement de 5 000 livres au bénéfice de Boualem Bensaïd, la veille de l’un des attentats, ou d’appels téléphoniques avec les poseurs de bombe ont, par exemple, été retrouvées. D’ailleurs, la plupart de ces preuves ont été fournies par la police britannique qui a arrêté Ramda le 4 novembre 1995.

Le ministre de la Justice français, Dominique Perben, a lui aussi exprimé sa déception concernant le rejet de la demande d’extradition du terroriste. «Je regrette très vivement que la Grande-Bretagne n’ait pas pris la décision d’extrader l’un des complices présumés de cette affaire. J’espère que nous n’attendrons pas indéfiniment. J’ai fait part d’une certaine impatience française par rapport à ce dossier». La réticence des Britanniques à accéder à la demande de Paris s’explique notamment par la crainte des autorités de ce pays, qui abrite un grand nombre d’islamistes, de provoquer des réactions sur son sol de la part d’éléments dangereux. Londres fait, en effet, figure de mauvais élève de classe européenne en matière de coopération antiterroriste. Et le système judiciaire britannique offre de nombreux recours qui pourraient permettre à Ramda de faire durer la procédure d’extradition encore longtemps. La présidente de l’association SOS-Attentats qui représente les parties civiles dans ce procès, regrette bien évidemment une telle situation et le fait que «la Grande-Bretagne n’accepte aucune coopération judiciaire» dans cette affaire.



par Valérie  Gas

Article publié le 01/10/2002