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Indonésie

Carnage à Bali

Plus de 190 personnes ont été tuées samedi dans l’explosion d’une voiture piégée devant une boîte de nuit de Bali. La plupart des victimes sont des touristes occidentaux.
De notre correspondant en Indonésie

La bombe a explosé dans un night club situé en plein cœur de Kouta beach, un des sites touristiques les plus fréquentés de Bali. Les images diffusées, en boucle, par la télévision indonésienne révèle l’ampleur du désastre. Des corps déchiquetés ou calcinés jonchent sur un sol couvert de poussière et de débris. La discothèque est détruite de fond et en comble et les murs des bars mitoyens sont totalement calcinés. L’explosion s’est produite à une heure de très grande affluence ce qui explique le bilan, déjà très lourd, des victimes. Une partie a été tué sur le coup et une autre brûlée dans les incendies qui se sont rapidement propagés.

Dans la matinée de dimanche, les secours continuaient de sortir des cadavres des décombres. Les hôpitaux, sous-équipés pour ce genre de catastrophe, ont du mal à soigner tous les blessés. L’Australie, qui compterait un nombre très important de victimes, a annoncé l’envoi de plusieurs équipes médicale et le rapatriement rapide de ses ressortissants présents à Bali. Du côté indonésien, Mégawati Sukarnoputri, la présidente, a fait une brève déclaration axée principalement sur le bilan des victimes. Elle s’est ensuite envolée pour Bali sans donner aucune précision sur les premiers éléments de l’enquête. Mais d’après les premiers témoignages, on sait maintenant que deux bombes ont visé la discothèque. La première, de faible puissance, aurait explosé à l’intérieur, et la deuxième, quelques secondes plus tard, à l’extérieur. La deuxième déflagration a été si forte que les vitrines des magasins du quartier ont été brisée dans un périmètre de 500 mètres.

Une source militaire a indiqué que l'explosif utilisé serait du TNT et les premiers rapports de police décrivent un trou, de plusieurs mètre de diamètre, situé à quelques pas de l’entrée de la discothèque. Il s’agirait donc d’un attentat à la voiture piégée. Il n’est pas rare que des bombes explosent en Indonésie. Il y a en a régulièrement dans les îles Moluques ou à Aceh, dans le nord de Sumatra. Mais ces attentats sont liés à des conflits locaux, intercommunautaires ou indépendantistes, qui sortent rarement des frontières provinciales. Les explosifs utilisés sont souvent rudimentaires et les ressortissant étrangers n’en sont jamais la cible. Or ceux qui ont organisé le carnage de Bali avaient l’intention de tuer des Occidentaux. Car l’explosion s’est produite sur un des sites les plus visités de cette île fleuron de l’industrie touristique indonésienne.

La piste d’Al-Qaïda

La piste des mouvements islamistes indonésiens, qui se sont beaucoup développés depuis la chute du général Suharto en 1998, ne peut pas être négligée. Ces extrémistes ont pour habitude de lancer des opérations commando contre les boîtes de nuit de Jakarta qu’ils contraignent à la fermeture. Ils dénoncent aussi régulièrement Bali comme un lieu de perdition et de débauche. Mais leurs actions n’ont jamais fait de blessés graves et ressemblent plus à de la gesticulation politique. C’est donc plutôt vers Al-Qaïda que les plus lourdes suspicions se portent. Depuis plusieurs semaines, des diplomates s’inquiètent publiquement de l’implantation très importante de l’organisation d’Oussama Ben Laden dans l’archipel. Ces craintes se fondent sur les révélations faites à la CIA par Omar Al Farouk, un Koweïtien que la police indonésienne a livré en juin dernier aux Américains et que la Maison Blanche accuse d’être l’envoyé d’Al-Qaïda en Asie du Sud-Est. Omar Al Farouk aurait révélé l’existence d’un vaste réseau chargé de préparer des attentats contre les intérêts occidentaux dans la région.

Il aurait également désigné Abou Bakar Bashir, le responsable d’une école coranique de Java, comme le chef de la Jamiya islamya, une organisation qui aurait préparé plusieurs attentats ratés contre les intérêts américains à Singapour. Son extradition est réclamée depuis plusieurs mois par la ville-Etat mais le gouvernement indonésien s’y oppose estimant que les preuves de son implication sont totalement insuffisantes. Durant des mois, Jakarta a même nié l'existence d'Al-Qaïda en Indonésie, avant de reconnaître que celle-ci pourrait disposer d'un réseau limité dans l'archipel. Sa position est toutefois très ambiguë: il reconnaît la présence d’Al-Qaïda mais il en fait systématiquement porter le chapeau à des organisations ou à des individus étrangers. Pourtant, la police a arrêté il y a quelques semaines un ressortissant allemand d’origine arabe qui avait en sa possession des cassettes vidéo montrant un camp d’entraînement de militants islamistes située aux îles Suleiweisi. Or, plusieurs de ces militants parlaient si bien l’indonésien qu’aucun doute n’est possible sur leur nationalité.



par Jocelyn  Grange

Article publié le 13/10/2002