Côte d''Ivoire
Une rébellion à deux têtes
Plus d’un mois et demi après le déclenchement de la rébellion, celle-ci dévoile encore un peu son visage politique. Sa «branche politique» - le MPCI - s’est doté mercredi d’un coordinateur aux relations extérieures, en la personne de Louis Dakoury-Tabley, réfugié à Paris au lendemain du 19 septembre dernier. Une personnalité très connue en Côte d’Ivoire, pour avoir été l’un des proches du président Gbagbo, avant d’être exclue en 1999 de la direction du FPI et de se rapprocher du RDR d’Alassane Ouattara.
Après Guillaume Soro, l’ancien leader étudiant qui a dirigé la FESCI avant de rejoindre le RDR d’Alassane Ouattara et actuellement secrétaire-général du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire, un autre opposant historique de feu Houphouët-Boigny ou de son successeur Konan Bédié choisit de se ranger du côté des insurgés. Louis Dakoury-Tabley, 57 ans, originaire d’une grande famille bourgeoise de Gagnoa, dans l’ouest du pays, s’est présenté lui-même, dans une déclaration faite à Paris mercredi dernier, comme le coordonateur aux relations extérieures du MPCI. En attendant peut-être de connaître le visage d’un éventuel président.
Ce personnage haut en couleurs et d’un physique imposant n’est vraiment pas un inconnu à Abidjan. Surtout depuis 1988, lorsqu’il devient membre de la direction du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, au moment où celui-ci rentre de son exil en France. Mais il n’a jamais été «numéro deux» du FPI, car il n’a pas fait partie du petit groupe d’étudiants ou professeurs qui ont dirigé les premières cellules dans la clandestinité, lorsque, au pays d’Houphouët-Boigny, seul le PDCI avait droit de cité. A Strasbourg, à partir de 1969, puis à Riviera Club, en Côte d’Ivoire, à partir de 1982, avant la création officielle du FPI en 1986.
A partir de 1988, Louis Dakoury-Tabley est néanmoins un proche de Laurent Gbagbo, qui l’appelle «mon frère»; et en 1996 il occupe officiellement la cinquième place dans la hiérarchie du parti, avec la responsabilité de la sécurité. Mais il est aussi constamment partisan d’une opposition radicale: à plusieurs reprises il se prononce pour la création d’une «branche militaire» du FPI, dans le but de renverser par la violence le régime du PDCI. Ce que refusent Gbagbo et les autres dirigeants du parti, qui ont définitivement opté pour une transition pacifique, notamment à partir de 1992, lorsque le multipartisme est autorisé.
Le choix des armes
De plus, en charge de la gestion d’une importante imprimerie abidjanaise, Roto 2000, Dakoury-Tabley est soupçonné de différentes malversations financières dont la presse privée s’est fait l’écho. Il est écarté de la direction de cette imprimerie, ce qui précipite sa disgrâce au sein du FPI. Toutefois, ce n’est qu’en juillet 1999 qu’il est officiellement exclu du secrétariat national, quelques mois à peine avant le putsch de Robert Gueï et le départ en exil de Konan Bédié. Aussitôt après, lorsque le FPI de Gbagbo se prononce pour une alliance avec le PDCI dirigé désormais par Laurent Dona Fologo, la rupture est totale entre le FPI et Dakoury-Tabley, qui se rapproche peu à peu du RDR, et participe à des réunions officielles du parti d’Alassane Ouattara. Parallèlement il crée son propre groupe de presse et lance le quotidien Le Front, qui attaque durement les anciens camarades du FPI, notamment après l’arrivée au pouvoir de Gbagbo. Et ce jusqu’au 19 septembre 2002, lorsque le site Internet du quotidien cesse d’être alimenté.
Ce partisan de la manière forte a lancé mercredi un «appel solennel à tous les fils et filles de Côte d’Ivoire, de toutes formations politiques, de toutes confessions religieuses et de toutes appartenances ethniques à apporter leur soutien actif au MPCI» de Guillaume Soro, autre partisan de la manière forte, depuis son passage à la direction de la FESCI, la Fédération des étudiants ivoiriens. C’est grâce à lui, en effet, que celle-ci a installé à l’université d’Abidjan un climat d’insécurité régulièrement dénoncé par d’autres associations scolaires, qui lui reprochent de recourir souvent à la violence physique pour imposer sa loi: une loi de type mafieux qui n’exclut ni le racket des commerçants, ni le viol des filles, ni le trafic des diplômes.
D’ailleurs, les successeurs de Guillaume Soro à la tête de la FESCI, à commencer par Ble Goudé, ont continué d’entretenir ce climat, tout en utilisant le paravent de «l’ivoirité». Jean-Yves Dibopieu, l’actuel secrétaire général de la FESCI, n’a-t-il pas proclamé lors du récent Forum de réconciliation: «Nous assumons notre xénophobie»? Une manière pour le moins surprenante de vouloir «défendre la nation», que d’autres organisations d’étudiants ont imputé à ce qu’ils qualifient de «dictature de la FESCI». Ce qui ne facilite sans doute pas la tâche du président Gbagbo, déjà aux prises, depuis le 19 septembre, avec des querelles au sein du gouvernement mais aussi à des débordements extrémistes plus qu’inquiétants. L'assassinat du frère de Dakoury-Tabley, le docteur Benoît, retrouvé criblé de balles ce vendredi dans un quartier de la capitale après avoir été enlevé deux jours plus tôt, ne peut que confirmer ces craintes.
Le «choix des armes» effectué par Guillaume Soro comme par Louis Dakoury-Tabley n’est probablement pas étranger à leur passé. Pour Alain Toussaint, le conseiller en communication de Laurent Gbagbo, Louis Dakoury-Tabley «ne fait qu’accorder sa parole, ses actes et sa connivence avec ceux qui préparaient le putsch visant à renverser les autorités légitimes de Côte d’Ivoire».
Ce personnage haut en couleurs et d’un physique imposant n’est vraiment pas un inconnu à Abidjan. Surtout depuis 1988, lorsqu’il devient membre de la direction du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, au moment où celui-ci rentre de son exil en France. Mais il n’a jamais été «numéro deux» du FPI, car il n’a pas fait partie du petit groupe d’étudiants ou professeurs qui ont dirigé les premières cellules dans la clandestinité, lorsque, au pays d’Houphouët-Boigny, seul le PDCI avait droit de cité. A Strasbourg, à partir de 1969, puis à Riviera Club, en Côte d’Ivoire, à partir de 1982, avant la création officielle du FPI en 1986.
A partir de 1988, Louis Dakoury-Tabley est néanmoins un proche de Laurent Gbagbo, qui l’appelle «mon frère»; et en 1996 il occupe officiellement la cinquième place dans la hiérarchie du parti, avec la responsabilité de la sécurité. Mais il est aussi constamment partisan d’une opposition radicale: à plusieurs reprises il se prononce pour la création d’une «branche militaire» du FPI, dans le but de renverser par la violence le régime du PDCI. Ce que refusent Gbagbo et les autres dirigeants du parti, qui ont définitivement opté pour une transition pacifique, notamment à partir de 1992, lorsque le multipartisme est autorisé.
Le choix des armes
De plus, en charge de la gestion d’une importante imprimerie abidjanaise, Roto 2000, Dakoury-Tabley est soupçonné de différentes malversations financières dont la presse privée s’est fait l’écho. Il est écarté de la direction de cette imprimerie, ce qui précipite sa disgrâce au sein du FPI. Toutefois, ce n’est qu’en juillet 1999 qu’il est officiellement exclu du secrétariat national, quelques mois à peine avant le putsch de Robert Gueï et le départ en exil de Konan Bédié. Aussitôt après, lorsque le FPI de Gbagbo se prononce pour une alliance avec le PDCI dirigé désormais par Laurent Dona Fologo, la rupture est totale entre le FPI et Dakoury-Tabley, qui se rapproche peu à peu du RDR, et participe à des réunions officielles du parti d’Alassane Ouattara. Parallèlement il crée son propre groupe de presse et lance le quotidien Le Front, qui attaque durement les anciens camarades du FPI, notamment après l’arrivée au pouvoir de Gbagbo. Et ce jusqu’au 19 septembre 2002, lorsque le site Internet du quotidien cesse d’être alimenté.
Ce partisan de la manière forte a lancé mercredi un «appel solennel à tous les fils et filles de Côte d’Ivoire, de toutes formations politiques, de toutes confessions religieuses et de toutes appartenances ethniques à apporter leur soutien actif au MPCI» de Guillaume Soro, autre partisan de la manière forte, depuis son passage à la direction de la FESCI, la Fédération des étudiants ivoiriens. C’est grâce à lui, en effet, que celle-ci a installé à l’université d’Abidjan un climat d’insécurité régulièrement dénoncé par d’autres associations scolaires, qui lui reprochent de recourir souvent à la violence physique pour imposer sa loi: une loi de type mafieux qui n’exclut ni le racket des commerçants, ni le viol des filles, ni le trafic des diplômes.
D’ailleurs, les successeurs de Guillaume Soro à la tête de la FESCI, à commencer par Ble Goudé, ont continué d’entretenir ce climat, tout en utilisant le paravent de «l’ivoirité». Jean-Yves Dibopieu, l’actuel secrétaire général de la FESCI, n’a-t-il pas proclamé lors du récent Forum de réconciliation: «Nous assumons notre xénophobie»? Une manière pour le moins surprenante de vouloir «défendre la nation», que d’autres organisations d’étudiants ont imputé à ce qu’ils qualifient de «dictature de la FESCI». Ce qui ne facilite sans doute pas la tâche du président Gbagbo, déjà aux prises, depuis le 19 septembre, avec des querelles au sein du gouvernement mais aussi à des débordements extrémistes plus qu’inquiétants. L'assassinat du frère de Dakoury-Tabley, le docteur Benoît, retrouvé criblé de balles ce vendredi dans un quartier de la capitale après avoir été enlevé deux jours plus tôt, ne peut que confirmer ces craintes.
Le «choix des armes» effectué par Guillaume Soro comme par Louis Dakoury-Tabley n’est probablement pas étranger à leur passé. Pour Alain Toussaint, le conseiller en communication de Laurent Gbagbo, Louis Dakoury-Tabley «ne fait qu’accorder sa parole, ses actes et sa connivence avec ceux qui préparaient le putsch visant à renverser les autorités légitimes de Côte d’Ivoire».
par Elio Comarin
Article publié le 08/11/2002