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Côte d''Ivoire

Le MPCI suspend sa participation aux pourparlers de Lomé

Les rebelles ivoiriens s’apprêtent à quitter Lomé, après avoir suspendu, samedi 9 novembre, leur participation aux négociations censées apporter des solutions à la situation de guerre que vit la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002. Ils entendent, avant de revenir à la table des négociations, élucider l’assassinat du frère de leur coordinateur extérieur et obtenir des garanties de respect des engagements pris par le pouvoir ivoirien.
De notre correspondant à Lomé

L’assassinat du docteur Benoît Dakoury-Tabley, le tout récent d’une série d’exactions à Abidjan, vient enfin de remettre en cause de sérieux pourparlers entamés depuis deux semaines dans la capitale togolaise pour ramener la paix en Côte d’Ivoire, en situation de guerre depuis le 19 septembre dernier. Le 9 novembre, en fin d’après-midi, à Lomé, le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), branche politique de la rébellion, a annoncé sa décision «unilatérale» de quitter la table des négociations. Raison invoquée: le régime du président Laurent Gbagbo, en pourparlers avec le MPCI, ne créé pas «les conditions optimales à des discussions». Dans une déclaration, le MPCI a fait état «d’exactions horribles, d’arrestations nocturnes, d’assassinats lâches de personnes suspectées à tort de collaboration» avec le mouvement des rebelles ivoiriens. Tous ces faits «graves», selon le MPCI, «semblent faire l’objet, de la part du pouvoir de M. Gbagbo, d’une planification visant expressément à saboter les pourparlers de paix, à entretenir la terreur et aussi à rompre le cessez-le-feu auquel les deux parties se sont engagées».

L’exemple le plus concret en est l’assassinat du médecin Benoît Dakoury-Tabley, frère de Louis André Dakoury-Tabley, coordinateur extérieur du MPCI en Europe. Rien ne semble encore justifier la mort atroce du médecin si ce n’est l’adhésion quelques jours plus tôt de son grand frère Louis André à la cause des rebelles. Le 7 novembre, alors qu’il était en pleine consultation, Benoît Dakoury-Tabley est interpellé. Le soir, à l’annonce de son arrestation, une source de la présidence ivoirienne reconnait et affirme qu’il était «détenu dans un camp de gendarmerie à Abidjan» pour les raisons d’une enquête. Le 8 novembre au petit matin, son corps mutilé et criblé de plusieurs balles est retrouvé au bord d’une route de la périphérie d’Abidjan. Logiquement, le MPCI accuse le gouvernement qui, la veille au soir, détenait encore Benoît Dakoury vivant. Mais, le régime de Laurent Gbagbo s’en lave vite les mains: «aucun gendarme, aucun policier, aucun militaire en tout cas sous mon contrôle ne s’est levé pour tuer quelqu’un», a laissé entendre le ministre délégué chargé de la Défense, Bertin Cadet. «Les crimes de ce genre sont possibles mais sont le plus souvent commis par des personnes dont l’un des objectifs est de créer la confusion dans les esprits et la révolte de la population», a ajouté le porte-parole de l’Etat-major des armées, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao.

Le MPCI attend un signal fort de Laurent Gbagbo

Le retrait du MPCI des négociations de Lomé n’est en fait qu’un repli stratégique. «Nous nous trouvons face à une situation, en face de quelqu’un qui ruse avec tout, qui cherche à tromper, qui cherche à dribler; devant toutes ces exactions qui continuent, M. Gbagbo se permet donc déjà de violer les accords que nous signons avec lui. Nous nous interrogeons donc sur la valeur de ces accords», a déclaré Guillaume Kigbafori Soro, secrétaire général du MPCI, chef de la délégation. La rébellion précise bien qu’il s’agit d’une suspension. En attendant de trouver des garanties pour une relance des négociations, le MPCI a réaffirmé qu’il «n’envisage nullement la rupture des négociations» et qu’il croit «fermement à la voie du dialogue comme moyen pour parvenir à la paix».

Officiellement, il s’agit de suspendre sa participation aux négociations pour lui permettre de «porter le deuil» de Benoît Dakoury-Tabley et pour «toutes les victimes anonymes tombées sous l’atrocité des troupes de M. Gbagbo». Pour revenir à la table de négociations, le MPCI attend un signal fort et un nouvel engagement ferme et sincère de Laurent Gbagbo. Avant la suspension des pourparlers, la CEDEAO, dans un communiqué, a rappelé aux deux parties de cesser tout acte belliqueux. Mieux, elle demande au pouvoir de Gbagbo de retrouver les assassins du docteur Benoît Dacoury-Tabley et d’engager «rapidement les actions judiciaires appropriées à leur encontre». Au sein de la médiation, et pour le président togolais Gnassingbé Eyadéma, c’est avec «une vive émotion» que l’on a appris la nouvelle de l’assassinat du docteur Dakoury-Tabley, «alors que les négociations de paix étaient sur le point d’aboutir à Lomé», souligne le communiqué. Laurent Dona Fologo, chef de la délégation du gouvernement de Laurent Gbagbo, s’est refusé à tout commentaire sur la suspension annoncée par les mutins, tout en indiquant: «tout se passe sous l’égide de la CEDEAO, nous nous en tenons à cette institution». «Je crois à la paix, une paix entre les frères ivoiriens», a précisé M. Fologo, président du Conseil économique et social, qui, dès le départ, avait bien indiqué qu’il ne quitterait pas Lomé «sans la paix».

La rébellion a rencontré dimanche 10 novembre au matin le président togolais Gnassingbé Eyadéma, chef de la médiation. Elle pourrait, apprend-on, retourner à Bouaké mais, pas pour longtemps. Au sein de la médiation, on espère bien la reprise des négociations, la semaine prochaine.



par Guy  Mario

Article publié le 10/11/2002