Côte d''Ivoire
Ouattara «extrait» d’Abidjan par l’armée française
L’ancien premier ministre Alassane Ouattara, devenu la principale «pomme de discorde» entre Paris et Abidjan a été «extrait» par l’armée française de la résidence de l’ambassadeur de France à Abidjan, mercredi soir. Au même moment les deux délégations présentes à Lomé ont annoncé leur intention de signer prochainement un accord de principe sur l’avenir du pays.
La tournée africaine de Dominique de Villepin a d’ores et déjà porté ses premiers fruits. En quelques heures seulement, la longue crise ivoirienne est entrée dans une nouvelle phase grâce à une clarification politique qui pourrait éviter à la Côte d’Ivoire d’autres affrontements meurtriers. «Il fallait faire cela, pour débloquer la situation et redonner une chance de paix à la Côte d’Ivoire», a-t-on dit dans l’entourage du ministre français des Affaires étrangères, arrivé la veille à Lomé, avant de se rendre à Abidjan et à Ouagadougou, pour «catalyser les énergies et redonner sa chance à la Côte d’Ivoire». Mais aussi pour sortir la diplomatie française d’un bourbier politique et militaire qui risquait de compromettre de façon durable ses relations avec l’Afrique noire francophone.
L’annonce de «l’extraction» de Ouattara a été faite par le ministre français, à Abidjan, provoquant la stupeur des journalistes ivoiriens présents : «Alassane Ouattara a quitté la résidence de l’ambassadeur avec l’accord du président Laurent Gbagbo». Peu après on apprenait que le président du RDR avait été «extrait» de la résidence de l’ambassadeur par un hélicoptère de l’armée française avant de se rendre à Libreville, au Gabon. Apparemment, Ouattara ne devrait pas rester dans la capitale gabonaise, mais se rendre dans un pays «qui n’est pas voisin de la Côte d’Ivoire et qui n’est pas européen», selon une source diplomatique.
Vers une rencontre Gbagbo-Compaoré
Peu avant cette annonce, une rencontre imprévue entre Dominique de Villepin, le président Laurent Gbagbo et l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié avait eu lieu au domicile de ce dernier, à Abidjan. Une rencontre qui faisait suite à un long entretien entre Villepin et Gbagbo et a précédé une déclaration du président burkinabé Blaise Compaoré affirmant qu’il avait reçu «un message intéressant du président Gbagbo dans lequel celui-ci lui propose une rencontre à laquelle il s’est déclaré «naturellement prêt». De son côté, le ministre français a dit, avant de s’envoler pour Bamako : «il est dans l’intérêt des chefs d’Etat de prendre leurs responsabilités vis-à-vis de leurs peuples, d’être des faiseurs de paix».
Dans la capitale malienne le chef de la diplomatie française a déclaré, après avoir rencontré le président Amadou Toumani Touré : «Que ce soit avec le présidents du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et du Mali j’ai eu la nette impression que tous oeuvrent pour le retour à la paix». Et Dominique de Villepin d’ajouter, au sujet de la situation militaire en Côte d’Ivoire : «On ne peut pas éviter des accrochages, mais on peut faire en sorte qu’ils ne se développent pas». Ce qui confirme que des accrochages ont bien eu lieu ces derniers jours entre rebelles et loyalistes, en dépit des démentis officiels du porte-parole de l’armée française qui a la charge de surveiller le cessez-le-feu. Mercredi après-midi l’état-major ivoirien avait annoncé que l’armée loyaliste allait «passer à l’action», après avoir accusé la rébellion d’avoir une nouvelle fois violé le cessez-le-feu.
Tout ceci confirme que la «clarification» entreprise par la France a été visiblement coordonnée, y compris dans les détails, avec les principaux protagonistes, à commencer par le président Laurent Gbagbo. Celui-ci, avant même l’annonce du départ de Ouattara avait accueilli le ministre français par des mots quelque peu inhabituels : «Ton arrivée, Dominique, comme la pluie qui l’a accompagnée, va balayer les soupçons» existant entre la France et la Côte d’Ivoire. «Tu es là, la France est là. Ne nous laissez pas dans la frayeur».
En laissant partir son principal opposant Alassane Ouattara, le président Gbagbo rétablit d’abord des relations avec la France plus conformes à la situation du moment, notamment sur le plan militaire. L’armée française devrait certes passer sous peu le relais à la CEDEAO en ce qui concerne la surveillance de la ligne de partage séparant rebelles et loyalistes. Mais elle restera indirectement impliquée en assurant la logistique (et notamment le transport et les communications) d’une force de paix dont la tâche s’annonce délicate.
Par ce geste, Gbagbo obtient un autre objectif : la mise hors jeu d’Alassane Ouattara. Président d’un parti qui n’est apparemment plus dirigé depuis des mois, Ouattara quitte de nouveau un pays qu’il a peu fréquenté ces dix dernières années. Des observateurs africains parlent déjà de sa «mort politique». Il est âgé de 60 ans, et il n’en est vraiment pas à sa première défaite. Dès 1993 il a littéralement raté la succession de Félix Houphouët-Boigny, en ne prenant pas au sérieux le successeur désigné Henri Konan Bédié. Depuis il donne l’impression de considérer les successeurs du «vieux» comme des usurpateurs.
Quelques mois après le putsch du Robert Gueï, il s’est senti «trahi» par un «Père Noël en treillis» qui peu à peu prenait goût au pouvoir et ne voulait plus lui céder la place la plus haute, allant jusqu’à utiliser le thème de «l’ivoirité». D’où la rupture entre Robert Gueï et les «hommes» de Ouattara qui l’entouraient, et notamment les généraux Palenfo et Koulibaly, sans oublier les sous-officiers que l’on retrouve aujourd’hui à la tête de la rébellion basée à Bouaké.
Incapable de choisir clairement entre une «réconciliation nationale» prônée par Gbagbo et une opposition politique voulue par certains membres du RDR, Ouattara a néanmoins demandé mardi dernier à ses ministres de quitter la coalition au pouvoir, pour mettre ainsi fin à une fiction politique qui dure depuis le 19 septembre. Mais il n’a été obéit que par certains d’entre eux : Roger Gnohité a dit ce jeudi matin à Fraternité Matin qu’il restait à sa place. Autant dire que son autorité politique est plus que jamais affaiblie.
L’annonce de «l’extraction» de Ouattara a été faite par le ministre français, à Abidjan, provoquant la stupeur des journalistes ivoiriens présents : «Alassane Ouattara a quitté la résidence de l’ambassadeur avec l’accord du président Laurent Gbagbo». Peu après on apprenait que le président du RDR avait été «extrait» de la résidence de l’ambassadeur par un hélicoptère de l’armée française avant de se rendre à Libreville, au Gabon. Apparemment, Ouattara ne devrait pas rester dans la capitale gabonaise, mais se rendre dans un pays «qui n’est pas voisin de la Côte d’Ivoire et qui n’est pas européen», selon une source diplomatique.
Vers une rencontre Gbagbo-Compaoré
Peu avant cette annonce, une rencontre imprévue entre Dominique de Villepin, le président Laurent Gbagbo et l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié avait eu lieu au domicile de ce dernier, à Abidjan. Une rencontre qui faisait suite à un long entretien entre Villepin et Gbagbo et a précédé une déclaration du président burkinabé Blaise Compaoré affirmant qu’il avait reçu «un message intéressant du président Gbagbo dans lequel celui-ci lui propose une rencontre à laquelle il s’est déclaré «naturellement prêt». De son côté, le ministre français a dit, avant de s’envoler pour Bamako : «il est dans l’intérêt des chefs d’Etat de prendre leurs responsabilités vis-à-vis de leurs peuples, d’être des faiseurs de paix».
Dans la capitale malienne le chef de la diplomatie française a déclaré, après avoir rencontré le président Amadou Toumani Touré : «Que ce soit avec le présidents du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et du Mali j’ai eu la nette impression que tous oeuvrent pour le retour à la paix». Et Dominique de Villepin d’ajouter, au sujet de la situation militaire en Côte d’Ivoire : «On ne peut pas éviter des accrochages, mais on peut faire en sorte qu’ils ne se développent pas». Ce qui confirme que des accrochages ont bien eu lieu ces derniers jours entre rebelles et loyalistes, en dépit des démentis officiels du porte-parole de l’armée française qui a la charge de surveiller le cessez-le-feu. Mercredi après-midi l’état-major ivoirien avait annoncé que l’armée loyaliste allait «passer à l’action», après avoir accusé la rébellion d’avoir une nouvelle fois violé le cessez-le-feu.
Tout ceci confirme que la «clarification» entreprise par la France a été visiblement coordonnée, y compris dans les détails, avec les principaux protagonistes, à commencer par le président Laurent Gbagbo. Celui-ci, avant même l’annonce du départ de Ouattara avait accueilli le ministre français par des mots quelque peu inhabituels : «Ton arrivée, Dominique, comme la pluie qui l’a accompagnée, va balayer les soupçons» existant entre la France et la Côte d’Ivoire. «Tu es là, la France est là. Ne nous laissez pas dans la frayeur».
En laissant partir son principal opposant Alassane Ouattara, le président Gbagbo rétablit d’abord des relations avec la France plus conformes à la situation du moment, notamment sur le plan militaire. L’armée française devrait certes passer sous peu le relais à la CEDEAO en ce qui concerne la surveillance de la ligne de partage séparant rebelles et loyalistes. Mais elle restera indirectement impliquée en assurant la logistique (et notamment le transport et les communications) d’une force de paix dont la tâche s’annonce délicate.
Par ce geste, Gbagbo obtient un autre objectif : la mise hors jeu d’Alassane Ouattara. Président d’un parti qui n’est apparemment plus dirigé depuis des mois, Ouattara quitte de nouveau un pays qu’il a peu fréquenté ces dix dernières années. Des observateurs africains parlent déjà de sa «mort politique». Il est âgé de 60 ans, et il n’en est vraiment pas à sa première défaite. Dès 1993 il a littéralement raté la succession de Félix Houphouët-Boigny, en ne prenant pas au sérieux le successeur désigné Henri Konan Bédié. Depuis il donne l’impression de considérer les successeurs du «vieux» comme des usurpateurs.
Quelques mois après le putsch du Robert Gueï, il s’est senti «trahi» par un «Père Noël en treillis» qui peu à peu prenait goût au pouvoir et ne voulait plus lui céder la place la plus haute, allant jusqu’à utiliser le thème de «l’ivoirité». D’où la rupture entre Robert Gueï et les «hommes» de Ouattara qui l’entouraient, et notamment les généraux Palenfo et Koulibaly, sans oublier les sous-officiers que l’on retrouve aujourd’hui à la tête de la rébellion basée à Bouaké.
Incapable de choisir clairement entre une «réconciliation nationale» prônée par Gbagbo et une opposition politique voulue par certains membres du RDR, Ouattara a néanmoins demandé mardi dernier à ses ministres de quitter la coalition au pouvoir, pour mettre ainsi fin à une fiction politique qui dure depuis le 19 septembre. Mais il n’a été obéit que par certains d’entre eux : Roger Gnohité a dit ce jeudi matin à Fraternité Matin qu’il restait à sa place. Autant dire que son autorité politique est plus que jamais affaiblie.
par Elio Comarin
Article publié le 28/11/2002