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Côte d''Ivoire

Villepin tente de sortir de l’impasse

Cinq pays en trois jours. Le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin s’envole ce mardi pour une tournée africaine chez les principaux protagonistes de la longue crise ivoirienne. Il tente de dénouer une «affaire à tiroirs» qui a plongé ce pays clé dans une sorte de guerre civile qui n’ose pas dire son nom mais préoccupe tous les pays d’Afrique occidentale et empoisonne déjà les relations franco-ivoiriennes.
Ce voyage, attendu depuis longtemps, intervient à un moment délicat d’une négociation sans fin - et presque sans issue - entre des rebelles qui n’ont toujours pas montré toutes leurs têtes d’affiches et un gouvernement central qui n’a pas les moyens de rétablir la légalité sur l’ensemble du territoire. Selon le porte-parole du ministère français, ce voyage «entre dans le cadre des efforts actuellement menés pour trouver une solution pacifique, politique et négociée à la crise ivoirienne». Autant dire que Paris continue d’exclure toute «solution militaire», même si cette rébellion a été d’abord une insurrection militaire, lancée par des officiers et sous-officiers en rupture de banc qui avaient des comptes à régler avec le régime précédente du général Robert Gueï.

Le 19 septembre dernier, le gouvernement français avait opté pour une intervention militaire directe, censée éviter le pire aux ressortissants étrangers comme à un pays qui avait été la «vitrine de la coopération franco-africaine». Ensuite, les 1 200 soldats français ont eu, de facto, pour mission d’arrêter l’éventuelle progression des rebelles vers Yamoussoukro et Abidjan, et de «sécuriser» un cessez-le-feu imposé, au forceps, à des belligérants qui ne rêvaient que «d’en finir une fois pour toutes». Mais les mots employés par Dominique de Villepin pour obliger le président Gbagbo à signer un cessez-le-feu mettant sur un pied d’égalité agresseurs et agressés ont laissé de nombreuses traces du côté d’Abidjan. Ce que l’ambassadeur de France en poste, Renaud Vignal, continue de payer. En tant que représentant d’un gouvernement ami mais exigeant, et qui, aux yeux de nombreux loyalistes, n’aide qu’à moitié le gouvernement légal menacé, en fournissant une logistique importante mais insuffisante pour venir à bout de l’insurrection.

Pourquoi a-t-on dépêché un envoyé spécial à Lomé et pas à Abidjan?

L’ambassadeur français a été en première ligne lorsqu’il a fallu «sécuriser» Alassane Ouattara, à la demande du président Gbagbo, aux premières heures de la révolte militaire à Abidjan, lorsque les mutins ont été repoussés de la capitale économique. Ce qui a permis, là aussi, d’éviter le pire, mais sans doute pas de régler le problème. Depuis le 19 septembre, le président RDR, soupçonné par le pouvoir d’être indirectement du côté des rebelles, est réfugié à la résidence de l’ambassadeur français. Ce qui est vite devenu une affaire délicate, sinon ingérable, face à la colère souvent manifestée par une grande partie de l’opinion publique ivoirienne. D’où quelques questions demeurées jusque là sans réponse : pourquoi n’a-t-on pas «exfiltré» Ouattara, aussitôt après que le président Gbagbo ait donné son feu vert à son départ, début novembre ? Pourquoi a-t-on dépêché un envoyé spécial, Christian Dutheil de La Rochère, à Lomé, et pas à Abidjan ?

Dominique de Villepin, après avoir rencontré ce mardi le président togolais Eyadéma, en charge des négociations (toujours infructueuses) de Lomé pour le compte de la CEDEAO, doit voir mercredi les deux principaux protagonistes de la crise : l’Ivoirien Gbagbo et le Burkinabé Compaoré. Le premier accusant le second de «complicité pour le moins implicite» avec les rebelles. Tandis que celui-ci reproche à Gbagbo de vouloir «prendre en otage» les trois millions de Burkinabé travaillant en Côte d’Ivoire.

Ensuite il se rendra au Mali, autre pays en première ligne, par le nombre de ses ressortissants présents en Côte d’Ivoire, mais dont le président Toumani Touré a préféré rester plutôt en retrait, sans doute pour éviter d’envenimer une querelle déjà passablement compliquée.

Enfin, lors de son étape sénégalaise à Dakar, le ministre français rencontrera le président Wade, actuel président de la CEDEAO, qui n’a jamais renoncé à intervenir dans la crise ivoirienne et se dit prêt à endosser la responsabilité essentielle de la direction de la force-tampon africaine qui doit sous peu remplacer l’armée française. A condition toutefois qu’un «espoir d’accord politique» soit obtenu auparavant entre rebelles et loyalistes. Ce qui est loin d’être acquis.

Face à toutes ces incertitudes, Dominique de Villepin tentera d’expliquer la position du gouvernement français. Il rappellera sans doute le rôle positif joué jusque là par l’armée française, avant, pendant et après la signature du cessez-le-feu. Mais il aura sans doute du mal à convaincre les Ivoiriens d’Abidjan que «l’ambiguïté» de l’attitude diplomatique et militaire de Paris n’est qu’apparente.



par Elio  Comarin

Article publié le 26/11/2002