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Côte d''Ivoire

L’économie au point mort dans le Nord

L’activité économique dans la moitié nord de la Côte d’Ivoire tenue par la rébellion est au point mort. La plupart des entreprises, des magasins, des hôtels ou encore des «maquis» sont fermés. L’argent ne circule plus. Une bonne partie des fonctionnaires de la zone sont partis. Ceux qui sont restés sur place se débrouillent pour survivre. De même que les populations locales. Reportage.
De notre envoyé spécial à Bouaké

Dans les villages du nord de la Côte d’Ivoire, l’ambiance est trompeuse. Les paysans continuent normalement leurs activités de récolte du riz, du maïs et du coton. Sur la route, on peut croiser des charrettes chargées de coton graine acheminé du champ vers les villages. Ces productions sont pour le moment stockées en attendant de savoir à qui les vendre ? La Compagnie cotonnière de Côte d’Ivoire (LCCI) appartenant au groupe Aiglon de l’homme d’affaires malien Cheickna Kagnassy a fermé. Le Burkina ou le Mali, juste à côté, accepteront-ils d’acheter les productions des paysans ivoiriens ? Pour l’instant aucune décision n’est prise.

Les cultures vivrières telles que l’igname exportés au Mali sont bazardées sur place. Même là, il y a très peu de clients. La route du nord vers Bamako et Ouagadougou qui constituaient un grand marché pour les marchandes d’ignames ne bouge plus. Dans le village de Kanawolo ou dans la petite ville de Niakaramandougou les femmes continuent de vendre. Mais leurs principaux clients que sont les camionneurs en route vers les pays voisins du nord ne passent plus. Il reste donc les marchés locaux. Ces derniers restent encore bien fournis. Mais là aussi il n’y a plus de clients. La plupart des fonctionnaires en poste dans la zone et originaires du sud du pays ont plié bagage. Les autres restés sur place n’ont pas d’argent. Les banques ainsi que les services publics dont ceux du Trésor sont fermés, rendant impossible le paiement des salaires. «On va vers le troisième mois sans salaire», confie avec anxiété un instituteur.

Au bord de l’asphyxie, certains fonctionnaires se débrouillent comme ils peuvent pour toucher leurs salaires. Beaucoup d’entre eux ont dû marcher de Bouaké jusque dans les villes occupées par les loyalistes afin de retirer de l’argent. Les plus chanceux font le chemin à mobylette. «J’ai utilisé une moto pour aller dans la ville de Djébonoua. Là-bas, j’ai pu emprunter un car pour Abidjan où j’ai pu retirer de l’argent avec ma carte de crédit avant de revenir à Bouaké», explique un autre instituteur. Ceux qui ne peuvent pas bouger s’adressent à la Croix rouge pour établir des contacts avec des parents et amis de l’autre du côté du front dans l’espoir de recevoir de l’argent.

Bouaké, Korhogo, Ferkéssédougou, Katiola sont presque des villes mortes. Dans la journée, il y a un peu d’animation autour des marchés. Des gens vont et viennent. Mais à pied ou à mobylette. Le prix de l’essence qui entre en contrebande a flambé et seuls les rebelles peuvent circuler en voiture.

Coupés du reste du pays et du monde

Le soir, il n’y a aucune animation dans les rues en dehors de quelques vendeuses installées aux abords des rues. Les gens ne tardent pas dehors. Les maquis, autrefois lieux d’ambiance, ont presque tous fermé. Aucune école n’est ouverte. Pour ne rien arranger, les populations du nord sont coupées du reste du monde. Le téléphone mobile et fixe ne fonctionne pratiquement plus. Certes, le fixe a été rétabli à Bouaké et dans quelques villes environnantes. Mais à Korhogo ou à Ferkéssédougou, tout est coupé. «On ne peut plus avoir des nouvelles des parents restés de l’autre côté», se lamente une habitante de Ferké où on ne peut plus également capter ni télévision ni radio en FM. «On est coupé du reste du pays et du monde», conclut-elle. En revanche, les habitants de Bouaké ont droit à la chaîne montée par les rebelles et rebaptisée «Télé notre patrie» dont les programmes interviennent par surprise.

Accrochées aux postes transistor, les populations du nord sont à l’affût des informations avec cette grosse interrogation : a quand la fin de cette situation difficile ? Chacun redoute que la guerre dans laquelle s’est installé le pays ne perdure. Ce sera la catastrophe pour cette zone où il n’y a plus d’argent dans les poches ni de médicaments dans les pharmacies. Chacun redoute aussi l’affrontement entre rebelles et forces loyalistes surtout une victoire de ces dernières.

L’angoisse est totale après les événements de Daloa où on a enregistré plus de cent morts, tous musulmans, après la reprise de la ville par les loyalistes. Tout le monde craint d’éventuels représailles. Les populations étrangères notamment burkinabé et maliens se sentent le plus en danger en cas de renversement de situation. La solution est donc de regagner son pays. Mais faute de moyens de transport, chacun reste bloqué sur place priant le Bon Dieu.



par Alpha  Barry

Article publié le 14/11/2002