Côte d''Ivoire
L’escalade militaire a commencé
Chez les rebelles comme chez les loyalistes, on fourbit apparemment les armes en prévision d’autres combats, au lendemain de la suspension des pourparlers de Lomé. Alors qu'on s'interroge toujours à Abidjan sur l'assassinat du Docteur Benôit Dakoury-Tabley.
«Les négociations de Lomé ont échoué, il est normal qu’on se renforce. Mais nous ne tirerons pas les premiers». Les rebelles ivoiriens, après avoir suspendu samedi les pourparlers en cours dans la capitale togolaise, se préparent désormais à une reprise des combats qui leur paraît inévitable. «Environ 600 hommes sont déjà partis (de Korhogo) vers Bouaké», a précisé l’un d’eux à l’Agence France Presse, ajoutant que du matériel était sur le point d’être expédié vers la deuxième ville du pays que les insurgés contrôlent depuis le 19 septembre dernier.
Parallèlement les mutins ont fermé samedi soir à la circulation «par mesure de sécurité», le corridor sud de Bouaké qui mène vers la ville de Tiébissou, située à une quarantaine de kilomètres au nord de Yamoussoukro. Pour leur chef, le sergent Chérif Ousmane, il s’agit de «prendre toutes les dispositions pour ne pas être surpris», car «nous sommes à deux doigts de la reprise des combats». La veille, Chérif Ousmane avait affirmé que des chars loyalistes faisaient mouvement vers Tiébissou, en précisant que «ce sont des chars T55 que Gbagbo a envoyés pour déclencher les combats, mais nous sommes prêts».
Les rebelles lancent un appel au colonel ‘IB’
Le même jour le chef rebelle de Bouaké a pour la première fois officiellement appelé au secours le fameux colonel ‘IB’ (Ibrahima Coulibaly), toujours réfugié à Ouagadougou. «Je demande au grand frère ‘IB’ de prendre contact avec nous au lieu de rester en exil. Il faut qu’il prenne contact avec nous» a-t-il déclaré dans le premier numéro d’un nouveau journal, Liberté, publié à Bouaké par la rébellion. Dans cette publication, Chérif Ouismane précise également les liens entre les insurgés et leur «branche politique», le MPCI de l’ancien leader étudiant Guillaume Soro : «nous travaillons en harmonie, mais la branche politique ne peut pas forcément imposer ses choses à la branche armée». Ce qui semble confirmer que certains rebelles ont du mal à accepter la stratégie diplomatique adoptée par le MPCI et ne rêvent que «d’aller jusqu’à Abidjan», comme ils l’ont maintes fois déclaré.
Cette «envie d’en découdre» semble confirmée par la manifestation de centaine de Bouakéens contre des soldats français qui escortaient des camions chargés de vivres, samedi soir. Cet incident s’est déroulé à la sortie nord de Bouaké, le long d’un corridor installé par les rebelles sur la route de Korhogo, lorsque des centaines de personnes ont lancé des slogans hostiles : «Français dehors ! Vous n’avez rien à faire ici. Nous allons vous brûler, si vous intervenez dans le conflit». Les mutins sont néanmoins parvenu à contenir ces manifestants, tout en précisant que «ces populations en colère ont raison; sans la France, nous serions déjà à Abidjan».
Du côté des forces loyalistes, on ne reste apparemment pas non plus les bras croisés. Dès vendredi dernier, deux hélicoptères de combat MI-24, arrivés fin octobre pour épauler les FANCI, ont effectué un vol d’essai au large de Grand-Bassam. Ces appareils d’origine russe étaient accompagnés d’un hélicoptère de transport de troupe MI-8 et ont procédé à des tirs d’entraînement au dessus de la mer. Spécialement conçus pour l’attaque, ils peuvent être équipés de divers armements lourds (mitrailleuses lourdes, canons, lance-roquettes, bombes), et peuvent également transporter huit passagers. Ces hélicoptères seraient pilotés par des équipages bulgares. D'autres instructeurs étrangers seraient aussi à l'oeuvre, toujours du côté des loyalistes: ils seraient chargés d'apprendre aux Ivoiriens le maniement de certaines armes et de véhicules de fabrication russe.
Tous ces «bruits de botte» interviennent alors que la CEDEAO tente de mettre sur pied une force tampon destinée à remplacer l'armée française, tout au long de la ligne qui coupe le pays en deux depuis la signature du cessez-le-feu. Une équipe de 19 militaires doit arriver le 15 novembre en Côte d’Ivoire pour préparer le déploiement d’une force de 1.264 hommes (contre 2.000 initialement prévus), qui sera composée de troupes du Ghana, du Sénégal, du Togo, du Niger et du Bénin. Pour le général malien Cheikh Oumar Diarra, chargé des questions politiques et miltaires à la CEDEAO, cette première équipe demeure chargée de «veiller au respect de la cessation des hostilités» et de «préparer le déploiement de la troupe», en dépit de la suspension des négociations de Lomé par la rébellion. Les trois principaux leaders de celle-ci, Guillaume Soro, Tuho Fozié et Michel Gueu, doivent par ailleurs quitter la capitale togolaise ce lundi, même si les pourparlers n’ont été que «suspendus» par les rebelles, au lendemain de l’assassinat à Abidjan du Dr Benoït Dakoury-Tabley, frère cadet de Louis, nommé récemment «coordinateur des relations extérieures» du MPCI.
Cet assassinat a été quant à lui «déploré» par l’ensemble de la classe politique ivoirienne, mais continue de susciter de nombreuses questions. Contrairement à son frère Louis, le docteur Benoît Dakoury-Tabley était connu pour ses compétences et, à l’instar de son autre frère, évêque de Grand-Bassam, était réputé plutôt proche de la famille du président Laurent Gbagbo. La presse ivoirienne s’interroge, apparemment en vain, sur cette disparition, comme sur d’autres intervenues récemment, qui ne peuvent que déstabiliser le pouvoir en place. Pour sa part, le ministre de la Défense Kadet Bertin a déclaré samedi que «les terroristes commettent des assassinats sommaires sur les populations civiles et diverses exactions dans les territoires occupés ou infiltrés». Pour lui ces «infiltrations» expliquent qu’on «enregistre des morts même dans les zones qui ne sont pas sous le contrôle de l’ennemi». «Aujourd’hui, il y a trop de bandits qui sont à côté de nous», a-t-il conclu.
Parallèlement les mutins ont fermé samedi soir à la circulation «par mesure de sécurité», le corridor sud de Bouaké qui mène vers la ville de Tiébissou, située à une quarantaine de kilomètres au nord de Yamoussoukro. Pour leur chef, le sergent Chérif Ousmane, il s’agit de «prendre toutes les dispositions pour ne pas être surpris», car «nous sommes à deux doigts de la reprise des combats». La veille, Chérif Ousmane avait affirmé que des chars loyalistes faisaient mouvement vers Tiébissou, en précisant que «ce sont des chars T55 que Gbagbo a envoyés pour déclencher les combats, mais nous sommes prêts».
Les rebelles lancent un appel au colonel ‘IB’
Le même jour le chef rebelle de Bouaké a pour la première fois officiellement appelé au secours le fameux colonel ‘IB’ (Ibrahima Coulibaly), toujours réfugié à Ouagadougou. «Je demande au grand frère ‘IB’ de prendre contact avec nous au lieu de rester en exil. Il faut qu’il prenne contact avec nous» a-t-il déclaré dans le premier numéro d’un nouveau journal, Liberté, publié à Bouaké par la rébellion. Dans cette publication, Chérif Ouismane précise également les liens entre les insurgés et leur «branche politique», le MPCI de l’ancien leader étudiant Guillaume Soro : «nous travaillons en harmonie, mais la branche politique ne peut pas forcément imposer ses choses à la branche armée». Ce qui semble confirmer que certains rebelles ont du mal à accepter la stratégie diplomatique adoptée par le MPCI et ne rêvent que «d’aller jusqu’à Abidjan», comme ils l’ont maintes fois déclaré.
Cette «envie d’en découdre» semble confirmée par la manifestation de centaine de Bouakéens contre des soldats français qui escortaient des camions chargés de vivres, samedi soir. Cet incident s’est déroulé à la sortie nord de Bouaké, le long d’un corridor installé par les rebelles sur la route de Korhogo, lorsque des centaines de personnes ont lancé des slogans hostiles : «Français dehors ! Vous n’avez rien à faire ici. Nous allons vous brûler, si vous intervenez dans le conflit». Les mutins sont néanmoins parvenu à contenir ces manifestants, tout en précisant que «ces populations en colère ont raison; sans la France, nous serions déjà à Abidjan».
Du côté des forces loyalistes, on ne reste apparemment pas non plus les bras croisés. Dès vendredi dernier, deux hélicoptères de combat MI-24, arrivés fin octobre pour épauler les FANCI, ont effectué un vol d’essai au large de Grand-Bassam. Ces appareils d’origine russe étaient accompagnés d’un hélicoptère de transport de troupe MI-8 et ont procédé à des tirs d’entraînement au dessus de la mer. Spécialement conçus pour l’attaque, ils peuvent être équipés de divers armements lourds (mitrailleuses lourdes, canons, lance-roquettes, bombes), et peuvent également transporter huit passagers. Ces hélicoptères seraient pilotés par des équipages bulgares. D'autres instructeurs étrangers seraient aussi à l'oeuvre, toujours du côté des loyalistes: ils seraient chargés d'apprendre aux Ivoiriens le maniement de certaines armes et de véhicules de fabrication russe.
Tous ces «bruits de botte» interviennent alors que la CEDEAO tente de mettre sur pied une force tampon destinée à remplacer l'armée française, tout au long de la ligne qui coupe le pays en deux depuis la signature du cessez-le-feu. Une équipe de 19 militaires doit arriver le 15 novembre en Côte d’Ivoire pour préparer le déploiement d’une force de 1.264 hommes (contre 2.000 initialement prévus), qui sera composée de troupes du Ghana, du Sénégal, du Togo, du Niger et du Bénin. Pour le général malien Cheikh Oumar Diarra, chargé des questions politiques et miltaires à la CEDEAO, cette première équipe demeure chargée de «veiller au respect de la cessation des hostilités» et de «préparer le déploiement de la troupe», en dépit de la suspension des négociations de Lomé par la rébellion. Les trois principaux leaders de celle-ci, Guillaume Soro, Tuho Fozié et Michel Gueu, doivent par ailleurs quitter la capitale togolaise ce lundi, même si les pourparlers n’ont été que «suspendus» par les rebelles, au lendemain de l’assassinat à Abidjan du Dr Benoït Dakoury-Tabley, frère cadet de Louis, nommé récemment «coordinateur des relations extérieures» du MPCI.
Cet assassinat a été quant à lui «déploré» par l’ensemble de la classe politique ivoirienne, mais continue de susciter de nombreuses questions. Contrairement à son frère Louis, le docteur Benoît Dakoury-Tabley était connu pour ses compétences et, à l’instar de son autre frère, évêque de Grand-Bassam, était réputé plutôt proche de la famille du président Laurent Gbagbo. La presse ivoirienne s’interroge, apparemment en vain, sur cette disparition, comme sur d’autres intervenues récemment, qui ne peuvent que déstabiliser le pouvoir en place. Pour sa part, le ministre de la Défense Kadet Bertin a déclaré samedi que «les terroristes commettent des assassinats sommaires sur les populations civiles et diverses exactions dans les territoires occupés ou infiltrés». Pour lui ces «infiltrations» expliquent qu’on «enregistre des morts même dans les zones qui ne sont pas sous le contrôle de l’ennemi». «Aujourd’hui, il y a trop de bandits qui sont à côté de nous», a-t-il conclu.
par Elio Comarin
Article publié le 11/11/2002