Iran
Les conservateurs cèdent
Face à l’ampleur de la protestation, les conservateurs ont fini par lâcher du lest : le guide suprême de la Révolution iranienne a demandé la révision du procès de l’universitaire Hachem Aghajari, condamné à mort le 6 novembre pour «insultes aux prophètes», c’est à dire pour avoir remis en cause la main-mise du clergé chiite sur la vie publique du pays.
Ce n’est pas la fin du bras de fer, mais c’est une étape déterminante. Les plus hautes autorités morale et religieuse du pays, incarnées par le guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khameiny, ordonnent la révision de la condamnation à mort du professeur Aghajari, a annoncé dimanche le président du Parlement, Mehdi Karoubi. Depuis quelques jours, il est vrai, l’affaire avait pris une tournure protestataire inquiétante pour le pouvoir. En effet, depuis le jugement, les étudiants se rassemblent quotidiennement dans les universités de Téhéran pour dénoncer un verdict «moyenâgeux».
Ces mouvements sont les premiers depuis les manifestations de 1999, sévèrement réprimées par la police. Plusieurs centaines de professeurs d’université ont également demandé la révision de la sentence. Vingt de ses collègues ont démissionné. Les protestations ont été relayées par de nombreux responsables politiques de la mouvance réformatrice et notamment par le président Khatami lui-même et son entourage. Même les adversaires de l’intellectuel ont reconnu qu’une telle sévérité ne s’imposait pas. Enfin, recevant la famille d’Hachem Aghajari, le petit-fils de l’imam Khomeiny, Hassan Khomeiny qui passe pour être le dépositaire de l’héritage spirituel du fondateur de la République islamique, a lui aussi exprimé sa réprobation, soulignant l’attachement du condamné à l’Islam.
Blasphème
Le cas d’Hachem Aghajari est exemplaire des difficultés que rencontrent les éléments les plus conservateurs de l’échiquier politique iranien, toujours accrochés au pouvoir en dépit d’une légitimité contestée. Il s’agit d’un intellectuel qui appartient à la génération des «martyrs», qui a combattu lors de la terrible guerre contre l’Irak au cours de laquelle son frère a été tué et lui-même a perdu une jambe. Fidèle à la Révolution islamique, il appelle à un «protestantisme de l’Islam» et déclare que les musulmans n’ont «pas à suivre aveuglément un chef religieux». Pour la justice iranienne, contrôlée par les conservateurs, c’est un blasphème qui lui vaudra, malgré le prestige dont il jouit, d’être arrêté et emprisonné au mois d’août dernier jusqu’à la condamnation à mort prononcée le 6 novembre, et assortie de huit ans de prison, soixante-quatorze coups de fouet et dix ans d’interdiction d’exercer le droit d’enseigner.
Le condamné avait accueilli le verdict avec mépris, comme une «plaisanterie» selon ses propres termes, refusant de faire appel et accroissant ainsi la tension et l’embarras du pouvoir face au développement du mouvement de protestations. L’affaire semblait en bonne voie de cristalliser le mécontentement des intellectuels, engagés dans une longue bataille politique visant à limiter l’emprise du clergé conservateur sur les pouvoirs législatif et judiciaire.
Avec l’annonce de la révision de la condamnation à mort d’Hachem Aghajari, la suite de la procédure n’est plus que modalités judiciaires. Mais cet épisode ne signifie pas que les conservateurs ont sensiblement réorienté leur ligne politique : le patron de l’agence de presse estudiantine ISNA a comparu samedi devant la justice pour s’expliquer sur la couverture de l’affaire Aghajari et de la fermeture de deux instituts de sondages coupables d’avoir publié des enquêtes défavorables à la ligne officielle. De leur côté les étudiants, qui ont été le fer de lance de cette protestation, doivent publier un communiqué lundi et reprendre les cours mardi.
Ces mouvements sont les premiers depuis les manifestations de 1999, sévèrement réprimées par la police. Plusieurs centaines de professeurs d’université ont également demandé la révision de la sentence. Vingt de ses collègues ont démissionné. Les protestations ont été relayées par de nombreux responsables politiques de la mouvance réformatrice et notamment par le président Khatami lui-même et son entourage. Même les adversaires de l’intellectuel ont reconnu qu’une telle sévérité ne s’imposait pas. Enfin, recevant la famille d’Hachem Aghajari, le petit-fils de l’imam Khomeiny, Hassan Khomeiny qui passe pour être le dépositaire de l’héritage spirituel du fondateur de la République islamique, a lui aussi exprimé sa réprobation, soulignant l’attachement du condamné à l’Islam.
Blasphème
Le cas d’Hachem Aghajari est exemplaire des difficultés que rencontrent les éléments les plus conservateurs de l’échiquier politique iranien, toujours accrochés au pouvoir en dépit d’une légitimité contestée. Il s’agit d’un intellectuel qui appartient à la génération des «martyrs», qui a combattu lors de la terrible guerre contre l’Irak au cours de laquelle son frère a été tué et lui-même a perdu une jambe. Fidèle à la Révolution islamique, il appelle à un «protestantisme de l’Islam» et déclare que les musulmans n’ont «pas à suivre aveuglément un chef religieux». Pour la justice iranienne, contrôlée par les conservateurs, c’est un blasphème qui lui vaudra, malgré le prestige dont il jouit, d’être arrêté et emprisonné au mois d’août dernier jusqu’à la condamnation à mort prononcée le 6 novembre, et assortie de huit ans de prison, soixante-quatorze coups de fouet et dix ans d’interdiction d’exercer le droit d’enseigner.
Le condamné avait accueilli le verdict avec mépris, comme une «plaisanterie» selon ses propres termes, refusant de faire appel et accroissant ainsi la tension et l’embarras du pouvoir face au développement du mouvement de protestations. L’affaire semblait en bonne voie de cristalliser le mécontentement des intellectuels, engagés dans une longue bataille politique visant à limiter l’emprise du clergé conservateur sur les pouvoirs législatif et judiciaire.
Avec l’annonce de la révision de la condamnation à mort d’Hachem Aghajari, la suite de la procédure n’est plus que modalités judiciaires. Mais cet épisode ne signifie pas que les conservateurs ont sensiblement réorienté leur ligne politique : le patron de l’agence de presse estudiantine ISNA a comparu samedi devant la justice pour s’expliquer sur la couverture de l’affaire Aghajari et de la fermeture de deux instituts de sondages coupables d’avoir publié des enquêtes défavorables à la ligne officielle. De leur côté les étudiants, qui ont été le fer de lance de cette protestation, doivent publier un communiqué lundi et reprendre les cours mardi.
par Georges Abou
Article publié le 17/11/2002