Iran
Khatami veut renforcer ses pouvoirs
Après plusieurs mois de silence, que ses propres amis commençaient à dénoncer, le président réformateur, Mohammad Khatami, est reparti à l’assaut de la forteresse des conservateurs.
De notre correspondant à Téhéran
Il y a quelques jours, le président iranien a annoncé le dépôt de deux projets de lois. La première a pour objectif de renforcer «les prérogatives présidentielles».
Le second projet de loi concerne une modification de la loi électorale en prévision des élections législatives et présidentielles qui auront lieu en 2004 et 2005. Cette annonce a été accueillie avec enthousiasme par les réformateurs, qui sont sortis de leur torpeur de ces derniers mois. «Le président à fixé un ultimatum à ses adversaires», écrivait un quotidien réformateur.
En fait, ces deux projets semblent avoir remobilisé les réformateurs autour du président. La loi sur les «prérogatives présidentielles» vise directement le pouvoir judiciaire, contrôlé par les conservateurs. Mohammad Khatami a ainsi dénoncé les suspensions de journaux – plus de 80 journaux, dont une trentaine de quotidiens réformateurs ont été suspendus par la justice en moins de trois ans - ainsi que la condamnation récente d'opposants par la justice. «Certaines suspensions de journaux, certaines arrestations et ce procès ne sont certainement pas acceptables», a affirmé Mohammad Khatami, faisant référence à la récente condamnation à de lourdes peines de prison de 33 responsables du Mouvement de libération de l'Iran (MLI), le principal mouvement de l’opposition libérale, qui a été interdit par le tribunal révolutionnaire de Téhéran. Pointant le doigt en direction du pouvoir judiciaire, le président Khatami a ajouté : «Beaucoup de ces agissements sont contraires à la Constitution et nous y sommes opposés… J’ai lancé des avertissements constitutionnels à chaque, mais personne n’a tenu compte de ces avertissements». C’est pour empêcher ce genre de dérive que le président, qualifié du second personnage du pouvoir par la Constitution, veut avoir plus de pouvoirs.
Le second projet loi concernant la modification de la loi électorale vise, quant à elle, à empêcher le Conseil des Gardiens de la Constitution – un organe également contrôlé par les durs du régime – de rejeter massivement les candidats réformateurs lors des prochaines élections législatives qui auront lieu dans environ deux ans. Selon l’actuelle loi électorale, Le Conseil des Gardiens de la Constitution, est notamment chargée de superviser les élections. Ces derniers mois, plusieurs membres du Conseil ont affirmé que lors des prochaines élections, ils ne referont plus les mêmes erreurs que par le passé et empêcheront de nombreux responsables réformateurs de se porter candidats. «Le Conseil veut mettre en place un filtre encore plus sévère pour empêcher la victoire des réformateurs et avoir un parlement docile», affirme un journaliste.
En tout cas, si les réformateurs ont applaudi, les conservateurs ont dénoncé violemment ces deux projets. «La modification de la loi électorale est dictée par la CIA», affirme le quotidien conservateur Keyhan. Quant aux prérogatives présidentielles, les conservateurs estiment que le président est seulement chef de l’exécutif et n’a pas le droit de donner des avertissements aux deux autres pouvoirs judiciaire et parlementaire. Ce qui annonce une rude confrontation entre les deux principales tendances du pouvoir iranien. Elu triomphalement en 1997 et réélu avec encore plus de voix en 2001, M. Khatami a vu son action politique entravée par les instances conservatrices. Cette fois-ci, le président semble bien déterminé. «Ces deux lois ne sont ni anti-constitutionnelles ni contre la charia», a affirmé le président, répondant par avance aux critiques des conservateurs.
Une rude confrontation s’annonce
«L’objectif du président est clair. Il ne fait pas de doute que le parlement contrôlé par ses amis va voter à une très large majorité ces deux lois. Si le Conseil des Gardiens de la Constitution les rejette, il peut alors demander un référendum pour que le peuple tranche», affirme un proche conseiller du président, qui veut garder l’anonymat. «Le président veut utiliser tous les mécanismes légaux pour obtenir les prérogatives présidentielles qui lui sont dues, et si un jour il y a besoin de recourir au référendum, il le fera», a affirmé le porte-parole du gouvernement, Abdollah Ramezanzadeh. Si les conservateurs empêchent l’organisation de ce référendum, le président Khatami pourra alors menacer de quitter le pouvoir pour les obliger à se plier à la volonté des électeurs. «Le meilleur cas pour les conservateurs est d’avoir un Khatami pieds et poings liés au pouvoir pour utiliser à leur profit sa légitimité populaire et internationale. Mais en décidant de ne pas jouer ce rôle, le président Khatami a placé les conservateurs devant un choix difficile», affirme un journaliste iranien. En effet, si les conservateurs refusent au président Khatami ce qu’il demande, il pourra abandonner le pouvoir. Ce qui placera les conservateurs dans une position difficile à la fois sur le plan intérieur et international.
En tout cas, les prochains mois seront à la fois tendus et décisifs, car réformateurs et conservateurs semblent camper sur leurs positions. «Je renouvelle mes promesses auprès du peuple, d'édifier une démocratie religieuse… C'est la voie du salut, et quelles que soient les vicissitudes, je serai là. Il faut éviter les désillusions, et éviter que le peuple ne cherche pas la solution à ses problèmes en dehors du système», a affirmé le président Khatami. Pour beaucoup de ses électeurs, déçus par les revers subis par les réformateurs ces dernières années, ce changement d’attitude du président Khatami désormais plus déterminé et plus combatif– peut sortir le pays de l’impasse actuelle.
Il y a quelques jours, le président iranien a annoncé le dépôt de deux projets de lois. La première a pour objectif de renforcer «les prérogatives présidentielles».
Le second projet de loi concerne une modification de la loi électorale en prévision des élections législatives et présidentielles qui auront lieu en 2004 et 2005. Cette annonce a été accueillie avec enthousiasme par les réformateurs, qui sont sortis de leur torpeur de ces derniers mois. «Le président à fixé un ultimatum à ses adversaires», écrivait un quotidien réformateur.
En fait, ces deux projets semblent avoir remobilisé les réformateurs autour du président. La loi sur les «prérogatives présidentielles» vise directement le pouvoir judiciaire, contrôlé par les conservateurs. Mohammad Khatami a ainsi dénoncé les suspensions de journaux – plus de 80 journaux, dont une trentaine de quotidiens réformateurs ont été suspendus par la justice en moins de trois ans - ainsi que la condamnation récente d'opposants par la justice. «Certaines suspensions de journaux, certaines arrestations et ce procès ne sont certainement pas acceptables», a affirmé Mohammad Khatami, faisant référence à la récente condamnation à de lourdes peines de prison de 33 responsables du Mouvement de libération de l'Iran (MLI), le principal mouvement de l’opposition libérale, qui a été interdit par le tribunal révolutionnaire de Téhéran. Pointant le doigt en direction du pouvoir judiciaire, le président Khatami a ajouté : «Beaucoup de ces agissements sont contraires à la Constitution et nous y sommes opposés… J’ai lancé des avertissements constitutionnels à chaque, mais personne n’a tenu compte de ces avertissements». C’est pour empêcher ce genre de dérive que le président, qualifié du second personnage du pouvoir par la Constitution, veut avoir plus de pouvoirs.
Le second projet loi concernant la modification de la loi électorale vise, quant à elle, à empêcher le Conseil des Gardiens de la Constitution – un organe également contrôlé par les durs du régime – de rejeter massivement les candidats réformateurs lors des prochaines élections législatives qui auront lieu dans environ deux ans. Selon l’actuelle loi électorale, Le Conseil des Gardiens de la Constitution, est notamment chargée de superviser les élections. Ces derniers mois, plusieurs membres du Conseil ont affirmé que lors des prochaines élections, ils ne referont plus les mêmes erreurs que par le passé et empêcheront de nombreux responsables réformateurs de se porter candidats. «Le Conseil veut mettre en place un filtre encore plus sévère pour empêcher la victoire des réformateurs et avoir un parlement docile», affirme un journaliste.
En tout cas, si les réformateurs ont applaudi, les conservateurs ont dénoncé violemment ces deux projets. «La modification de la loi électorale est dictée par la CIA», affirme le quotidien conservateur Keyhan. Quant aux prérogatives présidentielles, les conservateurs estiment que le président est seulement chef de l’exécutif et n’a pas le droit de donner des avertissements aux deux autres pouvoirs judiciaire et parlementaire. Ce qui annonce une rude confrontation entre les deux principales tendances du pouvoir iranien. Elu triomphalement en 1997 et réélu avec encore plus de voix en 2001, M. Khatami a vu son action politique entravée par les instances conservatrices. Cette fois-ci, le président semble bien déterminé. «Ces deux lois ne sont ni anti-constitutionnelles ni contre la charia», a affirmé le président, répondant par avance aux critiques des conservateurs.
Une rude confrontation s’annonce
«L’objectif du président est clair. Il ne fait pas de doute que le parlement contrôlé par ses amis va voter à une très large majorité ces deux lois. Si le Conseil des Gardiens de la Constitution les rejette, il peut alors demander un référendum pour que le peuple tranche», affirme un proche conseiller du président, qui veut garder l’anonymat. «Le président veut utiliser tous les mécanismes légaux pour obtenir les prérogatives présidentielles qui lui sont dues, et si un jour il y a besoin de recourir au référendum, il le fera», a affirmé le porte-parole du gouvernement, Abdollah Ramezanzadeh. Si les conservateurs empêchent l’organisation de ce référendum, le président Khatami pourra alors menacer de quitter le pouvoir pour les obliger à se plier à la volonté des électeurs. «Le meilleur cas pour les conservateurs est d’avoir un Khatami pieds et poings liés au pouvoir pour utiliser à leur profit sa légitimité populaire et internationale. Mais en décidant de ne pas jouer ce rôle, le président Khatami a placé les conservateurs devant un choix difficile», affirme un journaliste iranien. En effet, si les conservateurs refusent au président Khatami ce qu’il demande, il pourra abandonner le pouvoir. Ce qui placera les conservateurs dans une position difficile à la fois sur le plan intérieur et international.
En tout cas, les prochains mois seront à la fois tendus et décisifs, car réformateurs et conservateurs semblent camper sur leurs positions. «Je renouvelle mes promesses auprès du peuple, d'édifier une démocratie religieuse… C'est la voie du salut, et quelles que soient les vicissitudes, je serai là. Il faut éviter les désillusions, et éviter que le peuple ne cherche pas la solution à ses problèmes en dehors du système», a affirmé le président Khatami. Pour beaucoup de ses électeurs, déçus par les revers subis par les réformateurs ces dernières années, ce changement d’attitude du président Khatami désormais plus déterminé et plus combatif– peut sortir le pays de l’impasse actuelle.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 05/09/2002