Iran
Khatami agite la menace de sa démission
Le président iranien, qui fait face à l’opposition des conservateurs, a averti qu’il démissionnerait s’il ne peut mettre en œuvre les réformes promises.
De notre correspondant à Téhéran
«Si je sens que le gouvernement s'est écarté même de peu de la voie des réformes, je ne resterai pas une seconde de plus à ma place.» Lorsque le 5 mai dernier, lors d’une simple rencontre avec des enseignants, le président Khatami a menacé pour la première fois de démissionner, peu nombreux étaient ceux qui pensaient que le chef de file des réformateurs avait entamé un tournant dans sa politique face aux conservateurs. Pourtant, à peine trois jours plus tard, le 8 mai –toujours à l’occasion d’une rencontre encore plus anodine avec des membres du Croissant rouge iranien–, il revenait à la charge pour dénoncer ceux qui s’opposent à la volonté de la population. «L’entente nationale [proposée par les conservateurs pour faire face aux menaces américaines] ne signifie la répression des demandes de la population. Elle ne signifie pas que certains imposent leur volonté et leur vision aux autres.», affirmait le président. Désormais le doute est levé. Il s’agit bien d’un tournant.
«Notre société est au bord du gouffre, mais je ne veux pas pousser notre pays dans la crise. Pour avancer dans la voie des réformes, il faut éviter les troubles, qui seront utilisé par ceux qui s’opposent à la volonté de la population», avait affirmé le président. Pour dissiper tout doute sur ses propos, lors de son second discours, il a dénoncé encore plus violemment ses adversaires qui ont «le soutien de seulement 5 à 10% de la société et veulent imposer leur volonté comme celle de la population».
La montée au créneau du président Khatami est intervenue après l’annonce de la fermeture de deux grands quotidiens réformateurs par la justice. Le premier, le journal Iran – qui a été finalement autorisé à paraître – est le principal quotidien gouvernemental. Le second, le quotidien Bayane était publié par les plus proches amis politiques du président iranien. Visiblement, les durs du régime iranien veulent aller encore plus loin puisque le tribunal de la presse a annoncé un verdict très sévère contre le directeur d’un autre quotidien réformateur, le journal Norouz, condamné à 6 mois de suspension. Son directeur, Mohsen Mirdamadi, député et président de la Commission de la sécurité nationale et des Affaires étrangères du parlement a été condamné lui à six mois de prison ferme. Il peut encore faire appel.
Critiqué pour son immobilisme
Indéniablement, les deux déclarations du président Khatami à trois jours d’intervalle, sont ses plus durs prises de position depuis sa réélection, il y a un peu moins d’un an. Ces derniers mois, le président Khatami avait pourtant observé un silence lourd de sens. Très critiqué pour son immobilisme, y compris dans son propre camp, il a visiblement décidé de sortir de son mutisme pour accélérer les réformes. «Si je vois que je ne réussi pas, je m’écarterai pour laisser la population poursuivre son chemin sur la voie des réformes», avait-il lancé. En effet, les Iraniens, en particulier les jeunes, qui ont largement voté pour lui sont de plus en plus impatients et réclament davantage de changement.
Réélu avec une très forte majorité, le président à toutes les peines du monde pour appliquer ses réformes. En deux ans, plus de 80 journaux ont été «suspendus provisoirement» par la justice sans qu’il y ait un quelconque procès. Au niveau législatif, le Conseil des gardiens de la constitution, dominé par les ultra-conservateurs, rejette systématiquement toutes les lois «politiques». Certes, les membres de l’opposition libérale, emprisonnés sans jugement il y a un peu plus d’un an, ont été libérés sous caution. De même, la plupart des étudiants arrêtés ces dernières années, ont été amnistiés. Mais la justice a montré que ces décisions ne signifiaient un changement radical vis-à-vis des réformateurs. En effet, au moins deux journalistes ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Alors que le guide suprême, l’ayatollah Ali Khameneï, avait prôné il y a deux mois «l’unité nationale face aux menaces américaines», la fermeture de journaux et la condamnation de journalistes et dirigeants réformateurs à de lourdes peines de prison sont venus montrer que tout le monde dans le camp conservateur n’acceptait pas la fin de la «guerre froide» entre les différentes factions du pouvoir, comme l’avait annoncé le quotidien Ressalat, organe des conservateurs et des milieux du bazar.
Ce qui explique que le président Khatami ait décidé de passer à la vitesse supérieure. En effet, les élections municipales (prévues en février 2003) et les législatives (un an plus tard) sont dans tous les esprits, à commencer par les conservateurs. Le Conseil des gardiens de la Constitution, contrôlé par les conservateurs, a affirmé qu’il ne fera pas la même erreur que par le passé, en approuvant la candidature des réformateurs. Ce qui avait permis aux amis du président Khatami de prendre le contrôle des conseils municipaux et du parlement. Or, si les conservateurs réussissent à organiser les élections après avoir rejeté par avance la candidature de nombreux candidats réformateurs, le président Khatami va se retrouver avec un parlement hostile, qui lui mènera la vie dure pendant les deux dernières années de son mandat.
C’est pour éviter de tomber dans ce piège que le président Khatami a décidé de monter au créneau. Les menaces américaines contre l’Iran, rangé parmi les «pays de l’axe du mal», et la perspective d’une attaque américaine contre l’Irak – ce qui représentera un danger encore plus grand pour l’Iran – ont sans doute joué dans les calculs du président iranien.
«Si je sens que le gouvernement s'est écarté même de peu de la voie des réformes, je ne resterai pas une seconde de plus à ma place.» Lorsque le 5 mai dernier, lors d’une simple rencontre avec des enseignants, le président Khatami a menacé pour la première fois de démissionner, peu nombreux étaient ceux qui pensaient que le chef de file des réformateurs avait entamé un tournant dans sa politique face aux conservateurs. Pourtant, à peine trois jours plus tard, le 8 mai –toujours à l’occasion d’une rencontre encore plus anodine avec des membres du Croissant rouge iranien–, il revenait à la charge pour dénoncer ceux qui s’opposent à la volonté de la population. «L’entente nationale [proposée par les conservateurs pour faire face aux menaces américaines] ne signifie la répression des demandes de la population. Elle ne signifie pas que certains imposent leur volonté et leur vision aux autres.», affirmait le président. Désormais le doute est levé. Il s’agit bien d’un tournant.
«Notre société est au bord du gouffre, mais je ne veux pas pousser notre pays dans la crise. Pour avancer dans la voie des réformes, il faut éviter les troubles, qui seront utilisé par ceux qui s’opposent à la volonté de la population», avait affirmé le président. Pour dissiper tout doute sur ses propos, lors de son second discours, il a dénoncé encore plus violemment ses adversaires qui ont «le soutien de seulement 5 à 10% de la société et veulent imposer leur volonté comme celle de la population».
La montée au créneau du président Khatami est intervenue après l’annonce de la fermeture de deux grands quotidiens réformateurs par la justice. Le premier, le journal Iran – qui a été finalement autorisé à paraître – est le principal quotidien gouvernemental. Le second, le quotidien Bayane était publié par les plus proches amis politiques du président iranien. Visiblement, les durs du régime iranien veulent aller encore plus loin puisque le tribunal de la presse a annoncé un verdict très sévère contre le directeur d’un autre quotidien réformateur, le journal Norouz, condamné à 6 mois de suspension. Son directeur, Mohsen Mirdamadi, député et président de la Commission de la sécurité nationale et des Affaires étrangères du parlement a été condamné lui à six mois de prison ferme. Il peut encore faire appel.
Critiqué pour son immobilisme
Indéniablement, les deux déclarations du président Khatami à trois jours d’intervalle, sont ses plus durs prises de position depuis sa réélection, il y a un peu moins d’un an. Ces derniers mois, le président Khatami avait pourtant observé un silence lourd de sens. Très critiqué pour son immobilisme, y compris dans son propre camp, il a visiblement décidé de sortir de son mutisme pour accélérer les réformes. «Si je vois que je ne réussi pas, je m’écarterai pour laisser la population poursuivre son chemin sur la voie des réformes», avait-il lancé. En effet, les Iraniens, en particulier les jeunes, qui ont largement voté pour lui sont de plus en plus impatients et réclament davantage de changement.
Réélu avec une très forte majorité, le président à toutes les peines du monde pour appliquer ses réformes. En deux ans, plus de 80 journaux ont été «suspendus provisoirement» par la justice sans qu’il y ait un quelconque procès. Au niveau législatif, le Conseil des gardiens de la constitution, dominé par les ultra-conservateurs, rejette systématiquement toutes les lois «politiques». Certes, les membres de l’opposition libérale, emprisonnés sans jugement il y a un peu plus d’un an, ont été libérés sous caution. De même, la plupart des étudiants arrêtés ces dernières années, ont été amnistiés. Mais la justice a montré que ces décisions ne signifiaient un changement radical vis-à-vis des réformateurs. En effet, au moins deux journalistes ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Alors que le guide suprême, l’ayatollah Ali Khameneï, avait prôné il y a deux mois «l’unité nationale face aux menaces américaines», la fermeture de journaux et la condamnation de journalistes et dirigeants réformateurs à de lourdes peines de prison sont venus montrer que tout le monde dans le camp conservateur n’acceptait pas la fin de la «guerre froide» entre les différentes factions du pouvoir, comme l’avait annoncé le quotidien Ressalat, organe des conservateurs et des milieux du bazar.
Ce qui explique que le président Khatami ait décidé de passer à la vitesse supérieure. En effet, les élections municipales (prévues en février 2003) et les législatives (un an plus tard) sont dans tous les esprits, à commencer par les conservateurs. Le Conseil des gardiens de la Constitution, contrôlé par les conservateurs, a affirmé qu’il ne fera pas la même erreur que par le passé, en approuvant la candidature des réformateurs. Ce qui avait permis aux amis du président Khatami de prendre le contrôle des conseils municipaux et du parlement. Or, si les conservateurs réussissent à organiser les élections après avoir rejeté par avance la candidature de nombreux candidats réformateurs, le président Khatami va se retrouver avec un parlement hostile, qui lui mènera la vie dure pendant les deux dernières années de son mandat.
C’est pour éviter de tomber dans ce piège que le président Khatami a décidé de monter au créneau. Les menaces américaines contre l’Iran, rangé parmi les «pays de l’axe du mal», et la perspective d’une attaque américaine contre l’Irak – ce qui représentera un danger encore plus grand pour l’Iran – ont sans doute joué dans les calculs du président iranien.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 10/05/2002