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Iran

Unité retrouvée face à l’Amérique

L’anniversaire de la révolution islamique a donné lieu à une manifestation unité antiaméricaine après les propos de George W. Bush sur «l’axe du mal». Mais il y a aussi des signes en direction de Washington.
De notre correspondant en Iran

Ils étaient plusieurs centaines de milliers à manifester à Téhéran pour marquer le vingt-troisième anniversaire de la révolution islamique mais surtout pour condamner les récentes menaces américaines contre l’Iran. Des manifestations identiques ont été organisées dans toutes autres villes du pays. Sur la grande place Azadi – qui signifie liberté en persan – la foule était plus nombreuse que les années précédentes. Un succès qui s’explique par l’unité retrouvé des dirigeants iraniens, qui ont tous appelé les Iraniens à manifester contre les États-Unis.

En effet, depuis les menaces américains, les différentes factions du pouvoir ont retrouvé une certaine unité pour faire face au danger extérieur. Le leader suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, avait appelé «les Iraniens et les dirigeants du pays à montrer leur détermination face aux États-Unis». Le président Khatami avait demandé aux Iraniens «de manifester pour défendre les valeurs de la révolution islamique mais aussi la liberté et l’indépendance du pays». Des dirigeants de l’opposition libérale avaient également lancé un appel à la population a montré son unité face au discours agressif de Washington. Un appel d’autant plus étonnant que 60 membres de cette opposition libérale sont actuellement jugés pour complot pour renverser le régime islamique.

En tout cas, la foule était nombreuse dans les rues de Téhéran. De nombreuses effigies du président Bush et d’Ariel Sharon ont été brûlées par les manifestants. Sur une pancarte, on pouvait lire, «Bush est un Dracula». Une autre conseillait au président Bush de se taire. Des slogans hostiles aux États-Unis, à Israël mais aussi à la Grande-Bretagne ont été lancés par les manifestants. «Marg Bar Amrica» (mort à l’Amérique), ont scandé à de nombreuses reprises les manifestants. Dans la foule, on pouvait également voir plusieurs milliers de jeunes bassidjis – les volontaires islamistes - avec un bandeau sur le front sur lesquels il était écrit «nous sommes prêts pour le martyre». Les manifestants, dont certains venaient des villes avoisinants, ont été emmenés sur place par des milliers de bus depuis tôt le matin.

Un discours plutôt modéré

Devant la foule réunie sur la place Azadi, le président Khatami a tenu un discours plutôt modéré. «La seule solution pour faire face aux menaces extérieures est d’enraciner la démocratie… Notre politique est toujours la détente et le rapprochement avec tous les pays du monde, à l’exception d’Israël… Nous espérons que les dirigeants américains reviendront à la raison», a-t-il déclaré. Un discours qui tranche aussi avec le ton guerrier de certains dirigeants conservateurs. En effet, la veille de la manifestation, le directeur du quotidien Keyhan avait déclaré que «des milliers de jeunes étaient prêts pour mener des opérations suicides si les États-Unis s’aventuraient à attaquer l’Iran». Un autre responsable conservateur affirmait de son côté qu'une éventuelle attaque américaine était bienvenue car elle allait permettre aux jeunes iraniens de retrouver le goût du martyre.

Reste que malgré le discours guerrier des durs du régime iranien, le gouvernement du président Khatami a tenté ces derniers jours d’apaiser la tension avec les États-Unis. Ainsi, le vice-ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif a démenti toute implication de l’Iran dans l’affaire du bateau Karine A, saisie par les Israéliens avec 50 tonnes d’armements. Tel Aviv accuse l’Iran d’avoir voulu envoyer ces armes à l’autorité palestinienne. De même, plusieurs responsables du gouvernement ont affirmé que «les membres d’Al Qaida ou les Talibans qui essaieraient d’entrer sur le territoire iraniens seraient pourchassés et remis au gouvernement afghan».

Ce n’est pas tout. Téhéran vient de fermer tous les bureaux du parti islamique d’Afghanistan, dirigé par l’ancien Premier ministre afghan, Gulbuddin Hekmatyar. De même, il a été interdit à Hekmatyar d’envoyer des partisans en Afghanistan. Mais pour le moment, il ne lui a pas été demandé officiellement de quitter l’Iran. Cette mesure vise à répondre aux accusations américaines. En effet, Gulbbudin Hekmatyar, qui vit en Iran depuis plus de cinq ans, s’oppose énergiquement à l’intervention américaine en Afghanistan et au gouvernement de Hamed Karzai. «Je préfère la guerre civile à la soumission aux forces étrangères. Je dispose d’éléments armés et je vais me battre contre les Américains», avait-t-il déclaré récemment.

Des prises de positions qui ont été jugés contraires aux intérêts nationaux de l’Iran. Téhéran cherche en effet à apaiser la tension avec les États-Unis, qui accusent notamment l’Iran de vouloir déstabiliser le gouvernement afghan. Ces derniers jours, de nombreux députés réformateurs avaient d’ailleurs réclamés des mesures contre Hekmatyar. Alors que la politique officielle du gouvernement du président Khatami est de soutenir Hamid Kharzai, les conservateurs ne cessent de dénoncer ce qu’ils appellent l’occupation militaire de l’Afghanistan par les Américains. Mais visiblement, Téhéran est décidé d’empêcher toute activité hostiles du gouvernement de Hamid Kharzai afin d’éviter de donner des prétextes aux Américains.

Le gouvernement du président Khatami, cherche plutôt à calmer le jeu avec les États-Unis. En effet, les réformateurs savent que certains durs du régime préfèrent mettre de l’huile sur le feu pour créer une situation de crise. Ce qui leur permettra d’accentuer la pression contre les réformateurs.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 11/02/2002