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Iran

Retour triomphal d’un opposant

Un an après son départ, Ibrahim Yazdi a regagné l’Iran. Cet opposant libéral, proche de l’ancien Premier ministre Mehdi Bazargan, est à nouveau toléré par le régime.
De notre correspondant à Téhéran

Ils étaient plusieurs centaines de personnes, pour la plupart membres de l’opposition libérale, venues à l’aéroport de Téhéran, pour le retour triomphal d’Ibrahim Yazdi. Le secrétaire générale du mouvement de libération de l’Iran, principale force de l’opposition libérale, a été accueilli par des cris de joie et des couronnes de fleurs. «L’air du pays donne une nouvelle énergie à tout un chacun», a-t-il affirmé, le sourire aux lèvres. Le retour d’Ibrahim Yazdi est perçu comme un signe de d’assouplissement du pouvoir vis-à-vis de l’opposition.

Il y a un peu plus d’un an, Ibrahim Yazdi était parti aux États-Unis pour suivre des traitements médicaux. Mais il avait dû rester sur place par crainte d’être arrêté à son retour. En effet, la justice contrôlée par les conservateurs avait lancé un mandat d’arrêt international contre lui. Ibrahim Yazdi était accusé par la justice de «complot pour renverser le régime islamique». A l’époque, le tribunal révolutionnaire de Téhéran avait accusé Ibrahim Yazdi de détenir illégalement un pistolet. Au même moment, la justice avait arrêté une soixantaine de membre de l’opposition libérale. Tous ont été libérés depuis deux mois.

Âgé de 70 ans, Ibrahim Yazdi était vice-premier ministre puis ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement révolutionnaire dirigé par Mehdi Bazargan, au lendemain de la chute du régime du Shah. Écarté du pouvoir, les membres du MLI sont alors entré dans l’opposition. Depuis la disparition de Mehdi Bazargan en 1995, Ibrahim Yazdi est devenu le chef de file de l’opposition libérale. «Je n'ai pas reçu d'inculpation officielle, mais je ne peux pas prédire ce qu'il va se passer… mais je resterai aussi actif politiquement que je l'ai été par le passé», a-t-il affirmé. Très populaire dans les milieux étudiants et intellectuels, Ibrahim Yazdi soutient les réformes du président Khatami mais aussi le dialogue avec Washington.

Changement d’attitude des conservateurs face à l’opposition ? En tout cas, beaucoup d’analystes le pensent. En effet, depuis les déclarations du président Bush, qui a rangé l’Iran dans ce qu’il appelé «l’axe du mal», les dirigeants conservateurs, qui ont mené depuis près de deux ans la vie dure aux partisans du président Khatami, semblent vouloir jouer la carte de l’unité nationale. Dans un discours prononcé à la mi-mars, peu avant le nouvel an iranien, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khameneï, avait affirmé que face aux menaces américaines, il fallait mettre de côté «les différences internes» pour présenter un front uni. Tous les membres de l’opposition libérale, qui avaient passé de long mois en isolement complet, ont été libérés. De même, le chef de la justice a annoncé une amnistie générale pour les étudiants arrêtés ces dernières années.

La menace américaine est sérieuse

«La menace américaine est sérieuse. Nous devons créer un front uni contre la domination américaine. Dans ce front, nous devons intégrer non seulement les différents groupes internes au pouvoir mais aussi les groupes d’opposition qui rejettent la domination des États-Unis», affirmait récemment un des leaders des conservateurs. Ibrahim Yazdi partage également ce point de vue. «La question de l’unité nationale, évoquée depuis plusieurs semaines, a une base véritable dans le pays. Tous les groupes, malgré leurs différences, peuvent s’unir et ce d’autant plus que les menaces contre notre pays sont sérieuses», a affirmé Ibrahim Yazdi à son retour à Téhéran.

Visiblement, une partie des conservateurs, que l’on peut appeler l’aile pragmatique, sont arrivés à la conclusion que les Américains étaient sérieux dans leurs menaces contre l’Iran. Ce qui explique les récentes mesures d’assouplissements, notamment la libération des prisonniers politiques et celle des étudiants emprisonnés. La presse a également évoqué la création d’un comité secret pour préparer le terrain à des contacts avec les Américains. La presse a également évoqué des contacts entre des émissaires iraniens et américains à Chypre. Ce qui a été aussitôt démenti.

Face à cette nouvelle donne, les amis du président Khatami insistent sur la nécessité d’«un dialogue ouvert et direct avec Washington». «La question des relations avec les États-Unis ne doit pas être un tabou», affirmait il y a quelques jours Mohammad Naimipour, le président du principal groupe parlementaire qui réunit les députés membres du Front de la participation, dirigé par le frère du président Khatami. «Les réformateurs pensent que l’Iran doit avoir des relations normales avec les Etats-Unis», ajoutait un autre dirigeant réformateur proche du président. Les menaces du président Bush ont au moins permis d’ouvrir le débat des relations entre les deux pays.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 22/04/2002