Iran
Dissensions au sein du clergé
La démission d’un ayatollah de haut rang, qui a tourné le dos au régime, montre les tensions grandissantes entre les deux tendances du pouvoir islamique, engagées dans une guerre ouverte.
De notre correspondant à Téhéran
La démission de l’ayatollah Tahéri, qui dirigeait depuis trente ans la prière du vendredi de la ville d’Ispahan, considérée comme le second centre politique du pays après Téhéran, a été un coup de tonnerre. L’ayatollah Tahéri a été l’un des proches compagnons de l’imam Khomeiny, le fondateur de la République islamique. Dans sa lettre de démission, il dénonce la corruption généralisée, la répression politique et le traitement réservé à l’ayatollah Montazeri, l’ancien dauphin de l’imam Khomeiny, écarté du pouvoir en 1988 et qui vit en résidence surveillée depuis plus de quatre ans.
«Ceux qui sont au pouvoir utilisent les croyances et la religion des gens pour atteindre leurs visées matérialistes et terrestres…, encouragent des groupes violents et répressifs», écrit l’ayatollah Seyed Jalaleddine Tahéri. «Jusqu’à quant, vous allez répéter des discours creux…dépenser l’argent du peuple au profit de vos proches et de ceux qui vous entourent». Ajoute-t-il. «l’athéisme, le chômage, l’inflation, l’écart social entre riches et pauvres, l’économie malade, la corruption, la prostitution, la drogue, qui rongent notre pays, sont comme l’eau derrière le barrage, qui a tout moment risque de céder et précipiter le pays vers l’abîme, » avertit l’ayatollah Tahéri.
Enfin, il dénonce le traitement réservé à l’ayatollah Montazeri. «Qui ne connaît pas l’immense science du grand ayatollah Montazeri. A lui seul, il est la moitié de l’école théologique et l’école théologique est la moitié de l’islam. J’appelle mes frères à la patience et confie le sort de mon peuple et de mon pays à son véritable possesseur, c’est-à-dire le douzième imam», qui doit revenir sur terre pour sauver le monde, selon l’islam chiite. Cette lettre adressée au peuple iranien est en fait une critique directe à l’adresse du numéro du régime, l’ayatollah Ali Khameneï.
Des réformateurs «excommuniés»
Les conservateurs ont immédiatement dénoncé cette lettre qui «met en cause la légitimité religieuse du pouvoir islamique». Le quotidien Ressalat dénonce la décision de l’ayatollah Tahéri, qui désormais «doit choisir son camp. Fait-il partie du régime ou bien se place-t-il en dehors». Malgré ces violentes attaques, de nombreuses personnalités du camp réformateur, notamment des ministres mais aussi 125 députés ont apportés leur soutien à l’ayatollah Tahéri. «Le peuple d’Ispahan n’abandonnera pas l’ayatollah Tahéri», a affirmé le député de la ville, Ahmad Shirzad. En tout cas, l’affaire est si grave que le Conseil suprême de la sécurité nationale a demandé à la presse de ne pas publier des articles pour ou contre Tahéri Mais la presse n’a guère tenue compte de cet avertissement.
La démission de l’ayatollah Tahéri intervient alors que l’un des principaux partis réformateurs, l’organisation des Moudjahidines de la révolution islamique (OMRI), considéré comme la tête pensante du camp réformateur, a été en quelque sorte «excommunié» par la puissante Association des théologiens de l’école coranique de Qom, qui regroupe les religieux conservateurs. Dans un communiqué, les religieux de Qom affirment que l’Organisation des Moudjahidines de la révolution islamique avait perdu son caractère «islamique». Ce qui veut dire qu’elle doit être interdite. Tout a commencé le 19 juin dernier, par un discours de Hamedan, Hashem Aghajari, l’un des membres de l’OMRI. Devant quelque deux personnes, en majorité des étudiants, il avait estimé que les musulmans "n'avaient pas à suivre aveuglement (...) un chef religieux". «Seuls les singes imitent les autres» avait affirmé Hashem Aghajari, en mettant en cause la volonté de certains religieux de vouloir rester au pouvoir à tout prix. «Durant les premières années de l’islam, il n’y avait pas de clercs», avait-il ajouté. Avant de prôner une sorte de «protestantisme islamique».
Ce fut un tollé chez les conservateurs, qui ont comparé Hashem Aghajari à Salman Rushdie. Ancien combattant, qui perdu une jambe durant la guerre Iran-Irak, Aghajari a été convoqué par la justice pour «propos anti-islamiques». En tout cas, l’OMRI a lancé une contre-offensive sans précédent contre l’Association des enseignants de l’école théologique de Qom, accusé de vouloir instaurer une dictature religieuse au nom de l’islam. «Nous disons à haute voix que nous sommes opposés à tout despotisme sous le voile de la religion», écrit l'Organisation dans un communiqué.
Après une période de relative accalmie, ces deux affaires ont fait monté la tension d’un cran. Elles montrent le fossé grandissant qui sépare les deux tendances du régime iranien qui mènent une guerre désormais ouverte. Surtout, elles placent le président Khatami dans une position délicate. De plus en plus de réformateurs réclament une attitude plus énergique du chef de file des Réformateurs face aux conservateurs qui utilisent tous les moyens pour faire échouer l’expérience réformiste.
La démission de l’ayatollah Tahéri, qui dirigeait depuis trente ans la prière du vendredi de la ville d’Ispahan, considérée comme le second centre politique du pays après Téhéran, a été un coup de tonnerre. L’ayatollah Tahéri a été l’un des proches compagnons de l’imam Khomeiny, le fondateur de la République islamique. Dans sa lettre de démission, il dénonce la corruption généralisée, la répression politique et le traitement réservé à l’ayatollah Montazeri, l’ancien dauphin de l’imam Khomeiny, écarté du pouvoir en 1988 et qui vit en résidence surveillée depuis plus de quatre ans.
«Ceux qui sont au pouvoir utilisent les croyances et la religion des gens pour atteindre leurs visées matérialistes et terrestres…, encouragent des groupes violents et répressifs», écrit l’ayatollah Seyed Jalaleddine Tahéri. «Jusqu’à quant, vous allez répéter des discours creux…dépenser l’argent du peuple au profit de vos proches et de ceux qui vous entourent». Ajoute-t-il. «l’athéisme, le chômage, l’inflation, l’écart social entre riches et pauvres, l’économie malade, la corruption, la prostitution, la drogue, qui rongent notre pays, sont comme l’eau derrière le barrage, qui a tout moment risque de céder et précipiter le pays vers l’abîme, » avertit l’ayatollah Tahéri.
Enfin, il dénonce le traitement réservé à l’ayatollah Montazeri. «Qui ne connaît pas l’immense science du grand ayatollah Montazeri. A lui seul, il est la moitié de l’école théologique et l’école théologique est la moitié de l’islam. J’appelle mes frères à la patience et confie le sort de mon peuple et de mon pays à son véritable possesseur, c’est-à-dire le douzième imam», qui doit revenir sur terre pour sauver le monde, selon l’islam chiite. Cette lettre adressée au peuple iranien est en fait une critique directe à l’adresse du numéro du régime, l’ayatollah Ali Khameneï.
Des réformateurs «excommuniés»
Les conservateurs ont immédiatement dénoncé cette lettre qui «met en cause la légitimité religieuse du pouvoir islamique». Le quotidien Ressalat dénonce la décision de l’ayatollah Tahéri, qui désormais «doit choisir son camp. Fait-il partie du régime ou bien se place-t-il en dehors». Malgré ces violentes attaques, de nombreuses personnalités du camp réformateur, notamment des ministres mais aussi 125 députés ont apportés leur soutien à l’ayatollah Tahéri. «Le peuple d’Ispahan n’abandonnera pas l’ayatollah Tahéri», a affirmé le député de la ville, Ahmad Shirzad. En tout cas, l’affaire est si grave que le Conseil suprême de la sécurité nationale a demandé à la presse de ne pas publier des articles pour ou contre Tahéri Mais la presse n’a guère tenue compte de cet avertissement.
La démission de l’ayatollah Tahéri intervient alors que l’un des principaux partis réformateurs, l’organisation des Moudjahidines de la révolution islamique (OMRI), considéré comme la tête pensante du camp réformateur, a été en quelque sorte «excommunié» par la puissante Association des théologiens de l’école coranique de Qom, qui regroupe les religieux conservateurs. Dans un communiqué, les religieux de Qom affirment que l’Organisation des Moudjahidines de la révolution islamique avait perdu son caractère «islamique». Ce qui veut dire qu’elle doit être interdite. Tout a commencé le 19 juin dernier, par un discours de Hamedan, Hashem Aghajari, l’un des membres de l’OMRI. Devant quelque deux personnes, en majorité des étudiants, il avait estimé que les musulmans "n'avaient pas à suivre aveuglement (...) un chef religieux". «Seuls les singes imitent les autres» avait affirmé Hashem Aghajari, en mettant en cause la volonté de certains religieux de vouloir rester au pouvoir à tout prix. «Durant les premières années de l’islam, il n’y avait pas de clercs», avait-il ajouté. Avant de prôner une sorte de «protestantisme islamique».
Ce fut un tollé chez les conservateurs, qui ont comparé Hashem Aghajari à Salman Rushdie. Ancien combattant, qui perdu une jambe durant la guerre Iran-Irak, Aghajari a été convoqué par la justice pour «propos anti-islamiques». En tout cas, l’OMRI a lancé une contre-offensive sans précédent contre l’Association des enseignants de l’école théologique de Qom, accusé de vouloir instaurer une dictature religieuse au nom de l’islam. «Nous disons à haute voix que nous sommes opposés à tout despotisme sous le voile de la religion», écrit l'Organisation dans un communiqué.
Après une période de relative accalmie, ces deux affaires ont fait monté la tension d’un cran. Elles montrent le fossé grandissant qui sépare les deux tendances du régime iranien qui mènent une guerre désormais ouverte. Surtout, elles placent le président Khatami dans une position délicate. De plus en plus de réformateurs réclament une attitude plus énergique du chef de file des Réformateurs face aux conservateurs qui utilisent tous les moyens pour faire échouer l’expérience réformiste.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 11/07/2002