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Réchauffement climatique

Affrontement Nord-Sud sur les changements climatiques

La 8ème conférence des Nations unies sur le changement climatique, qui durant dix jours a réuni à New Delhi les représentants de 169 pays, s’est transformée en affrontement entre les pays du Sud, qui ne sont pas soumis au protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre, et ceux du Nord –mis à part les Etats-Unis–, pour qui il est essentiel que les pays en voie de développement s’engagent à moyen terme à réduire leurs émissions. Ces derniers ont trouvé un allié inespéré en Washington qui s’était pourtant retiré du protocole de Kyoto parce que justement les pays du Sud n’y était pas soumis. Aujourd’hui l’administration américaine, soucieuse de ne pas se trouver isolée sur le plan international, a en effet opéré un virage à 180° estimant que la lutte contre le changement climatique était impossible sans une croissance économique et donc sans une éradication de la pauvreté.
Le Premier ministre indien Atal Behari Vajpayee, dont le pays est l’hôte de cette 8ème conférence des Nations unies sur le réchauffement de la planète, avait donné le ton dès mercredi lors de l’ouverture des débats ministériels. Il a en effet qualifié de «déplacées les récentes suggestions» de certains pays du Nord, essentiellement ceux de l’Union européenne, visant à imposer aux pays en voie de développement des objectifs légalement contraignants de maîtrise des émissions de gaz à effets de serre après 2012. Il a ainsi expliqué que la lutte contre le changement climatique était un luxe pour ces pays qui n’ont même pas assez d’argent pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires. Lancé en 1997, le protocole de Kyoto impose aux pays les plus industrialisés une réduction de 5,2% par rapport à 1990 des gaz à effet de serre à l’horizon 2008-2010. Pour qu’il puisse entrer en application, il doit être ratifié par 55% des pays signataires représentant 55% des émissions de ces gaz. A ce titre, la ratification de la Russie est essentielle à son entrée en vigueur surtout depuis le refus en mars 2001 des Etats-Unis, pourtant le plus grand pollueur de la planète, d’y adhérer.

A aucun moment, le protocole de Kyoto ne fait toutefois référence à une quelconque obligation des pays pauvres de réduire leurs gaz à effet de serre. Il est vrai, à leur décharge, que leurs émissions ne constituent qu’«une petite fraction» de celles des pays industrialisés. Mais s’appuyant sur un rapport très alarmiste de l’ONU sur l’augmentation des catastrophes naturelles, dont les pays du Sud sont les premières victimes, l’Europe a tenté de convaincre les grands pays en voie de développement, essentiellement l’Inde et la Chine, de s’engager à leur tour dans la lutte contre le changement climatique et cela après 2012. Mais c’était sans compter l’intervention des Etats-Unis. Ces derniers, agacés à l’idée de se retrouver isolés sur le plan international si d’aventure certains Etats du Sud ralliaient le protocole de Kyoto, ont soudain opéré un virage à 180°. Il y a encore un an, Washington s’enflammait en effet contre l’iniquité de cet accord qui épargne jusqu’en 2012 les pays en voie de développement. Or aujourd’hui à New Delhi, les Américains estiment qu’avant de s’attaquer au réchauffement de la planète, ces pays doivent avant tout se consacrer à leur développement économique, «clé de tout progrès en matière d’environnement», selon Washington.

Les Européens, contraints et forcés, se soumettent

Ce revirement des Américains a été vivement décrié par les Européens. Le ministre allemand de l’Environnement Jürgen Trittin a ainsi estimé que «ce qui serait le plus coûteux et le plus dommageable pour l’économie, ce serait de s’abstenir de combattre le changement climatique». Cette position est largement partagée par son homologue française Roselyne Bachelot qui, plus critique encore envers Washington, a affirmé que «croire au développement durable sans forte réduction des gaz à effet de serre par les gros émetteurs est illusoire». Mais après quinze heures de négociations acharnées, les Européens ont dû se rendre aux arguments des pays du Sud. La Déclaration finale de New Delhi est donc finalement un texte juridiquement non contraignant qui ne fait aucune référence à la nécessité des grands pays en voie de développement –Chine, Inde et pays de l’OPEP–, de s’engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Une fois de plus, l’Europe a donc dû se soumettre à la volonté des Etats-Unis. Et selon des diplomates, si l’UE a cédé c’est pour ne pas provoquer de crise et surtout ne pas inciter davantage la Russie à retarder sa ratification du protocole de Kyoto. Une ratification qui est aujourd’hui plus que vitale à son entrée en vigueur.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 01/11/2002