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Réchauffement climatique

Les Européens sauvent les meubles

Pour obtenir, à l'arraché, un accord sur le protocole de Kyoto, l'Union européenne, à la pointe du combat contre l'effet de serre, a dû faire d'importantes concessions à plusieurs pays, dont le Japon. Quant aux Etats-Unis, ils réaffirment leur opposition sans bloquer le processus.
«C'est une version plus faible que la version initiale, qui reste à préciser dans l'avenir», a concédé lundi 23 juillet le ministre français de l'Environnement Yves Cochet. «Mais, a-t-il ajouté, c'est une très grande avancée dans le domaine de la ratification du protocole de Kyoto puisque tous les pays, sauf les Etats-Unis, adoptent ce texte». Conformément à l'image du verre qu'on peut voir à moitié vide ou à moitié plein, les délégués des 180 pays réunis depuis une semaine à Bonn, en Allemagne, ont opté pour une vision optimiste de l'accord intervenu lundi matin. En témoignent les applaudissement nourris dont ils ont gratifié le président de la conférence, le ministre néerlandais Jan Pronk.

Après une semaine de préparatifs techniques et 25 heures de discussions marathon, la commissaire européen à l'environnement, Margot Wallstroem, s'est félicitée: «Nous avons réussi à sauver le protocole de Kyoto. A présent, nous pouvons débuter le processus de ratification». Ce protocole signé en 1997 impose aux pays du Nord des réductions de 5,2%, à l'horizon 2010, des émissions de gaz à effet de serre, jugées responsables du réchauffement climatique. Mais il n'est toujours pas en vigueur, aucun pays ne l'ayant ratifié, dans l'attente de ses modalités d'application qui sont négociées depuis trois ans et demi. L'accord intervenu lundi met fin à l'incertitude, tant les menaces étaient grandes sur l'avenir de ce texte, après le fiasco du dernier sommet de La Haye en novembre 2000 et le retrait américain des négociations au printemps. Le ministre canadien prévoyait même un nouvel échec, ce qui aurait signé l'arrêt de mort du protocole.

Pour les Etats-Unis, le protocole n'est pas une «politique solide»

Kyoto est donc sauvé. Mais l'Union européenne, en pointe sur les questions d'environnement, a dû batailler ferme pour éviter qu'il ne soit vidé de sa substance. Contre les Etats-Unis, plus gros pollueurs de la planète, le combat était perdu d'avance. Rompant avec la politique de Bill Clinton, le président George W. Bush avait annoncé dès le début de son mandat que le protocole était contraire aux intérêts des industriels américains. Contre le Japon, le Canada, la Russie et l'Australie, les Européens ont lutté pied à pied, revenant largement sur leurs exigences initiales. Dès le début de la négociation, les Quinze ont accepté de la part de ces pays un large recours aux «puits de carbone» (forêts et exploitations agricoles), qui peuvent absorber au moins temporairement les gaz carboniques, afin d'atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions de CO2.

Dimanche, l'Europe a également cédé sur l'épineux problème du système de sanctions en cas de non respect des engagements. Le cadre précis des pénalités éventuelles est renvoyé aux conférences qui se tiendront après la ratification du protocole. Quant à la question de savoir dans quel cadre légal ces sanctions pourraient être décidées, elle est restée en suspens. Plusieurs pays, dont le Japon, refusent toute structure de contrôle supranationale. Les Etats-Unis, de leur côté, ont réaffirmé que «le protocole de Kyoto ne constitue pas une politique solide». Le chef de la délégation américaine a néanmoins assuré qu'il n'était pas question d'«empêcher d'autres pays d'aller de l'avant aussi longtemps que nos intérêts légitimes seront préservés».

C'est au prix de ces concessions qu'ont été sauvegardées les chances, pour le protocole, de devenir un traité. Accepté, avec des réserves plus ou moins sérieuses, par la quasi totalité des pays du monde, il pourrait entrer en vigueur l'an prochain. Mais selon les estimations, les réductions d'émissions des trente pays les plus industrialisés ne représenteront qu'un tiers de l'objectif prévu à Kyoto: moins de 2% par rapport aux niveaux de 1990, au lieu des 5,2% souhaités. Il faut dire qu'à eux seuls, les Américains produisent un quart des pollutions à effet de serre.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 23/07/2001