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Réchauffement climatique

Kyoto, avec ou sans les Etats-Unis

Quarante pays se sont réunis samedi à New York pour relancer les négociations sur le protocole de Kyoto destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La quasi-totalité des pays a condamné le retrait américain, tout en manifestant la volonté de mettre en oeuvre le protocole, au besoin, sans attendre les Etats-Unis.
De notre correspondant à New York

La rencontre informelle a tourné au grand déballage. Pour la première fois depuis l'échec des négociations de La Haye, près de 40 pays se retrouvaient à New York pour débattre de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, destiné à réguler les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. La condamnation sans appel du retrait américain du protocole a dominé les débats à huis clos des délégations, dont 25 ministres de l'environnement. Tous les arguments présentés par l'administration Bush ont été disséqués, pesés, et presque unanimement rejetés. A commencer par les justifications économiques, ou l'aspect «injuste» du protocole qui exempte des pays en développement.

Quelques pays, comme le Canada et l'Australie, estiment toutefois qu'il faut attendre les propositions alternatives promises par les Américains, avant d'aller plus loin. «C'est une attitude ambiguë, dont le but est peut-être de retarder les choses, de telle sorte que tout le monde se démotive, explique Michel Raquet, coordinateur de la campagne «climat» de Greenpeace. «On a démarré ces négociations voilà dix ans, c'est une fausse excuse de dire qu'il faut plus de temps. Il est temps d'arrêter ce petit jeu. Aujourd'hui, les Etats-Unis sont isolés». Selon Greenpeace, les négociations de New York préparent une mise en oeuvre sans les Américains du protocole de Kyoto.

Personne ne voudrait pourtant faire l'impasse sur la position américaine. Les Etats-Unis ont un rôle déterminant économiquement et politiquement. Mais, surtout, ce pays représente à lui seul un quart des émissions de CO2 de la planète. «Il faut tout faire pour les ramener à la table des négociations, estime la ministre française de l'environnement, Dominique Voynet. Mais nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'abandonner un travail qui a suscité une telle mobilisation». La ministre fixe 2002 comme une date symbolique pour la ratification : «Dix ans après Rio, les pays en voie de développement vont nous interpeller avec sévérité». L'Europe entend bien être au rendez-vous, avec ou sans les Américains.

L'Afrique particulièrement vulnérable

«On s'attendait à ce que les Etats-Unis jouent un rôle important, plus que n'importe qui d'autre, explique Mohammed Kabir Sai'd, ministre de l'environnement du Nigéria et président de la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement. Leur retrait condamne le monde en développement aux pires conséquences du changement climatique, avec les capacités d'adaptation les plus faibles.» De fait, l'éco-système africain est particulièrement vulnérable à l'élévation du niveau de la mer, et aux risques de sécheresse.

Les Etats-Unis ne sont toutefois pas complètement sortis de la danse. «Le processus n'est pas en bonne santé, mais il est encore vivant, a expliqué Jan Pronk, ministre néerlandais de l'environnement et "facilitateur" des négociations. Les Etats-Unis ne disent plus 'Kyoto est mort', mais 'nous y sommes opposés». Il a comparé la situation à celle d'une «famille en passe de se séparer, mais dont personne n'a quitté la maison.» Les Etats-Unis devraient d'ailleurs se rendre aux négociations qui se tiendront à Bonn en juillet. Le temps pour eux de revoir la position de l'administration Bush, encore floue sur les questions climatiques.

L'optimisme indispensable à Jan Pronk n'est pas partagé par la majorité des participants, qui citent un mémo récemment envoyé par le département d'Etat aux postes diplomatiques. Le document s'oppose catégoriquement au protocole de Kyoto, «quelles que soient les circonstances». Désormais, la balle est dans le camp de la Russie et du Japon. Sans eux, une ratification du protocole boudé par les Américains est juridiquement impossible. Mais ils n'ont pas encore clairement exprimé les positions de leurs gouvernements sur la question.







par Philippe  Bolopion

Article publié le 22/04/2001