Irak
Les kurdes inquiets pour leur autonomie
Les Kurdes irakiens, qui jouissent d’une large autonomie depuis la deuxième guerre du Golfe en 1991, ne cachent pas leur inquiétude quant aux conséquences d’une guerre contre le régime de Saddam Hussein. Réunis à Paris à l’occasion d’une conférence internationale sur le thème «quel avenir pour les Kurdes en Irak ?», les leaders des deux principales formations politiques kurdes, Jalal Talabani du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et Massoud Barzani de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), ont une nouvelle fois plaidé pour la mise en place en Irak d’un Etat fédéral démocratique pour remplacer le régime de Saddam Hussein. Si les deux dirigeants ne veulent envisager à aucun prix l’éventualité d’un Etat kurde indépendant, ils estiment toutefois vital de préserver l’autonomie chèrement acquise par cette entité depuis maintenant dix ans.
Depuis le soulèvement en 1991 des populations du Nord du pays contre le gouvernement central de Bagdad, les Kurdes d’Irak vivent une situation de très large autonomie. Une expérience, que beaucoup qualifient aujourd’hui de très grande réussite. Les Kurdes d’Irak ont en effet réussi à mettre en place des institutions démocratiques avec notamment un gouvernement et un parlement élu autonomes. La région vit en outre dans une relative prospérité depuis que la communauté internationale a imposé en 1996 à Bagdad de lui reverser 13% des revenus du programme «pétrole contre nourriture». Cette manne financière, utilisé à bon escient de l’avis de tous les observateurs, a permis la reconstruction de plus de 70% du territoire. Le ministre de la reconstruction et du développement du gouvernement régional kurde, Nasreen Sideek Berwari, a ainsi affirmé que plus de 2 000 établissements scolaires ainsi que des centaines de dispensaires ont été bâtis au cours de ces six dernières années. Le système de santé mis en place par les autorités autonomes est d’ailleurs cité en exemple par les Nations unies qui ont relevé une importante chute du taux de mortalité infantile. Des milliers de kilomètres de routes ont en outre été construits, encourageant notamment le retour de 23% des populations déplacées. «Nous avons réussi à aider 75 000 familles à retrouver leur foyer», a notamment précisé le ministre kurde. Sur le plan les libertés enfin, des dizaines de journaux d’opposition fleurissent désormais dans une région qui peut s’enorgueillir de n’enregistrer qu’un taux très faible de criminalité et de ne connaître qu’une corruption très modérée.
Ce dynamisme indéniable que connaît le Kurdistan irakien n’en demeure pas moins très artificiel puisqu’il dépend largement des revenus versés par le gouvernement central dans le cadre de la résolution «pétrole contre nourriture». Les autorités kurdes en ont largement conscience et craignent d’autant plus les conséquences, sur cette manne providentielle, d’une guerre contre le régime irakien. C’est pourquoi elles estiment nécessaire de commencer dès à présent à préparer «l’après-Saddam Hussein». Après dix ans d’une indépendance de facto, les Kurdes irakiens espèrent ainsi réussir à convaincre, leur expérience à l’appui, de tous les avantages d’une structure fédérale. «Ce que nous demandons c’est un soutien pour parvenir à un Irak fédéral, démocratique, pluraliste et multipartite», a ainsi affirmé le leader de l’UPK, Jalal Talabani. Conscient des conséquences, sur le plan régional, de la création d’un Etat indépendant, le président du PDK, l’autre grande formation politique kurde a affirmé pour sa part ne pas souhaiter quitter le giron de l’Irak. «Le peuple kurde doit être un exemple pour l’ensemble du pays», a notamment déclaré Massoud Barzani, affirmant travailler pour «un seul objectif, un Irak parlementaire et multiethnique».
Méfiance envers Washington
Les dirigeants kurdes, qui doivent participer du 13 au 15 décembre à Londres à une conférence de l’opposition irakienne, comptent par ailleurs sur l’appui de l’Union européenne tant dans le cadre d’une intervention militaire que pour «l’après-Saddam Hussein». S’ils espèrent en effet une protection en cas d’offensive militaire, ils craignent également que Washington n’implante à Bagdad un régime qui lui soit favorable mais qui laisserait tomber la question kurde. Les Kurdes irakiens ont d’ailleurs d’ores et déjà refusé une éventuelle participation de leurs forces à une action militaire américaine, sans entente préalable sur l’avenir du pays. «Nous ne pouvons pas discuter d’un renversement du régime de Saddam Hussein sans nous mettre d’accord sur l’alternative» à y trouver, a notamment rappelé Massoud Barzani qui s’est déclaré catégoriquement opposé à tout «mandat ou commandement militaire américain sur l’Irak», comme souhaite l’instaurer de façon provisoire Washington.
Sur le plan régional enfin, les dirigeants kurdes craignent également la réaction des autorités turques qui, à plusieurs reprises, les ont accusés de vouloir enflammer la région en instaurant un Etat indépendant. «Nous n’avons pas prévu de déclarer notre indépendance», a ainsi affirmé une nouvelle fois Jalal Talabani, en s’engageant à «garantir que le Kurdistan irakien ne sera pas une base pour les ennemis de la Turquie». Mais rien ne garantit que les autorités d’Ankara prennent en compte les déclarations des dirigeants kurdes irakiens.
Ce dynamisme indéniable que connaît le Kurdistan irakien n’en demeure pas moins très artificiel puisqu’il dépend largement des revenus versés par le gouvernement central dans le cadre de la résolution «pétrole contre nourriture». Les autorités kurdes en ont largement conscience et craignent d’autant plus les conséquences, sur cette manne providentielle, d’une guerre contre le régime irakien. C’est pourquoi elles estiment nécessaire de commencer dès à présent à préparer «l’après-Saddam Hussein». Après dix ans d’une indépendance de facto, les Kurdes irakiens espèrent ainsi réussir à convaincre, leur expérience à l’appui, de tous les avantages d’une structure fédérale. «Ce que nous demandons c’est un soutien pour parvenir à un Irak fédéral, démocratique, pluraliste et multipartite», a ainsi affirmé le leader de l’UPK, Jalal Talabani. Conscient des conséquences, sur le plan régional, de la création d’un Etat indépendant, le président du PDK, l’autre grande formation politique kurde a affirmé pour sa part ne pas souhaiter quitter le giron de l’Irak. «Le peuple kurde doit être un exemple pour l’ensemble du pays», a notamment déclaré Massoud Barzani, affirmant travailler pour «un seul objectif, un Irak parlementaire et multiethnique».
Méfiance envers Washington
Les dirigeants kurdes, qui doivent participer du 13 au 15 décembre à Londres à une conférence de l’opposition irakienne, comptent par ailleurs sur l’appui de l’Union européenne tant dans le cadre d’une intervention militaire que pour «l’après-Saddam Hussein». S’ils espèrent en effet une protection en cas d’offensive militaire, ils craignent également que Washington n’implante à Bagdad un régime qui lui soit favorable mais qui laisserait tomber la question kurde. Les Kurdes irakiens ont d’ailleurs d’ores et déjà refusé une éventuelle participation de leurs forces à une action militaire américaine, sans entente préalable sur l’avenir du pays. «Nous ne pouvons pas discuter d’un renversement du régime de Saddam Hussein sans nous mettre d’accord sur l’alternative» à y trouver, a notamment rappelé Massoud Barzani qui s’est déclaré catégoriquement opposé à tout «mandat ou commandement militaire américain sur l’Irak», comme souhaite l’instaurer de façon provisoire Washington.
Sur le plan régional enfin, les dirigeants kurdes craignent également la réaction des autorités turques qui, à plusieurs reprises, les ont accusés de vouloir enflammer la région en instaurant un Etat indépendant. «Nous n’avons pas prévu de déclarer notre indépendance», a ainsi affirmé une nouvelle fois Jalal Talabani, en s’engageant à «garantir que le Kurdistan irakien ne sera pas une base pour les ennemis de la Turquie». Mais rien ne garantit que les autorités d’Ankara prennent en compte les déclarations des dirigeants kurdes irakiens.
par Mounia Daoudi
Article publié le 02/12/2002