Côte d''Ivoire
Les fronts se multiplient, la négociation s’enlise
L’issue est toujours incertaine dans les combats qui opposent les forces gouvernementales et les rebelles pour le contrôle de la ville de Man, dans l’Ouest du pays. Cette épreuve de force est la conséquence de l’ouverture d’un nouveau front, conduit par un mouvement d’inspiration régionaliste yacouba. Il se réclame de l’héritage du général assassiné Robert Gueï et recrute ses combattants de part et d’autre de la frontière ivoiro-libérienne. Le MPCI l’accueille chaleureusement, alors que les négociations de Lomé sont bloquées. La CEDEAO annonce un nouveau sommet, samedi prochain.
L'ouverture d'un nouveau front, dans l'ouest du pays, constitue à maints égards un tournant dans cette crise ivoirienne. En premier lieu, les autorités ne font plus face à une seule, mais deux organisations armées, voire trois. Outre le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), qui contrôle toute la partie nord du pays depuis le putsch manqué, il faut désormais compter avec le Mouvement pour la justice et la paix (MJP) et le Mouvement populaire du grand ouest (MPIGO). Ces groupes, jusqu'alors inconnus, se réclament de l'héritage du général Robert Gueï, victimes selon toute vraisemblance, lui et ses proches, d'une exécution extra-judiciaire aux premières heures de la mutinerie du 19 septembre, à Abidjan. Le MJP et le MPIGO sont passés à l'action le 28 novembre. Samedi, ils revendiquaient la prise de Man et Danané, alors que Touba tombait elle aussi entre les mains des rebelles du MJP. On ignore encore à ce stade des opérations quelles relations entretiennent les deux groupes et si, notamment, existent entre eux une coordination politique et une coopération militaire. On sait en revanche, selon les témoignages recueillis auprès des habitants des localités concernées, que les effectifs de ces nouvelles formations comptent de nombreux jeunes anglophones. Ils s’agiraient de combattants venus du Liberia voisin et appartenant à la même communauté que les Ivoiriens de la région : les Yacoubas.
Cette nouvelle présence sur le terrain devrait singulièrement compliquer la tâche des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), désormais déployées sur deux fronts. D'autant que ces nouveaux-venus ne sont engagés dans aucune médiation, ni politique, ni militaire. Contrairement aux rebelles du nord, ils ne reconnaissent pas la valeur du cessez le feu, ni la légitimité de la présence des soldats français chargés de le surveiller. Samedi, ces derniers ont dû ouvrir le feu pour accomplir leur mission d’évacuation des étrangers de Man. Le sang a coulé. Bilan : dix rebelles tués et un soldats français blessé. Cette tension est alimentée par le soupçon qui pèse également sur la véritable nature de l’engagement des soldats français en Côte d’Ivoire. Le trouble s’installe en effet lorsque les rebelles constatent la simultanéité du retrait des troupes françaises, à l’issue de leur mission d’évacuation des étrangers de Man, et la contre-offensive des FANCI. «Dimanche, les Français ont cédé la place aux hommes de Gbagbo», déclare un porte-parole du MJP. Guillaume Gbatto évoque même un «jeu trouble» de la part des Français dont la mission doit s’adapter à la nouvelle donne sans prêter le flanc au soupçon de privilégier l’une des parties en conflit. Depuis jeudi ils doivent en effet composer avec une nouvelle force armée qui évolue hors du cadre tracé par la communauté sous-régionale CEDEAO, alors que les éléments de la mission militaire ouest-africaine, censée prendre le relais, se font toujours attendre.
La mission des Français «n’a pas varié»
Malgré cette crispation, la mission des soldats français n’est pas discréditée. Du moins pas auprès des rebelles du nord qui ont réaffirmé que l’ouverture du front ne remettait pas en cause leur engagement de cessez le feu. On peut évidemment considérer que l’engagement militaire de la France, indépendamment de ses aspects contractuel et humanitaire, a peut être évité la conquête d’Abidjan par la rébellion nordiste et, de ce fait, sauvé le régime du président Gbagbo. Mais à l’inverse, en consacrant la division militaire et politique du pays, en gelant les positions des uns et des autres, l’armée française a fourni aux rebelles la base territoriale et la reconnaissance internationale qui lui permettent aujourd’hui de négocier à parité avec les représentants du gouvernement ivoirien. A Paris, le ministère des Affaires étrangères déclare que la mission «n’a pas varié».
Reste à évaluer le poids de ce nouveau paramètre sur les négociations de la CEDEAO en cours à Lomé, sous l’égide du général Eyadema. Ouvertes au mois d’octobre, elles achoppent toujours sur les réformes politiques. Aucun signe de déblocage n’est en vue. Et, en toute logique, l’arrivée des nouveaux-venus de l’Ouest sur la scène politico-militaire ivoirienne renforce les positions des rebelles du MPCI. Ces derniers, par la voix de leur porte-parole, se félicitent de partager les mêmes objectifs et notamment celui du départ du président Laurent Gbagbo. De leur côté les rebelles de l’Ouest affirment que leur action n’est pas coordonnée avec celle des nordistes. La jonction pourrait être faite mais aucun lien n’est encore établie, déclarait lundi matin Guillaume Gbatto sur notre antenne. C’est dans ce contexte que mardi les présidents ivoirien et burkinabé se rencontreront à Bamako. Le premier reprochera au second les tentatives de déstabilisation de son pays victime, selon lui, d’une agression extérieure (celle du Burkina). Le second aura beau jeu de souligner que c’est bel et bien une guerre civile qui déchire désormais la Côte d’Ivoire. Ce soir, un porte-parole de la CEDEAO annonce la tenue d'un nouveau sommet de l'organisation consacré au conflit. Comme le précédent, il se tiendra à Accra, samedi prochain.
Cette nouvelle présence sur le terrain devrait singulièrement compliquer la tâche des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), désormais déployées sur deux fronts. D'autant que ces nouveaux-venus ne sont engagés dans aucune médiation, ni politique, ni militaire. Contrairement aux rebelles du nord, ils ne reconnaissent pas la valeur du cessez le feu, ni la légitimité de la présence des soldats français chargés de le surveiller. Samedi, ces derniers ont dû ouvrir le feu pour accomplir leur mission d’évacuation des étrangers de Man. Le sang a coulé. Bilan : dix rebelles tués et un soldats français blessé. Cette tension est alimentée par le soupçon qui pèse également sur la véritable nature de l’engagement des soldats français en Côte d’Ivoire. Le trouble s’installe en effet lorsque les rebelles constatent la simultanéité du retrait des troupes françaises, à l’issue de leur mission d’évacuation des étrangers de Man, et la contre-offensive des FANCI. «Dimanche, les Français ont cédé la place aux hommes de Gbagbo», déclare un porte-parole du MJP. Guillaume Gbatto évoque même un «jeu trouble» de la part des Français dont la mission doit s’adapter à la nouvelle donne sans prêter le flanc au soupçon de privilégier l’une des parties en conflit. Depuis jeudi ils doivent en effet composer avec une nouvelle force armée qui évolue hors du cadre tracé par la communauté sous-régionale CEDEAO, alors que les éléments de la mission militaire ouest-africaine, censée prendre le relais, se font toujours attendre.
La mission des Français «n’a pas varié»
Malgré cette crispation, la mission des soldats français n’est pas discréditée. Du moins pas auprès des rebelles du nord qui ont réaffirmé que l’ouverture du front ne remettait pas en cause leur engagement de cessez le feu. On peut évidemment considérer que l’engagement militaire de la France, indépendamment de ses aspects contractuel et humanitaire, a peut être évité la conquête d’Abidjan par la rébellion nordiste et, de ce fait, sauvé le régime du président Gbagbo. Mais à l’inverse, en consacrant la division militaire et politique du pays, en gelant les positions des uns et des autres, l’armée française a fourni aux rebelles la base territoriale et la reconnaissance internationale qui lui permettent aujourd’hui de négocier à parité avec les représentants du gouvernement ivoirien. A Paris, le ministère des Affaires étrangères déclare que la mission «n’a pas varié».
Reste à évaluer le poids de ce nouveau paramètre sur les négociations de la CEDEAO en cours à Lomé, sous l’égide du général Eyadema. Ouvertes au mois d’octobre, elles achoppent toujours sur les réformes politiques. Aucun signe de déblocage n’est en vue. Et, en toute logique, l’arrivée des nouveaux-venus de l’Ouest sur la scène politico-militaire ivoirienne renforce les positions des rebelles du MPCI. Ces derniers, par la voix de leur porte-parole, se félicitent de partager les mêmes objectifs et notamment celui du départ du président Laurent Gbagbo. De leur côté les rebelles de l’Ouest affirment que leur action n’est pas coordonnée avec celle des nordistes. La jonction pourrait être faite mais aucun lien n’est encore établie, déclarait lundi matin Guillaume Gbatto sur notre antenne. C’est dans ce contexte que mardi les présidents ivoirien et burkinabé se rencontreront à Bamako. Le premier reprochera au second les tentatives de déstabilisation de son pays victime, selon lui, d’une agression extérieure (celle du Burkina). Le second aura beau jeu de souligner que c’est bel et bien une guerre civile qui déchire désormais la Côte d’Ivoire. Ce soir, un porte-parole de la CEDEAO annonce la tenue d'un nouveau sommet de l'organisation consacré au conflit. Comme le précédent, il se tiendra à Accra, samedi prochain.
par Georges Abou
Article publié le 02/12/2002