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Irak

En attendant le 8 décembre

Les Etats-Unis se sont déclarés très sceptiques quant à la volonté de Bagdad de coopérer avec l’ONU et cela à cinq jours de l’échéance fixée par le Conseil de sécurité à l’Irak pour qu’il livre une liste détaillée de ses programmes d’armes de destruction massive. Washington multiplie en effet les menaces contre le régime de Saddam Hussein tandis que les experts en désarmement poursuivent leurs recherches. Pour la première fois depuis quatre ans, ils ont inspecté mardi un des palais présidentiels de Saddam Hussein, considéré jusqu’alors comme «un site sensible».
Les experts de l’ONU se sont présentés mardi matin vers 9 heures à l’entrée du palais al-Sejoud, un complexe bâti sur les bords du Tigre et traditionnellement utilisé pour accueillir les hôtes officiels de l’Irak. Ils ont pu y pénétrer relativement rapidement malgré les quelques hésitations des gardes postés devant l’enceinte de l’édifice. Après y avoir passé près de deux heures, ils se sont retirés sans faire de commentaire. Un responsable irakien qui les accompagnait a toutefois précisé qu’«ils sont entrés dans tous les bâtiments et ils ont inspecté les ailes de services et les édifices principaux». L’inspection des palais présidentiels de Saddam Hussein a longtemps été un sujet de désaccord entre les autorités irakiennes et l’UNSCOM, la précédente mission des Nations unies en Irak de 1991 à 1998. Les experts onusiens avaient notamment tenté trois fois, en septembre et en octobre 1997, de visiter ces sites dits «sensibles» mais ils s’étaient heurtés au refus de Bagdad. Et ce n’est qu’après de longues négociations, ayant notamment abouti à la signature d’un mémorandum définissant des modalités spécifiques d’inspection, qu’ils avaient pu effectuer une première visite en avril 1998, quelques mois avant leur départ du pays.

Aujourd’hui cet accord est caduc depuis l’entrée en vigueur de la résolution 1441, voté le 8 novembre dernier à l’unanimité au Conseil de sécurité de l’ONU et Bagdad, en autorisant la visite du palais al-Sejoud, a semble-t-il, passé un test avec succès. Londres, qui avait estimé, en septembre dernier, que «nombre de ces soit disant palais étaient en fait de vastes propriétés faisant partie intégrante de la stratégie irakienne de dissimulation des armes massive» aura donc été démenti sur au moins un point.

Si l’inspection du palais al-Sejoud s’est semble-t-il déroulé sans incident notable, un différend a toutefois opposé les experts onusiens aux autorités irakiennes après la visite lundi d’un site impliqué, avant la guerre du Golfe de 1991, dans le développement des fameux missiles al-Hussein d’une portée de 650 km et aujourd’hui prohibés. Dans un communiqué, les inspecteurs ont en effet fait état de la disparition de plusieurs équipements répertoriés en 1998 par la précédente mission onusienne. Une disparition que les autorités irakiennes expliquent en partie par le bombardement de ce site en 1998. Selon eux le matériel qui a pu être sauvé a ensuite été transféré vers d’autres sites, ce que les experts comptent bien vérifier.

Mis à part cet incident, les inspections se sont jusque-là déroulées de façon encourageante de l'avis même du secrétaire général de l'ONU Kofi Annan qui a affirmé mardi qu'«à l'évidence la coopération avec l'Irak a été jusqu'à présent bonne». La Russie a d’ailleurs salué la bonne volonté de Bagdad de coopérer avec l’ONU. «L’absence d’incidents dans le travail des inspecteurs et la coopération de Bagdad avec la délégation onusienne nous permet d’être optimiste», a ainsi déclaré le ministère russe des Affaires étrangères. Une position soutenue par la Chine où le président russe Vladimir Poutine effectue une visite d’Etat. Pékin a en effet jugé bon de rappeler que «la question irakienne doit être résolue de manière politique et diplomatique».

Ton belliqueux à Washington

L’optimisme affiché par ces deux membres permanents du Conseil de sécurité ne semble visiblement pas concerner Washington qui depuis plusieurs jours multiplie les propos menaçants envers le régime de Bagdad. Le président George Bush a ainsi affirmé que les signes donnés jusqu’ici par l’Irak sur sa volonté de désarmer n’étaient «pas encourageants». Son vice-président Dick Cheney a pour sa part violemment critiqué l’homme fort de Bagdad, accusant son régime d’avoir eu «des contacts à haut niveau ces dix dernières années avec al-Qaïda et d’avoir entraîner ses terroristes». Les deux hommes ont également affirmé que l’Irak pouvait décider à n’importe quel moment de fournir des armes biologiques ou chimiques à des terroristes, justifiant ainsi leur détermination à mener une coalition militaire contre le régime irakien. Cette nouvelle offensive verbale intervient alors que l’échéance du 8 décembre se rapproche. D’ici dimanche en effet Bagdad doit fournir la liste complète de ses programmes de développement d’armes de destruction massive et de missiles balistiques. Les autorités irakiennes, qui accusent les Etats-Unis de chercher à «perturber» le travail des inspecteurs de l'ONU, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles présenteraient leur document dès samedi.

Sur le plan militaire, le numéro 2 du département d’Etat Paul Wolfowitz, s’est rendu mardi en Turquie pour demander le soutien d’Ankara en cas d’offensive contre l’Irak. Selon la presse turque, les Etats-Unis auraient demandé à la Turquie, leur principale alliée dans la région, de leur fournir des soldats et d’autoriser l’ouverture de ses bases aériennes et de ses ports. Ils auraient également demandé la permission de déployer une centaine de milliers de soldats américains à la frontière avec l’Irak. En contrepartie de son soutien logistique et militaire la Turquie verrait, toujours selon la presse, sa dette militaire de six milliards de dollars effacée. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld est par ailleurs attendu à la mi-décembre au Qatar, où l’armée américaine a récemment installé un centre de commandement sur la base militaire d’as-Sayliyah. Plus de 4 000 soldats américains sont en outre actuellement stationnés sur celle d’al-Udeïd.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 03/12/2002