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Irak

Regain de tension entre Washington et Bagdad

L’inspection mardi d’un des palais présidentiels de Saddam Hussein a déclenché une avalanche de critiques à Bagdad, où les autorités irakiennes ont accusé les experts de l’ONU de faire de l’espionnage au profit des Etats-Unis avant le déclenchement d’une offensive militaire qu’ils estiment largement programmée. L’administration Bush, énergiquement soutenue par Londres a, de son côté, accentué la pression sur le régime irakien en annonçant notamment d’importantes manœuvres militaires la semaine prochaine dans le Golfe. Washington s’est par ailleurs targué de pouvoir réunir une large coalition en cas de guerre alors qu’un sondage révèle l’émergence d’une forte animosité envers les Etats-Unis notamment dans de nombreux pays européens.
Si la visite surprise au palais el-Sejoud des experts de l’ONU s’est déroulée sans incident notoire, elle a revanche déclenché la fureur des autorités irakiennes. Le vice-président Taha Yassine Ramadan s’est en effet empressé d’accuser les inspecteurs en désarmement d’être «des espions pour le compte de la CIA et du Mossad». Selon lui, ces derniers «ne sont pas venus s’assurer que l’Irak ne possède pas d’armes de destruction massive mais pour fournir de meilleures conditions et des informations plus précises pour l’attaque à venir». Quelques heures plus tard, le vice-Premier ministre Tarek Aziz renchérissait en affirmant que «ce sera un miracle s’il n’y a pas de guerre». Il a accusé les Etats-Unis de vouloir «installer en Irak un gouvernement dirigé par un général américain pour que les compagnies pétrolières américaines exploitent le pétrole irakien». Menaçant, il a en outre prévenu qu’«une agression américaine ne sera pas une partie de plaisir» pour Washington. Les autorités irakiennes n’ont en effet pas apprécié que les inspecteurs de l’ONU se rendent au palais présidentiel «sans protection contre les substances biologiques ou nucléaires présumées», preuve selon eux que cette visite était «injustifiée».

L’homme fort de Bagdad s’est paradoxalement voulu plus arrangeant avec les experts en désarmement de l’ONU en estimant notamment que leur présence était «une opportunité» de prouver la bonne foi de son pays. A l’occasion d’un discours prononcé pour l’Aïd el-Fitr qui marque la fin du mois de jeûne du ramadan, Saddam Hussein a appelé son peuple à «la patience». «L’essentiel, a-t-il assuré, c’est de faire éviter à notre peuple le mal» dans un climat international caractérisé selon lui par des doutes sur la poursuite des programmes militaires irakiens.

Mais l’Irak a beau affirmer ne pas posséder d’armes de destruction massive, Washington, largement soutenu par Londres, affirme le contraire, contribuant ainsi à une escalade verbale. «Nous sommes absolument certains que l’Irak a eu des armes de destruction massive dans le passé, absolument certains qu’il a continué à en développer et nous sommes aussi sûrs qu’il en a en sa possession», a ainsi affirmé le secrétaire d’Etat américain Colin Powell. Le porte-parole de la Maison blanche, Ari Fleisher, a de son côté souligné que la remise samedi par Bagdad de sa déclaration sur ses programmes d’armes de destruction massive n’était que «le début d’un processus», tandis que le président George Bush soulignait que l’Irak imposait depuis onze années au monde «tromperies et fourberies». La Grande-Bretagne, alliée indéfectible des Etats-Unis a, par la voix de son chef de la diplomatie Jack Straw, pressé Saddam Hussein «d’avouer et de dire la vérité» sur son programme militaire. «Il doit dire la vérité et la vérité est que l’Irak possède encore des armes de destruction massive», a ainsi martelé ce dernier. Face à ce brusque regain de tension, la Russie et l’Inde, ont averti qu’elles étaient fermement opposées à «l’usage unilatéral de la force en Irak».

L’anti-américanisme en progression en Europe

Outre cette escalade verbale, Washington exerce également une pression sur le plan militaire. Le Pentagone a en effet annoncé qu’à partir de lundi, soit au lendemain de l’échéance fixée par l’ONU pour que l’Irak remette la déclaration sur ses programmes d’armes de destruction massive, des manœuvres auront lieu dans le Golfe pour préparer une éventuelle intervention militaire américaine en Irak. Plusieurs milliers d’hommes, dont huit cents britanniques, participeront à ces exercices, essentiellement simulés sur ordinateur. Le Pentagone qui, une fois n’est pas coutume, a communiqué sur ses manœuvres a précisé qu’«elles porteraient sur un nombre de situations d’urgence pouvant intervenir dans les 25 Etats de la région».

Les Etats-Unis se sont par ailleurs targués d’avoir déjà rassemblé «une puissante coalition» dans le cas où il serait nécessaire d’intervenir en Irak. «Saddam Hussein doit comprendre qu’un grand nombre de nos alliés ont indiqué qu’ils seraient avec nous quoiqu’il arrive et je pense que ce message doit être livré à Bagdad», a notamment affirmé mercredi Paul Wolfowitz, le secrétaire adjoint américain à la Défense en visite au siège de l’OTAN à Bruxelles. Mais si Washington affirme pouvoir se prévaloir d’un large soutien, un sondage révèle qu’un sentiment anti-américain est en constante progression dans de nombreux pays. Réalisé dans 44 pays sur un échantillon de 38 000 personnes, cette étude montre que si cet anti-américanisme est déjà ancré depuis des années dans les sociétés musulmanes, notamment en Egypte et au Pakistan, il s’impose de plus en plus dans les pays occidentaux.

Une majorité de la population de pays comme le Canada, l’Allemagne ou la France, traditionnellement alliés de Washington, est ainsi de plus en plus critique envers les Etats-Unis et se déclare contre une guerre en Irak. Et en Turquie, où Paul Wolfowitz vient d’effectuer une visite, ils sont 80% à se prononcer contre l’utilisation par les Américains des bases militaires du pays pour intervenir en Irak.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/12/2002