Côte d''Ivoire
Menaces rebelles contre la France
Les trois mouvements rebelles ivoiriens brandissent la menace «d’une attaque généralisée sur tous les fronts» en cas de nouvelle intervention française contre l’un d’entre eux. Ils se sont rencontrés lundi à Bouaké pour adopter une position commune après l’accrochage de samedi, dans l’Ouest. A Abidjan, le président Gbagbo affine les propositions de sortie de crise qu’il compte soumettre aux Ivoiriens.
Isolé du contexte global de la crise ivoirienne, c’est plus qu’un très ferme avertissement qui vient d’être lancé aux Français : c’est une menace. Dans le communiqué final de la réunion de Bouaké les trois mouvements rebelles constatent tout d’abord leur «parfait accord» sur l’essentiel des revendications politiques, et notamment leur identité de vue sur le sort du président Gbagbo qu’ils veulent voir quitter le pouvoir. Mais c’est sur le dossier militaire que la charge était attendue après l’affrontement de samedi à Duékoué, dans l’Ouest, lorsque l’armée française a ouvert le feu pour stopper la progression d’une colonne rebelle du Mouvement populaire ivoirien du grand ouest (MPIGO). Désormais, annoncent les trois mouvements, «toute attaque militaire française sera considérée comme un casus belli. Le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le MPIGO et le Mouvement pour la justice et la paix (MJP) déclencheront alors une attaque généralisée sur tous les fronts».
Si cette position de principe devient la règle, cela signifie que la première rupture du cessez-le-feu, sur l’un ou l’autre front, pourrait dégénérer en affrontement généralisé. La trêve et la ligne de non-franchissement (LNF) mises en place par les accords de la CEDEAO, et dont les Français ont la surveillance, deviendraient immédiatement caduques et la Côte d’Ivoire retomberait dans la guerre totale. Scénario catastrophe à la mesure de la fragilité de la situation sur le terrain, où deux des trois mouvements (ceux apparus dans l’ouest du pays, le MPIGO et le MJP) n’ont pas adhéré au cessez-le-feu, ne reconnaissent pas la LNF, et ne cachent pas leur volonté de poursuivre leur offensive vers le Sud.
L’exaspération des mutins
Mais le texte de Bouaké traduit avant tout l’agacement des mutins face à un engagement militaire français de plus en plus important et qui, en dépit des nombreuses tentatives de clarification, finit par se révéler ambigu. La France peut toujours proclamer que la mission n’a pas changé de nature et que ses soldats sont là pour protéger les expatriés et accompagner le volet militaire de la négociation sous-régionale en attendant la relève, le doute plane. «Si la France cherche à justifier sa présence (…) par la protection de ses ressortissants et autres étrangers, les trois mouvements l’invitent instamment à les évacuer à l’instar des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Allemagne, afin de libérer ces zones occupées», précise notamment le texte. Sur le terrain, on constate également que les Français empêchent plutôt les rebelles de «descendre» sur la capitale, mais pas les Forces armées nationales ivoiriennes, et leurs mercenaires supplétifs, de «monter» à l’assaut des régions occupées. Et c’est cette exaspération qui semble désormais entièrement contenue dans la déclaration commune des rebelles, lundi à Bouaké.
Pourtant, en dépit de cette incontestable dégradation du climat, la dérive militaire de la situation n’est pas inexorable. Tout d’abord les trois mouvements mutins ont décidé de ne pas travailler sous commandement unique, ce qui signifie qu’il n’y a pas de coalition militaire rebelle à proprement parler aujourd’hui en Côte d’Ivoire, mais toujours trois mouvements distincts dont les objectifs politiques, pour le moment, se rejoignent. D’autre part la crise de confiance entre les mutins et l’armée française n’a pas encore conduit le principal de ces mouvements, le MPCI, à renoncer complètement à la médiation de Paris. Lundi, dans le quotidien français La Croix, son secrétaire général a fait le constat de l’échec de la médiation sous-régionale conduite par la Cedeao, qualifiée de «cacophonie» : «J’y participe depuis des mois et, pour l’instant, il n’est rien sorti de concret pour la paix», déclarait Guillaume Soro. Et de lancer un appel, inattendu, «pour que la France joue une médiation aux côtés de l’ONU». Propos recueillis quelques heures avant l’ouverture des discussions de Bouaké. Par ailleurs, en dépit d’une solidarité de circonstance quasi obligatoire, le MPCI serait-il prêt à ruiner la reconnaissance dont il dispose et les acquis de deux mois de négociations pour s’engager dans une aventure militaire avec le MPIGO et le MJP ?
Enfin le pouvoir ivoirien a encore une carte à jouer. Reste en effet à connaître l’accueil qui sera réservé aux projets de sortie de crise que le président Gbagbo est le point de soumettre aux Ivoiriens, conformément aux engagements pris lors du sommet de la CEDEAO, la semaine dernière à Dakar. Selon notre envoyé spécial, le chef de l’Etat devrait proposer aux citoyens la tenue d’un référendum sur les questions concernant l’éligibilité du président de la République, la nationalité et le foncier. Toutefois, en l’état, ce projet ne prévoirait pas l’organisation d’élections anticipées, comme le réclament les mutins. (Ecouter la correspondance de notre envoyé spécial à Abidjan, Cyril Bensimon).
Si cette position de principe devient la règle, cela signifie que la première rupture du cessez-le-feu, sur l’un ou l’autre front, pourrait dégénérer en affrontement généralisé. La trêve et la ligne de non-franchissement (LNF) mises en place par les accords de la CEDEAO, et dont les Français ont la surveillance, deviendraient immédiatement caduques et la Côte d’Ivoire retomberait dans la guerre totale. Scénario catastrophe à la mesure de la fragilité de la situation sur le terrain, où deux des trois mouvements (ceux apparus dans l’ouest du pays, le MPIGO et le MJP) n’ont pas adhéré au cessez-le-feu, ne reconnaissent pas la LNF, et ne cachent pas leur volonté de poursuivre leur offensive vers le Sud.
L’exaspération des mutins
Mais le texte de Bouaké traduit avant tout l’agacement des mutins face à un engagement militaire français de plus en plus important et qui, en dépit des nombreuses tentatives de clarification, finit par se révéler ambigu. La France peut toujours proclamer que la mission n’a pas changé de nature et que ses soldats sont là pour protéger les expatriés et accompagner le volet militaire de la négociation sous-régionale en attendant la relève, le doute plane. «Si la France cherche à justifier sa présence (…) par la protection de ses ressortissants et autres étrangers, les trois mouvements l’invitent instamment à les évacuer à l’instar des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Allemagne, afin de libérer ces zones occupées», précise notamment le texte. Sur le terrain, on constate également que les Français empêchent plutôt les rebelles de «descendre» sur la capitale, mais pas les Forces armées nationales ivoiriennes, et leurs mercenaires supplétifs, de «monter» à l’assaut des régions occupées. Et c’est cette exaspération qui semble désormais entièrement contenue dans la déclaration commune des rebelles, lundi à Bouaké.
Pourtant, en dépit de cette incontestable dégradation du climat, la dérive militaire de la situation n’est pas inexorable. Tout d’abord les trois mouvements mutins ont décidé de ne pas travailler sous commandement unique, ce qui signifie qu’il n’y a pas de coalition militaire rebelle à proprement parler aujourd’hui en Côte d’Ivoire, mais toujours trois mouvements distincts dont les objectifs politiques, pour le moment, se rejoignent. D’autre part la crise de confiance entre les mutins et l’armée française n’a pas encore conduit le principal de ces mouvements, le MPCI, à renoncer complètement à la médiation de Paris. Lundi, dans le quotidien français La Croix, son secrétaire général a fait le constat de l’échec de la médiation sous-régionale conduite par la Cedeao, qualifiée de «cacophonie» : «J’y participe depuis des mois et, pour l’instant, il n’est rien sorti de concret pour la paix», déclarait Guillaume Soro. Et de lancer un appel, inattendu, «pour que la France joue une médiation aux côtés de l’ONU». Propos recueillis quelques heures avant l’ouverture des discussions de Bouaké. Par ailleurs, en dépit d’une solidarité de circonstance quasi obligatoire, le MPCI serait-il prêt à ruiner la reconnaissance dont il dispose et les acquis de deux mois de négociations pour s’engager dans une aventure militaire avec le MPIGO et le MJP ?
Enfin le pouvoir ivoirien a encore une carte à jouer. Reste en effet à connaître l’accueil qui sera réservé aux projets de sortie de crise que le président Gbagbo est le point de soumettre aux Ivoiriens, conformément aux engagements pris lors du sommet de la CEDEAO, la semaine dernière à Dakar. Selon notre envoyé spécial, le chef de l’Etat devrait proposer aux citoyens la tenue d’un référendum sur les questions concernant l’éligibilité du président de la République, la nationalité et le foncier. Toutefois, en l’état, ce projet ne prévoirait pas l’organisation d’élections anticipées, comme le réclament les mutins. (Ecouter la correspondance de notre envoyé spécial à Abidjan, Cyril Bensimon).
par Georges Abou
Article publié le 24/12/2002