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Burkina Faso

Un mois de prison ferme pour le leader des étudiants

Le spectre d’une année blanche plane de nouveau sur l’université de Ouagadougou. La puissante Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB) vient d’engager un nouveau bras de fer avec le pouvoir après la condamnation mardi soir à un mois de prison ferme de son président Bertrand Méda et de deux autres étudiants pour acte de vandalisme. «Il n’y aura pas cours tant que nos camarades ne sont pas libérés», préviennent les étudiants dont le mouvement de grève a contaminé les lycées et collèges des principales villes du Burkina.
De notre correspondant au Burkina Faso

L’université de Ouagadougou replonge! Les cours sont de nouveau bloqués alors qu’ils avaient repris timidement ces derniers jours après une grève de près de quinze jours. Mercredi et jeudi, les amphithéâtres sont restés désespérément vides. Les étudiants, pourtant présents sur le campus refusent d’aller en classe tant que leurs camarades resteront en prison. Mardi, le tribunal de grande instance de Ouagadougou avait condamné à un mois de prison ferme trois leaders de l’Aneb (Association nationale des étudiants du Burkina), la principale organisation syndicale sur le campus. Ils étaient poursuivis pour organisation et participation à des manifestations illicites, coups et blessures volontaires et voies de fait sur deux gendarmes, destruction de biens publics et privés et détention de documents séditieux. Trois autres étudiants poursuivis pour les mêmes faits ont été relaxés par la justice. Outre la prison, le président de l’Aneb, Bertrand Méda a été condamné à payer la somme de 15,6 millions FCFA au titre de dommages et intérêts.

Les six étudiants jugés par le tribunal de grande instance avaient été interpellés le 22 novembre à la suite d’une violente manifestation organisée la veille. Tout avait commencé par le refus de la chancellerie de l’université d’autoriser l’Aneb à tenir une assemblée générale. Celle-ci avait pour but de décider de la conduite à tenir par rapport à une décision d’augmentation des frais d’inscription à l’université de 7500 à 15000 francs CFA. Dispersés par les forces de l’ordre alors qu’ils s’étaient réunis dans un amphi, les étudiants sont descendus dans le quartier de Zogona tout près du campus pour manifester leur colère. C’est ainsi qu’ils ont saccagé et incendié des véhicules publics et privés. Le lendemain, c’est-à-dire le 22 novembre, la gendarmerie fait une descente dans les quartiers de Zogona et de Wemtenga pour interpeller six étudiants dont le président de l’Aneb considérés comme les meneurs des actes de vandalisme. Ces derniers sont présentés à la télévision avant d’être déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco).

Les forces de l’ordre se sont positionnées dans la capitale

En réaction, les étudiants durcissent leur mouvement de protestation. Ils paralysent l’université. Les lycées et collèges de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Koudougou…entrent dans la danse. Mais quelques jours plus tard, les cours reprendront dans certaines facultés sous la surveillance des gendarmes qui filtrent les entrées au campus.

On croyait à un retour à la normale lorsqu’ intervient le procès du 17 décembre. Très tôt, les étudiants ont pris d’assaut le palais de justice quadrillé par la police. En dehors de quelques uns d’entre eux qui ont pu accéder à la salle d’audience, la majorité est restée dehors. Massés devant les grilles du palais, ils ont manifesté leur colère par des slogans scandés tout au long du procès qui s’est déroulé de 8 heures à 23 heures. «C’était un procès public. Mais malheureusement, on se rend compte qu’on ne peut pas avoir accès à l’audience. C’est le procès de la honte», déclare un militant de l’Aneb. «Si nos camarades ne sont pas libérés, nous allons organiser nous-mêmes le procès en appel dans la rue», lance un autre à travers un mégaphone.

Comme il fallait s’y attendre, le verdict du tribunal n’a pas été du goût des étudiants. Ils se sont déclarés déçus de la justice burkinabè et décident de ne pas reprendre les cours tant que leurs trois camarades condamnés resteront à la Maco. Un mot d’ordre suivi également par les élèves des établissements secondaires de Ouagadougou et d’autres villes du pays. Pour prévenir des troubles, la police et la gendarmerie se sont déployées à certains endroits de la capitale burkinabè. Cette nouvelle crise est prise au sérieux par le gouvernement qui craint de se voir détourné de la situation ivoirienne. Pour prévenir alors un pourrissement, le ministre de la sécurité, le lieutenant-colonel Djibril Bassolet a convoqué mercredi le président du Collectif contre l’impunité Halidou Ouédraogo que le gouvernement suspecte de manipuler les étudiants. Entouré du commandant de la gendarmerie et du directeur général de la police, Djibril Bassolet a mis en garde Halidou Ouédraogo qui avait assisté au procès en compagnie d’autres dirigeants du collectif.



par Alpha  Barry

Article publié le 20/12/2002