Burkina Faso
Ernest Nongma Ouédraogo : le legs de Sankara
Ernest Nongma Ouédraogo fut l’un des plus proches collaborateurs de Thomas Sankara. Cet ancien tout-puissant ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité sous la révolution burkinabé a passé quelques années en exil avant de rentrer dans son pays pour fonder un parti politique. En 1995, il est jeté en prison pour avoir publié dans la presse un article au vitriol contre le président Blaise Compaoré. Considéré comme l’un des plus durs opposants au régime, sa formation politique participe néanmoins à un gouvernement d’ouverture en 2001. Nongma vient d’être élu député à l’Assemblée nationale sous la bannière de la Convention panafricaine sankariste (CPS) dont il est le leader. Il nous parle de Thomas Sankara.
De notre correspondant au Burkina-Faso
RFI: Quelle image gardez-vous de Thomas Sankara quinze ans après son assassinat ?
Ernest Nongma Ouédraogo : L’image d’un homme exceptionnel, notamment dans son caractère et sur le plan politique et sur le plan social. Il était un président particulièrement fécond qui savait donner les meilleures orientations pour le développement du pays. Il était toujours proche de son peuple. Un président conscient des faiblesses matérielles et des ressources de son pays. On se souvient encore de certains de ses slogans. Consommons ce que nous produisons par exemple. Il fallait, selon lui, tout faire pour produire ce dont le peuple a besoin, ne pas produire seulement pour l’exportation mais d’abord pour la consommation. C’était véritablement un génie.
RFI: Quels sont selon vous ses plus grands succès ?
ENO : C’est d’abord la prise de conscience des masses populaires. Il était à l’écoute du peuple et le peuple l’écoutait ; c’est vrai qu’il n’a pas eu le temps de pouvoir réaliser tous les projets qu’il avait entrepris mais il n’a déçu personne aussi bien au Burkina Faso qu’en Afrique et même au-delà, dans le tiers monde notamment.
Qu’est-ce qui lui a coûté la vie ? Est-ce les erreurs de son régime comme par exemple les dérives des CDR…
ENO: On peut parler des exactions des CDR. Mais ce qui lui a coûté la vie, c’est en fait l’avidité des hommes. Il n’était pas entouré que d’amis. Des gens le guettaient ou parfois même le poussaient à faire certaines choses. Et ils attendaient dans l’ombre pour s’accaparer du pouvoir le moment venu. Il n’était pas indispensable de l’assassiner. On pouvait simplement l’évincer, récupérer le pouvoir et l’exercer, cela aurait été tout à fait humain et compréhensible
RFI: Aujourd’hui la procédure judiciaire sur son assassinat est pratiquement bloquée. Est-ce que vous gardez néanmoins l’espoir qu’un jour il y aura vérité et justice comme le réclament sa famille et ses héritiers politiques ?
ENO : Bien sûr. C’est une revendication permanente chez les sankaristes que de voir un jour la lumière faite autour de cette affaire. Parce qu’on a prétendu qu’il n’était pas question de l’exécuter mais de l’arrêter et nous nous voulons savoir si c’était un accident ou une exécution pure et simple. La procédure est effectivement bloquée et jusqu’à présent rien n’est vraiment clairement dit. Est-ce que le dossier est définitivement clos au niveau national ? Auquel cas, un recours devant les tribunaux extérieurs n’est pas exclu. Je crois que le pouvoir actuel gagnerait à faire toute la lumière sur cette affaire plutôt que d’attendre qu’on soit obligé de recourir à d’autres sources de résolution du problème
RFI: Avant les législatives de mai dernier votre parti était dans le gouvernement de Blaise Compaoré. Que répondez-vous à ceux qui estiment que c’est de la trahison pour Thomas Sankara ?
ENO: Notre participation fait la suite des travaux du collège des sages, unanimement salués de nous tous qui demandait de constituer un gouvernement d’ouverture. C’est ce gouvernement d’ouverture qui a entrepris toutes les réformes ayant permis à l’opposition d’obtenir une cinquantaine de députés. On ne peut pas dire que cela est négatif. Il y a bien d’autres aspects positifs dans de ce gouvernement d’ouverture qui a été consacré par un protocole d’accord. Ce qui était vraiment exceptionnel et inédit.
RFI: Lors des dernières législatives, les sankaristes sont engrangé huit députés Est-ce que c’est là une victoire pour le capitaine Thomas Sankara ?
ENO: Oui ! Mais je crois que n’eût été la perpétuelle zizanie entre les partis politiques d’obédience sankariste, nous aurions engrangé beaucoup plus que ça. Je suis convaincu que si tous les partis avaient fait l’unité autour d’un programme commun avec un même ton, on aurait engrangé une vingtaine de sièges. Vous savez lorsque nous arrivons en campagne politique et que nous nous présentons en continuateurs de l’œuvre de Thomas Sankara, à certains endroits on n’a même pas besoin de faire des discours. Cela signifie que les gens gardent en mémoire l’idéal de Thomas Sankara. Aujourd’hui les gens font la comparaison entre d’une part ce que Thomas Sankara disait, voulait ou faisait et d’autre part la réalité qu’ils découvrent aujourd’hui à savoir la paupérisation, l’insécurité, la gabegie, les détournements de deniers publics etc.
RFI: Quelle image gardez-vous de Thomas Sankara quinze ans après son assassinat ?
Ernest Nongma Ouédraogo : L’image d’un homme exceptionnel, notamment dans son caractère et sur le plan politique et sur le plan social. Il était un président particulièrement fécond qui savait donner les meilleures orientations pour le développement du pays. Il était toujours proche de son peuple. Un président conscient des faiblesses matérielles et des ressources de son pays. On se souvient encore de certains de ses slogans. Consommons ce que nous produisons par exemple. Il fallait, selon lui, tout faire pour produire ce dont le peuple a besoin, ne pas produire seulement pour l’exportation mais d’abord pour la consommation. C’était véritablement un génie.
RFI: Quels sont selon vous ses plus grands succès ?
ENO : C’est d’abord la prise de conscience des masses populaires. Il était à l’écoute du peuple et le peuple l’écoutait ; c’est vrai qu’il n’a pas eu le temps de pouvoir réaliser tous les projets qu’il avait entrepris mais il n’a déçu personne aussi bien au Burkina Faso qu’en Afrique et même au-delà, dans le tiers monde notamment.
Qu’est-ce qui lui a coûté la vie ? Est-ce les erreurs de son régime comme par exemple les dérives des CDR…
ENO: On peut parler des exactions des CDR. Mais ce qui lui a coûté la vie, c’est en fait l’avidité des hommes. Il n’était pas entouré que d’amis. Des gens le guettaient ou parfois même le poussaient à faire certaines choses. Et ils attendaient dans l’ombre pour s’accaparer du pouvoir le moment venu. Il n’était pas indispensable de l’assassiner. On pouvait simplement l’évincer, récupérer le pouvoir et l’exercer, cela aurait été tout à fait humain et compréhensible
RFI: Aujourd’hui la procédure judiciaire sur son assassinat est pratiquement bloquée. Est-ce que vous gardez néanmoins l’espoir qu’un jour il y aura vérité et justice comme le réclament sa famille et ses héritiers politiques ?
ENO : Bien sûr. C’est une revendication permanente chez les sankaristes que de voir un jour la lumière faite autour de cette affaire. Parce qu’on a prétendu qu’il n’était pas question de l’exécuter mais de l’arrêter et nous nous voulons savoir si c’était un accident ou une exécution pure et simple. La procédure est effectivement bloquée et jusqu’à présent rien n’est vraiment clairement dit. Est-ce que le dossier est définitivement clos au niveau national ? Auquel cas, un recours devant les tribunaux extérieurs n’est pas exclu. Je crois que le pouvoir actuel gagnerait à faire toute la lumière sur cette affaire plutôt que d’attendre qu’on soit obligé de recourir à d’autres sources de résolution du problème
RFI: Avant les législatives de mai dernier votre parti était dans le gouvernement de Blaise Compaoré. Que répondez-vous à ceux qui estiment que c’est de la trahison pour Thomas Sankara ?
ENO: Notre participation fait la suite des travaux du collège des sages, unanimement salués de nous tous qui demandait de constituer un gouvernement d’ouverture. C’est ce gouvernement d’ouverture qui a entrepris toutes les réformes ayant permis à l’opposition d’obtenir une cinquantaine de députés. On ne peut pas dire que cela est négatif. Il y a bien d’autres aspects positifs dans de ce gouvernement d’ouverture qui a été consacré par un protocole d’accord. Ce qui était vraiment exceptionnel et inédit.
RFI: Lors des dernières législatives, les sankaristes sont engrangé huit députés Est-ce que c’est là une victoire pour le capitaine Thomas Sankara ?
ENO: Oui ! Mais je crois que n’eût été la perpétuelle zizanie entre les partis politiques d’obédience sankariste, nous aurions engrangé beaucoup plus que ça. Je suis convaincu que si tous les partis avaient fait l’unité autour d’un programme commun avec un même ton, on aurait engrangé une vingtaine de sièges. Vous savez lorsque nous arrivons en campagne politique et que nous nous présentons en continuateurs de l’œuvre de Thomas Sankara, à certains endroits on n’a même pas besoin de faire des discours. Cela signifie que les gens gardent en mémoire l’idéal de Thomas Sankara. Aujourd’hui les gens font la comparaison entre d’une part ce que Thomas Sankara disait, voulait ou faisait et d’autre part la réalité qu’ils découvrent aujourd’hui à savoir la paupérisation, l’insécurité, la gabegie, les détournements de deniers publics etc.
par propos recueillis par Alpha Barry
Article publié le 16/10/2002