Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Burkina Faso

Vigilance renforcée à la frontière ivoirienne

Alors que la tension est réelle entre le Burkina et la Côte d’Ivoire depuis le coup de force du 19 septembre, l’ambiance est plutôt calme à la frontière entre les deux pays. Mais pour parer à toute éventualité, Ouagadougou, qui nie toute implication dans «le complot» contre le régime de Laurent Gbagbo, a envoyé des renforts militaires dans la zone frontalière.
De notre envoyé spécial à la frontière ivoiro-burkinabè

L’escalade entre Abidjan et Ouagadougou a atteint un nouveau sommet avec le coup de force du 19 septembre qui s’est soldé par la prise des villes de Bouaké et de Korhogo par des soldats insurgés. Comme par le passé, les autorités ivoiriennes ont tout de suite tourné leurs regards vers leurs voisins burkinabè. Interrogé dès le lendemain de la mutinerie, le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi avait déclaré sur RFI qu’une colonne de véhicules, venue de la frontière burkinabè pour prêter main forte aux insurgés, était retournée au Burkina après avoir été «mise en déroute» par des forces loyalistes. Le même jour, son homologue burkinabè réagissait par un communiqué dans lequel il annonçait un renforcement des mesures de sécurité et des contrôles de police.

Le lundi 23 septembre, le gouvernement va plus loin en décrétant la fermeture de ses frontières terrestres avec la Côte d’Ivoire. De son côté, Abidjan décide de suspendre les liaisons téléphoniques avec le Burkina. Auparavant, le gouvernement burkinabè, sans cesse accusé de passivité par l’opinion nationale, a adressé une lettre de protestation «diplomatique» à la Côte d’Ivoire pour l’attaque de son consulat à Bouaké et la destruction de baraquements d’étrangers – parmi lesquels des ressortissants du Burkina, estimés à au moins 2,2 millions en Côte d’Ivoire – à Abidjan par des forces de l’ordre à la recherche d’assaillants. Réaction à Abidjan : des militants proches du pouvoir manifestent devant le consulat du Burkina dont ils forcent le portail.

Entre les deux gouvernements, on n’en est plus au stade de la suspicion comme au cours de ces dernières années. La tension est plus qu’évidente. L’armée burkinabè a envoyé des renforts à la frontière avec la Côte d’Ivoire. Le régiment d’infanterie commando de Banfora, ville industrielle située à soixante kilomètres environ de la frontière, a reçu des hommes venus de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. Un détachement campe dans la petite ville de Niangoloko, tout près de la frontière. «Lorsque la case du voisin brûle, il faut verser de l’eau sur la sienne pour empêcher que le feu ne se propage», ironise un officier burkinabè. Selon les responsables du régiment, l’envoi des troupes à Banfora vise non seulement à sécuriser la population de la zone frontalière, et lui permettre ainsi de vaquer tranquillement à ses occupations, mais aussi à empêcher que le territoire burkinabè ne serve de base arrière à une quelconque force ivoirienne. Les forces burkinabè, équipées d’armes légères, se préparent aussi à faire face à d’éventuels mouvements de populations civiles installées en Côte d’Ivoire. Sous l’effet de la panique, quelques dizaines de paysans et de commerçants burkinabè et ivoiriens s’étaient d’ailleurs réfugiés au Burkina dès l’arrivée des premiers mutins à la frontière. «Mais, ils sont retournés chez eux depuis que le calme est revenu dans la zone», indique un habitant d’un village frontalier.

Les insurgés contrôlent toutes les localités entre Bouaké et la frontière

La brigade de gendarmerie de Niangoloko a aussi reçu des renforts de l’escadron mobile de Bobo-Dioulasso. Ces gendarmes ont placé un poste avancé dans le village de Dagouindougougou, à six kilomètres du pont sur le fleuve de la Léraba qui sépare les deux pays. Ils sont chargés de surveiller toute entrée sur le territoire et d'aiguiser leur service de renseignements en provenance de l’autre côté de la frontière. «Les mutins sont puissamment armés», déclare un gendarme qui nous montre des emballages de bandes de cartouches ramassées, dit-il, par des paysans de l’autre côté de la frontière. «Ce sont des Armes automatiques 52. On les appelle des armes collectives parce que généralement utilisées par deux personnes. C’est de fabrication française», explique-t-il. Avec de telles armes, les insurgés n’ont pas eu de peine à faire fuir les forces de l’ordre qui stationnaient dans le village de la Léraba à moins d’un kilomètre de la frontière burkinabè. «Lorsqu’ils sont arrivés, ils ont tiré. Tous les agents se sont réfugiés en brousse avant de revenir le lendemain pour prendre leurs affaires et disparaître», explique un habitant.

En effet, il n’y a plus de policiers, de gendarmes ni de douaniers à l’entrée du pays. Les six barrages, avant Ouangolodougou, première ville ivoirienne à trente kilomètres de la frontière, ont tous sauté sous la menace des insurgés. Ces derniers contrôlent toutes les localités situées le long des trois cents kilomètres qui séparent Bouaké du Burkina. Ils n’ont jamais franchi le pont de la Léraba, si l’on en croit les forces burkinabè qui se disent prêtes à désarmer systématiquement tout soldat ivoirien, loyaliste comme mutin, qui viendrait à franchir la frontière.



par Alpha  Barry

Article publié le 26/09/2002