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Burkina Faso

Nouveau gouvernement sans l’opposition

Reconduit dans ses fonctions après les législatives du 5 mai dernier, le premier ministre Ernest Yonli a formé son nouveau cabinet le 10 juin. Un gouvernement de 30 membres qui ne compte pratiquement plus de représentants de l’opposition qui détenait une dizaine de portefeuilles dans la précédente équipe. A l’évidence, l’opposition est victime de son succès lors des dernières législatives où elle a réalisé un score historique en obtenant 54 sièges contre seulement 57 pour le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) au pouvoir.
De notre correspondant au Burkina Faso

Alors que la plupart des partis d’opposition membres du précédent gouvernement avait souhaité poursuivre une sorte d’alliance avec le pouvoir, presque tous ont été remerciés au moment même où ils montraient leur force à travers les dernières élections législatives. Ainsi l’ADF-RDA, qui disposait de trois portefeuilles, quitte le gouvernement malgré ses 17 sièges qui, désormais, font de lui le principal parti de l’opposition. Les ministres sankaristes (dont les partis se réclament de l’idéal de l’ancien président révolutionnaire, le capitaine Thomas Sankara tué lors du coup d’Etat qui a porté au pouvoir le président Compaoré en 1987) ont été également remerciés, tout comme les Verts. Et pourtant c’est le président des Verts, au gouvernement depuis trois ans, qui a piloté récemment le processus de réconciliation à la suite de la crise consécutive à l’assassinat en fin 1998 du journaliste Norbert Zongo.

Fort donc de son succès aux législatives, l’opposition espérait consolider sa position au sein du «gouvernement d’ouverture» formé en novembre 2000 pour juguler la crise sociale et politique. Mais aussitôt après la proclamation des résultats, le parti au pouvoir, par la voix de son secrétaire exécutif national Roch Marc Christian Kaboré, s’est prononcé pour un «gouvernement fermé ». Pour le CDP, le succès des législatives avec la participation de toute l’opposition et les résultats qu’elle a obtenus signifiait la fin de la crise politique. Selon le pouvoir, un gouvernement de transition ne se justifiait donc plus. «La crise est loin d’être terminée. Et si le CDP n’a pas pu gérer le pays avec 104 députés, ce n’est pas avec 57 qu’il pourra le faire», répliquait maître Hermann Yaméogo, le leader de l’ADF-RDA. L’opinion s’était saisie du débat. Dans la presse et partout dans le pays, tout le monde débattait sur le sujet. Tant et si bien que le gouvernement « Yonli II » était très attendu des burkinabè.


Gouvernement «entrebaîllé»

Mais, finalement, il n’y a pas eu de nouveau gouvernement ouvert. C’est plutôt un gouvernement «entrebaîllé», selon les termes d’un journal local, en référence au deux postes tout de même accordés à une formation de l’opposition, le Parti africain de l’indépendance (PAI) représenté à l’Assemblée nationale par cinq députés. «Nous avons eu besoin de l’opposition pour réaliser un consensus au moment où le pays connaissait une forte agitation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, où je peux dire que le pays est à la normale. Donc, la participation de l’opposition au gouvernement ne se justifiait plus», a déclaré en substance à RFI le premier ministre pour expliquer le départ de l’opposition de son cabinet. Selon toute vraisemblance, Ernest Yonli a consulté la plupart des formations de l’opposition. Si les plus radicales, comme celles réunies au sein du Groupe du 14 février, ont tout de suite décliné l’offre, l’ADF-RDA s’est bel et bien montrée intéressée. Elle a toutefois posé comme condition la mise en place d’un protocole d’accord de gouvernement. «En novembre 2000, il y a eu un protocole d’accord sur la base duquel nous sommes entrés dans le gouvernement. Ce n’est pas le cas cette fois-ci. Le gouvernement a été plutôt mis en place pour exécuter le programme du chef de l’Etat. Entrer dans ces conditions signifierait qu’on est allié au CDP», souligne maître Yaméogo dans son nouveau rôle de chef de file de l’opposition qui lui donne droit à un rang dans le protocole d’Etat.

Désormais donc, le jeu politique semble clarifié avec «une majorité qui gouverne et une opposition qui s’oppose», au grand bonheur de l’homme de la rue qui s’attend à des débats animés à l’Assemblée. Mais pour se mettre à l’abri de toute surprise, le CDP a scellé quelques alliances qui lui permettent de disposer d’une majorité confortable. «Nous avons déjà une majorité absolue des 57 sièges. Et nous avons élargi cette majorité parlementaire à quelques partis. Ce qui nous permet de compter sur 65 à 70 voix à l’Assemblée. Il n’y a donc pas de soucis à se faire pour l’adoption des projets de loi du gouvernement», indique Ernest Yonli. Le pouvoir a d’ailleurs déjà pu tester cette nouvelle majorité lors de l’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale le 5 mai dernier. Le résultat se révèle plus que rassurant pour lui puisque le candidat du CDP (Roch Marc Christian Kaboré) a été brillamment élu avec 77 voix.

Ecoutez le premier ministre burkinabé, invité d'Afrique matin (2'37")





par Alpha  Barry

Article publié le 13/06/2002