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Burkina Faso

Législatives 2002 : forte participation de l’opposition

Un peu plus trois millions de Burkinabés sont convoqués aux urnes le dimanche 5 mai 2002 pour choisir 111 députés sur les 1 740 candidats (autant de suppléants). Ce sont les troisièmes législatives au Burkina depuis le retour du pays à une vie constitutionnelle. Ce scrutin est marqué par la participation de l’opposition qui avait boycotté les dernières élections.
De notre correspondant au Burkina Faso

Pour la première fois depuis cinq ans, l’ensemble de la classe politique participe de façon consensuelle à une élection. En 1998, l’opposition burkinabé rassemblée au sein du Groupe du 14 février avait boycotté le scrutin au motif que la Commission électorale nationale n’était pas suffisamment indépendante. Aux municipales de septembre 2000, le même groupe de partis refusait d’aller aux urnes après avoir réclamé en vain le bulletin unique et exigé sans succès un règlement de l’affaire Norbert Zongo, du nom du journaliste tué en décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur une affaire de meurtre impliquant la famille présidentielle.

Tirant leçon de ces boycotts qui ternissent l’image de la démocratie burkinabé, le pouvoir a entrepris au cours des deux dernières années d’importantes réformes politiques pour ramener l’opposition aux urnes. Ainsi, le code électoral a été révisé en profondeur pour accorder à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) les pleins pouvoirs. Celle-ci est composée de façon tripartite : cinq représentants de la majorité au pouvoir, cinq membres issus des formations de l’opposition et cinq autres membres représentant respectivement la chefferie traditionnelle, les organisations des droits de l’homme et les trois principales religions du pays (islam et les Églises catholiques et protestantes).

Indépendante dans tous ses démembrements (région, province, département ou commune), la CENI gère, désormais, presque l’ensemble du processus électoral depuis l’établissement des listes jusqu’à la centralisation ainsi que la proclamation provisoire des résultats. Si le contentieux électoral relève toujours et de façon logique de la justice, le ministère de l’administration territoriale, autrefois cheville ouvrière dans l’organisation des élections ne contrôle plus rien. Une réforme conforme aux aspirations de l’opposition qui a toujours suspecté l’administration de vicier le processus électoral au profit du parti au pouvoir.

Mieux, le pouvoir a introduit le bulletin unique. Paraphé séance tenante par le président du bureau de vote et un assesseur, le bulletin unique est considéré comme une parade contre le bourrage des urnes dont se plaignent le plus souvent les partis de l’opposition. «Objectivement, il n’y avait plus de raison qu’on aille pas aux élections», confie un leader de l’opposition radicale.

L’aide du PS français

Pour autant, la participation de l’ensemble de l’opposition au scrutin du 5 mai n’était pas gagnée. L’affaire Norbert Zongo n’ayant pas évolué, les partis du Groupe du 14 février, tous membres du collectif contre l’impunité qui a animé la fronde contre le pouvoir depuis l’assassinat du journaliste, avaient du mal à se décider. Or, selon des sources proches de la présidence, le pouvoir burkinabé souhaitait une bonne représentation de l’opposition au parlement «pour espérer avoir alors des débats républicains en cas de crise à la place des nombreuses manifestations de rue qu’on a vues ces dernières années.» C’est sans doute pourquoi, il n’a pas hésité à recourir secrètement à l’aide du parti socialiste français puis de l’opposant guinéen Alpha Condé, proche de la plupart des hommes politiques burkinabé, pour convaincre l’opposition à aller aux élections. Ces tractations ont porté leurs fruits puisque finalement, toutes les formations, soit trente, sont sur la ligne de départ.

Si les observateurs se disent satisfaits de cette forte participation, tout le monde se dit déçu de la dispersion des partis. Même les formations du G14 qui ont cheminé ensemble depuis quatre ans, n’ont pu réussir la moindre alliance. Situation plus criante chez les cinq partis se réclamant de l’idéal de l’ancien président révolutionnaire Thomas Sankara. Chacun d’eux a présenté sa propre liste donnant l’air d’une certaine cacophonie. Dans ces conditions, peut-on s’attendre à un bon score de l’opposition qui était sortie laminée des législatives de 1997 par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) au pouvoir ? Les leaders de l’opposition eux-mêmes comptent beaucoup sur le nouveau mode du scrutin qui est désormais la proportionnelle au plus fort reste jugé plus équitable que l’ancienne formule ( la proportionnelle à la plus forte moyenne) largement favorable aux grands partis.



par Alpha  Barry

Article publié le 04/05/2002