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Burkina Faso

Six mois de prison pour une exciseuse

Le tribunal de grande instance de Dédougou (centre-ouest du pays) a condamné le 10 avril dernier une exciseuse à six mois d’emprisonnement ferme. C’est le quotidien burkinabé Le pays qui a rapporté mardi dernier la nouvelle. Elle a été reconnue coupable d’avoir excisé 36 fillettes en trois jours dans un village de la région.
De notre correspondant au Burkina Faso

Coutume ancestrale dont le but est de limiter les plaisirs sexuels des femmes, l’excision qui consiste à l’ablation du clitoris et/ou des petites lèvres du vagin est encore pratiquée sur plus des deux tiers des filles burkinabè. Tolérée pendant longtemps au Burkina, l’excision jugée néfaste à la santé est désormais interdite par une loi adoptée en 1996. Et les coupables encourent des peines de 6 mois à cinq ans d’emprisonnement. Un numéro vert a été installé pour dénoncer les auteurs de cette pratique et leurs complices.

Depuis lors, les procès contre les exciseuses et leurs complices ne manquent pas. Par exemple au cours de l’année 2000, une trentaine de procédures judiciaires ont été engagées contre des exciseuses. Depuis janvier 2002, c’est la troisième fois que le tribunal de Dédougou se saisit d’une affaire d’excision. Jusque-là, les tribunaux burkinabé ne se montraient pas sévères dans les cas d’excision. Quand ils n’étaient pas condamnés à de simples amendes, les coupables écopaient seulement des peines d’emprisonnement avec sursis. Cette fois la justice n’est pas allée de main morte. Les coupables ont été condamnés à des peines lourdes.

En effet, outre l’exciseuse, deux autres personnes (un homme et une femme) ont été condamnées respectivement à 6 et 3 mois fermes. L’homme, la soixantaine passée, a été reconnu comme le principal complice. C’est lui qui avait fait venir l’exciseuse dans le village pour faire exciser ses filles et c’est lui qui l’hébergeait pendant sa mission. La femme, âgée de 34 ans, était chargée de convaincre les parents des fillettes et de les conduire auprès de l’exciseuse. Onze autres femmes accusées d’avoir livré leurs progénitures ont écopé chacune de 4 mois d’emprisonnement avec sursis. C’est l’infirmier du village qui a dénoncé ce beau monde à la gendarmerie après des complications chez une des victimes. Selon le substitut du procureur de la république joint par RFI, l’exciseuse expliquait aux parents des fillettes qu’elle avait une autorisation pour pratiquer son métier. La justice a confisqué le couteau qui servait à l’excision. L’exciseuse a indiqué à l’audience qu’elle détient ce couteau de sa mère qui, elle-même, l’a hérité également de sa mère.

«La loi doit dissuader»

Le verdict du tribunal de Dédougou a été bien accueilli par les associations de lutte contre l’excision favorables à la répression. «Chaque fois que les exciseuses étaient condamnées avec sursis, elles n’avaient pas conscience de la gravité de leurs forfaits, explique Mariam Lamizana de l'ONG Voix de femmes. Comme elles sont libres, les condamnées avec sursis croient que la justice les a disculpées. Et cela les encourage à recommencer et à narguer ceux qui les ont dénoncées.»

Selon une récente enquête réalisée dans sept des 14 provinces les plus touchées par l’excision, 23% de burkinabé se disent prêts à continuer à exciser leurs filles. Madame Lamizana qui a présidé pendant une dizaine d’année le comité national de lutte contre l’excision (organisme gouvernemental) plaide alors pour une application ferme de la loi. «Avant, l’excision se pratiquait au vu et au su de tout le monde. Mais par peur de la loi, ceux qui la pratiquent encore sont obligés de se cacher. Ce qui limite le phénomène», fait-t-elle remarquer. Le directeur des opérations du comité inter-africain de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes dont les mutilations génitales féminines, le docteur Morissanda Kouyaté est du même avis.

Approuvant les récentes condamnations de maliens par la justice française pour avoir fait exciser leurs filles, le docteur Kouyaté déclare que «la loi doit être là pour dissuader et donc accompagner tous les efforts de sensibilisation faits par les associations.» Sur une trentaine de pays africains concernés par le phénomène de l’excision, seulement dix ont pris des lois pour l’interdire. Ce qui ne signifie pas la fin de cette pratique néfaste dans ces pays. Si bien que parallèlement aux actions de répression, un accent est mis sur la sensibilisation pour faire évoluer les mentalités.



par Alpha  Barry

Article publié le 25/04/2002