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Burkina Faso

Une percée historique de l’opposition

La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a déclaré les résultats des élections législatives du 5 mai 2002. Avec 54 sièges, l’opposition manque de peu de ravir la majorité au parti au pouvoir qui obtient tout juste les 57 sièges qu’il lui faut pour gouverner. Cette percée est une première pour l’opposition burkinabè laminée jusque-là à chaque scrutin par le parti du président Compaoré depuis le retour en 1991 du pays à une vie constitutionnelle.
De notre correspondant au Burkina Faso

Inespéré, inattendu, historique… les mots ne manquent pas pour qualifier le score réalisée par l’opposition burkinabè lors des législatives du 5 mai dernier. L’opposition prise dans son ensemble devance même le CDP (le Congrès pour la démocratie et le progrès du président Compaoré) dans quatre régions: centre (Ouagadougou), centre-est (Tenkodogo), centre-ouest (Koudougou) et Hauts-bassins (Bobo-Dioulasso. Il faut en effet remonter aux élections de 1978 lors de la deuxième expérience démocratique de l’ex-Haute Volta (la première s’étant déroulée de 1970 à 1974) dans le cadre de la 3è république pour voir une telle performance des partis de l’opposition. A cette époque, la majorité s’était jouée à un seul siège à l’Assemblée. Cette année, elle se joue à deux sièges pour la majorité simple (56 députés) et à un seul pour la majorité absolue qui est de 57 députés. On est donc loin de la configuration de la dernière législature où le CDP disposait d’une majorité «plus que gênante en démocratie» de 104 députés sur 111.

«La percée est telle que nous sommes globalement satisfaits», déclare maître Hermann Yaméogo, président de l’ADF-RDA arrivée en deuxième position avec 17 sièges devant le PDP/PS du professeur Joseph Ki-Zerbo qui obtient 10 sièges. Du côté du pouvoir, on refuse de pleurer sur ce que certains qualifient de défaite du CDP. «Nous devons prendre ce résultat dans le bon sens, indique Salif Diallo, secrétaire à l’orientation politique du CDP et un des plus proches du président Compaoré. Aujourd’hui, la diversité des opinions dans notre pays fait qu’on ne peut pas avoir une Assemblée monocolore. Cela ne sert à rien». «Nous aurons une assemblée riche de sa diversité qui va mettre en évidence une classe politique soucieuse de faire avancer la démocratie au Burkina Faso», a déclaré Bénéwendé Sankara, président de l'Union de la renaissance/Mouvement sankariste.

Pour la législature qui va commencer, on s’attend donc à de vrais débats à l’hémicycle surtout avec l’élection de la plupart des leaders de l’opposition dite radicale. Parmi eux, les proches de l’ancien président révolutionnaire le capitaine Thomas Sankara tué dans un coup d’Etat qui porta l’actuel chef de l’Etat au pouvoir. Trois partis sankaristes seront représentés à l’Assemblée avec un total de 7 sièges.

«Le tékré (changement) est possible»

En attendant une nouvelle recomposition du paysage politique les burkinabè avec en tête les leaders de l’opposition rêvent d’une alternance. «Je ne dirai pas comme Le Pen que nous sommes entrés dans l’espérance, mais les perspectives sont bonnes. Nous avons approché la réalisation de l’impossible. Maintenant, nous avons une opposition responsable et crédible. Les burkinabè savent à présent que l’alternance est possible». «Voyez le " tékré" [changement en langue locale] est possible!», s’exclamait le quotidien L’observateur dans sa parution de lundi.

Analysant les performances de l’opposition, le professeur de droit constitutionnel Laurent Bado nouvellement élu en même temps que trois autres personnes du parti qu’il dirige (le parti de la renaissance nationale), parle «d'un vote sanction contre l'impunité» à cause de l'assassinat du journaliste Norbert Zongo en décembre 1998 «qui a choqué tout le monde». Mais selon de nombreux observateurs, nonobstant l’usure du pouvoir, les nouvelles conditions de transparence et surtout le nouveau mode de scrutin (liste nominale) ont été plus que déterminants dans le bon résultat de l’opposition. En effet, la formule de la proportionnelle au plus fort reste adoptée cette année est jugée plus équitable dans la répartition des sièges contrairement à l’ancienne formule (la proportionnelle à la plus forte moyenne) qui n’accorde aucune chance aux petits partis.



par Alpha  Barry

Article publié le 14/05/2002