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Burkina Faso

Plus de 500 émigrés rapatriés de Libye

Partis au pays de Mouammar Kadhafi il y a quelques mois pour faire fortune, des centaines de Burkinabés ainsi que d’autres ouest-Africains viennent d’être rapatriés «volontairement» sans le moindre sou. Le dernier des cinq vols cargo, qui les a déversés à Ouagadougou, est arrivé le 7 août dernier. Faute d’emploi en Libye, l’eldorado auquel rêvaient tous ces immigrés clandestins et pour lequel ils ont risqué leur vie en traversant parfois à pied le désert nigérien était devenu un véritable enfer. D’où leur décision de retourner au bercail et de ne plus remettre les pieds en Libye.
De notre correspondant au Burkina Faso

«Le colonel Kadhafi lui-même a dit aux Africains de ne plus aller en Europe ou en Amérique mais de venir en Libye où il y a du travail pour tous.» Voilà, selon les rapatriés, ce qui les a motivés à se précipiter vers la Libye présentée comme un eldorado où le moindre boulot serait chèrement payé en pétrodollars. Depuis que le guide libyen, en route pour le sommet de l’OUA à Lomé il y a deux ans, a tenu ce discours au cours d’une tournée dans plusieurs pays de la région, c’est en effet la ruée vers son pays. Des Maliens, des Nigériens, des Ghanéens, des Burkinabés, des Ivoiriens, des Togolais… ont traversé par centaines, au prix de leur vie, le désert pour se rendre en Libye. Et c’est grâce à une filière parfaitement bien organisée à partir de la ville nigérienne d’Agadez qu’ils ont pu le faire. «Mais les problèmes commencent dès qu’on rentre au Niger, témoigne Rachidou Soigné, originaire de sud-est du Burkina comme la plupart des rapatriés. Les policiers, les gendarmes et même les militaires nous rançonnent. A chaque barrage, il faut payer entre 4000 et 10.000 FCFA. Si tu refuses, on te fouille pour prendre l’argent». Moctar Soigné affirme, pour sa part, que lorsqu’il a quitté son village il avait 275 000 FCFA. «Mais avant d’arriver en Libye, tout était fini», regrette-t-il.

A Agadez, des guides attendaient les candidats à l’immigration pour les aider à franchir le désert nigérien. Une aventure de plusieurs jours commençait alors pour ces ouest-Africains, âgés pour la plupart de 20 à 30 ans. La traversée débutait en véhicule. Pour le prix de 50 000 à 60 000 FCFA, ces immigrés étaient entassés au nombre de 150 à 200 dans des camions ou 30 à 35 dans des camionnettes. «On ne pouvait pas s’asseoir, on restait debout», souligne un de ces rapatriés. Les clandestins passaient donc une dizaine de jours dans cette position avant d’être débarqués «quelque part» dans le désert, avec pour seul horizon le sable et le ciel. L’épreuve la plus difficile commençait lorsqu’ils s’engageaient dans une traversée à pied du désert. En colonne, les clandestins accompagnés de nouveaux guides à qui ils devaient encore payer de l’argent, marchaient pendant 5 à 10 jours, baluchon au dos et un bidon d’eau en main. Il n’était pas rare qu’en chemin, certains succombent, victimes de fatigue et de soif. «En fait, les guides demandaient d’abandonner en plein désert ceux qui étaient épuisés ou qui n’avaient plus d’eau», explique Seydou Bancé.

Le temps des désillusions

La plupart des immigrés affirment en outre avoir été victimes d’attaques à mains armées à la frontière entre l’Algérie, la Libye et le Niger. «Des bandits surgissaient des montagnes et nous dépouillaient de notre argent et même de nos vêtements», affirment-ils. La plupart des victimes de ces attaques croient d’ailleurs à une complicité entre guides et bandits.

La porte de la Libye se trouve pour ces clandestins à Sebha. Et c’est donc dans cette ville, située dans le centre sud du pays, que prend fin le mirage libyen. C’est là aussi qu’ils sont confrontés aux dures réalités de la vie au pays du chantre de l’Union africaine. La désillusion est alors totale avec l’absence du travail qu’on leur avait pourtant fait miroiter: Les gros chantiers sont quasiment introuvables et les quelques emplois qui existent sont mal payés. Et souvent quand ces clandestins ont la chance de décrocher un petit boulot, ils ne sont pas payés. Une vraie galère donc pour nombreux d’entre eux, obligés à traîner tous les matins devant la boulangerie du coin pour quémander du pain. Ils doivent en outre faire face au racisme. «Dans la rue, les enfants se moquaient de nous ou nous lançaient des pierres», confie l’un d’entre eux.

Cette situation étant devenue intenable, certains de ces immigrés clandestins, Burkinabés pour la plupart, ont demandé à leur ambassadeur à Tripoli leur rapatriement au pays. Sur requête donc du gouvernement burkinabé, la Libye a mis à la disposition des candidats au retour un avion cargo qui a fait cinq rotations débarquant au total plus de 500 clandestins à Ouagadougou. Selon le ministère burkinabé des Affaires étrangères, 4 Ivoiriens, 7 Maliens, 5 Ghanéens et 3 Togolais ont profité de cette aubaine pour quitter la Libye. Les autorités libyennes leur ont remis au moment du départ 50 dollars. Mais ils jurent de ne plus jamais remettre les pieds en Libye «même si l’on ramasse de l’argent là-bas.»



par Alpha  Barry

Article publié le 10/08/2002