Burkina Faso
Affaire Sankara : la vérité ne semble pas pour demain...
Il n’y a pas d’avancée dans l’affaire Thomas Sankara. Quinze ans après son assassinat dans un coup d’Etat, la famille et les partis sankaristes réclament toujours justice, sans succès. La procédure judiciaire enclenchée il y a cinq ans piétine.
De notre correspondant au Burkina Faso
Depuis plus d’un an, la procédure judiciaire sur l’affaire Thomas Sankara est pratiquement bloquée. Elle avait démarré le 29 septembre 1997 par une plainte déposée in extremis par un avocat burkinabé au nom de l’épouse du défunt président Mariam Sankara et de ses deux enfants. La veuve et les enfants qui vivent en exil à Montpellier (France) ont pu éviter ainsi la prescription du crime commis le 15 octobre 1987. La plainte déposée auprès du tribunal de grande instance de Ouagadougou est dirigée contre X pour «assassinat et faux en écriture publique». Le certificat de décès signé par un médecin militaire mentionnait que l’ancien président tombé sous les balles, était mort de «mort naturelle».
Alors que beaucoup d’observateurs étaient pessimistes sur la suite de la procédure, un juge d’instruction Alexis Kambiré prend immédiatement une ordonnance pour ouvrir une information sur le dossier. Mais sur requête du parquet général de la cour d’appel de Ouagadougou, la chambre d’accusation prend un arrêt le 26 janvier 2000 qui rend les juridictions de droit commun incompétentes pour connaître de cette affaire. Les avocats de la famille de Thomas Sankara s’étaient alors pourvus en cassation devant la cour suprême. Mais celle-ci juge, le 19 juin 2001, irrecevable «en la forme» la plainte pour défaut de caution non versée auprès de la Cour par les avocats de la famille.
Cette dernière décision renvoie les parties à se conformer à l’arrêt de la chambre d’accusation. Celle-ci avait fondé son argument sur le fait que le crime s’était déroulé dans une enceinte militaire à savoir le Conseil de l’entente qui abrite encore aujourd’hui l’Etat-major de la sécurité présidentielle. Ce qui revient à dire que seul le tribunal militaire peut juger cette affaire. Or, selon le code de procédure de la justice militaire au Burkina, seul le ministre de la Défense peut donner l’ordre de poursuite à cette juridiction d’exception. Mais jusqu’à ce jour soit 14 mois après la décision de la cour suprême, cet ordre n’a toujours pas été donné par le général Kouamé Lougué. Pourtant dès le verdict de la Cour suprême, maître Dieudonné Nkounkou du barreau de Montpellier et maître Bénéwendé Sankara (sans lien de parenté avec l’ancien président) qui représentent la famille Sankara écrivaient au ministre de la défense pour lui rappeler «son devoir de donner l’ordre de poursuite».
Sous le coup de la prescription
Parallèlement, les deux avocats écrivent au procureur du Faso pour lui demander de faire «diligence» dans la poursuite du dossier. Ils s’appuient dans leur requête sur une autre affaire du même genre, celle du chauffeur du frère du président Blaise Compaoré mort dans des conditions mystérieuses en 1997 au sein du régiment de sécurité présidentielle. Alors que la rue grondait pour obtenir la vérité dans cette affaire sur laquelle le journaliste Norbert Zongo enquêtait lorsqu’il a été tué en décembre 1998, le ministre de la Défense avait rapidement donné l’ordre de poursuite au tribunal militaire en 1999. Mais sans doute les enjeux ne sont pas les mêmes. En tout cas, le ministre de la Défense n’a non seulement pas donné suite à l’affaire, mais il n’a pas non plus répondu directement aux avocats de la famille Sankara. En revanche, le procureur du Faso, lui, a fait connaître sa position dans une réponse adressée le 23 juillet 2001 à maître Sankara : l’affaire «porte sur des faits qualifiés crimes commis le 15 octobre 1987, soit plus de 13 années et huit mois». Autrement dit, le crime portant sur l’assassinat du capitaine Thomas Sankara tombe sous le coup de la prescription qui est de 10 ans.
Vrai ou faux ? Le débat divise les deux parties. Pour les avocats de la famille, la plainte déposée en 1997 auprès du tribunal civil suspend la prescription. Pour eux, la dénonciation des faits devant un tribunal militaire ne constitue pas une nouvelle plainte mais plutôt la suite de celle déposée devant le tribunal civil. Au contraire pour le parquet et le pouvoir, il n’y a pas de lien entre les deux procédures. Ce qui suppose dans ce cas que l’action est éteinte du fait de la prescription.
Pour contourner cet imbroglio juridique, les avocats viennent d’engager une nouvelle plainte toujours contre X mais cette fois pour séquestration. «Depuis le 15 octobre 1987, alors qu’il était présent à Ouagadougou, où il exerçait les fonctions de chef de l’Etat du Burkina Faso, Thomas Sankara n’a plus réapparu», écrit maître Dieudonné Nkounkou le 30 septembre 2002 au doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Le choix de cette nouvelle infraction n’est pas le fait du hasard. Selon le code de procédure pénale burkinabè, la séquestration est une infraction continue c’est-à-dire qu’elle n’est jamais prescrite. Cette nouvelle procédure a-t-elle des chances d’aboutir ? Rien n’est sûr. En tout cas, maître Sankara ne se fait pas trop d’illusions. «Je me suis laissé convaincre que si Blaise Compaoré ne tombe pas, point de vérité, point de justice pour Thomas Sankara».
Depuis plus d’un an, la procédure judiciaire sur l’affaire Thomas Sankara est pratiquement bloquée. Elle avait démarré le 29 septembre 1997 par une plainte déposée in extremis par un avocat burkinabé au nom de l’épouse du défunt président Mariam Sankara et de ses deux enfants. La veuve et les enfants qui vivent en exil à Montpellier (France) ont pu éviter ainsi la prescription du crime commis le 15 octobre 1987. La plainte déposée auprès du tribunal de grande instance de Ouagadougou est dirigée contre X pour «assassinat et faux en écriture publique». Le certificat de décès signé par un médecin militaire mentionnait que l’ancien président tombé sous les balles, était mort de «mort naturelle».
Alors que beaucoup d’observateurs étaient pessimistes sur la suite de la procédure, un juge d’instruction Alexis Kambiré prend immédiatement une ordonnance pour ouvrir une information sur le dossier. Mais sur requête du parquet général de la cour d’appel de Ouagadougou, la chambre d’accusation prend un arrêt le 26 janvier 2000 qui rend les juridictions de droit commun incompétentes pour connaître de cette affaire. Les avocats de la famille de Thomas Sankara s’étaient alors pourvus en cassation devant la cour suprême. Mais celle-ci juge, le 19 juin 2001, irrecevable «en la forme» la plainte pour défaut de caution non versée auprès de la Cour par les avocats de la famille.
Cette dernière décision renvoie les parties à se conformer à l’arrêt de la chambre d’accusation. Celle-ci avait fondé son argument sur le fait que le crime s’était déroulé dans une enceinte militaire à savoir le Conseil de l’entente qui abrite encore aujourd’hui l’Etat-major de la sécurité présidentielle. Ce qui revient à dire que seul le tribunal militaire peut juger cette affaire. Or, selon le code de procédure de la justice militaire au Burkina, seul le ministre de la Défense peut donner l’ordre de poursuite à cette juridiction d’exception. Mais jusqu’à ce jour soit 14 mois après la décision de la cour suprême, cet ordre n’a toujours pas été donné par le général Kouamé Lougué. Pourtant dès le verdict de la Cour suprême, maître Dieudonné Nkounkou du barreau de Montpellier et maître Bénéwendé Sankara (sans lien de parenté avec l’ancien président) qui représentent la famille Sankara écrivaient au ministre de la défense pour lui rappeler «son devoir de donner l’ordre de poursuite».
Sous le coup de la prescription
Parallèlement, les deux avocats écrivent au procureur du Faso pour lui demander de faire «diligence» dans la poursuite du dossier. Ils s’appuient dans leur requête sur une autre affaire du même genre, celle du chauffeur du frère du président Blaise Compaoré mort dans des conditions mystérieuses en 1997 au sein du régiment de sécurité présidentielle. Alors que la rue grondait pour obtenir la vérité dans cette affaire sur laquelle le journaliste Norbert Zongo enquêtait lorsqu’il a été tué en décembre 1998, le ministre de la Défense avait rapidement donné l’ordre de poursuite au tribunal militaire en 1999. Mais sans doute les enjeux ne sont pas les mêmes. En tout cas, le ministre de la Défense n’a non seulement pas donné suite à l’affaire, mais il n’a pas non plus répondu directement aux avocats de la famille Sankara. En revanche, le procureur du Faso, lui, a fait connaître sa position dans une réponse adressée le 23 juillet 2001 à maître Sankara : l’affaire «porte sur des faits qualifiés crimes commis le 15 octobre 1987, soit plus de 13 années et huit mois». Autrement dit, le crime portant sur l’assassinat du capitaine Thomas Sankara tombe sous le coup de la prescription qui est de 10 ans.
Vrai ou faux ? Le débat divise les deux parties. Pour les avocats de la famille, la plainte déposée en 1997 auprès du tribunal civil suspend la prescription. Pour eux, la dénonciation des faits devant un tribunal militaire ne constitue pas une nouvelle plainte mais plutôt la suite de celle déposée devant le tribunal civil. Au contraire pour le parquet et le pouvoir, il n’y a pas de lien entre les deux procédures. Ce qui suppose dans ce cas que l’action est éteinte du fait de la prescription.
Pour contourner cet imbroglio juridique, les avocats viennent d’engager une nouvelle plainte toujours contre X mais cette fois pour séquestration. «Depuis le 15 octobre 1987, alors qu’il était présent à Ouagadougou, où il exerçait les fonctions de chef de l’Etat du Burkina Faso, Thomas Sankara n’a plus réapparu», écrit maître Dieudonné Nkounkou le 30 septembre 2002 au doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Le choix de cette nouvelle infraction n’est pas le fait du hasard. Selon le code de procédure pénale burkinabè, la séquestration est une infraction continue c’est-à-dire qu’elle n’est jamais prescrite. Cette nouvelle procédure a-t-elle des chances d’aboutir ? Rien n’est sûr. En tout cas, maître Sankara ne se fait pas trop d’illusions. «Je me suis laissé convaincre que si Blaise Compaoré ne tombe pas, point de vérité, point de justice pour Thomas Sankara».
par Alpha Barry
Article publié le 14/10/2002