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Côte d''Ivoire

Le Sénégal rapatrie 230 de ses ressortissants

Après le Burkina Faso et le Mali, c'est au tour du Sénégal de procéder au rapatriement d'une partie de ses ressortissants en Cote d'Ivoire. Sur les 230 prévus, 125 sont arrivés à Dakar, jeudi 26 décembre en fin d'après midi. Le second groupe devrait arriver ce vendredi dans l'après midi. Le gouvernement du Sénégal, qui a affrété deux vols d'Air Sénégal International (filiale du Groupe Royal Air Maroc), dément les rumeurs qui lui prêteraient l' intention de vouloir exfiltrer l'ensemble des 600 000 à 800 000 (le chiffre exact est inconnu) Sénégalais vivant en Côte d'Ivoire.
De notre correspondant à Dakar

Les Sénégalais rapatriés jeudi de Côte d’Ivoire donnent tout l'air d'avoir vécu un calvaire. Il s’agit en majorité de femmes et d’enfants. Ils arrivent avec pour seuls bagages, des baluchons contenant quelques effets qu'ils ont pu emporter avec eux en quittant précipitamment la ville de Man où ils vivaient depuis des années pour certains.

C'est le cas de Thierno Diop, tailleur de profession, qui raconte ici le calvaire qu'ils ont vécu durant de longues nuits et journées sous les balles eau côté de cadavres en putréfaction. "Les gens ont pris tous nos bagages; ils viennent au marché, cassent tout, volent. La nuit on ne dort pas, parce que quand tu dors , ils viennent te piller. Par exemple, Monsieur Sow, le président des Sénégalais à Man a eu des problèmes avec eux. Des jeunes voyous, des vagabonds, sont venus la nuit chez lui et ont demandé si c'était lui Sow et il fallait qu'il leur donne de l'argent, il a répondu qu'il ne s'appelle pas Sow et qu'il n'avait pas d’argent avec lui. Alors, ils ont commencé à entrer dans toutes les maisons, ont sorti des couteaux et ont commencé à "piquer" les jeunes Sénégalais. Un des assaillants a été tué. Après cela, on a appelé les forces loyalistes pour leur dire ce qui s'était passé. Ils nous ont demandé de sortir les corps des maisons...heureusement qu'il n'y a eu aucun sénégalais tué pendant ces attaques." Thierno est rentré à Dakar avec son enfant âgé d'environ cinq ans et dit avoir laissé à Man tous ses biens.

«J’ai vu des innocents mourir»

Avec encore les images du drame vécu dans les yeux, Thierno fait défiler le film cauchemardesque de l'arrivée des rebelles à Man: "Quand les rebelles sont entrés dans Man après plusieurs heures de combat, il y avait déjà plusieurs morts et la ville était complètement "gâtée" (détruite). Nous avons commencé à avoir peur en voyant les rebelles, alors on a téléphoné à notre ambassadeur à Abidjan. Nous avons réussi aussi à joindre Mme Wade (épouse du chef de l'Etat sénégalais), elle nous a demandé de nous regrouper et de nous compter. Nous étions environ cinq cents et quelques personnes. Le consul est venu nous trouver et nous a demandé ce que nous voulions, nous avons répondu que nous avions très peur, que nous étions fatigués et que nous voulions quitter Man. J'ai vu des innocents mourir sous les balles perdues».

Des cars sont alors affrétés par les autoritaires consulaires sénégalaises d'Abidjan pour évacuer ces personnes de l'enfer de Man. Une odyssée qui les conduira de Man à Duékoué, via Yamoussokro avant d'atteindre Abidjan 24 heures plus tard, où ils seront hébergés dans le quartier populaire d'Adjiamé. Pour ses biens restés à Man, il dit les avoir laissés avec des amis ivoiriens. Par contre d'autres Sénégalais ne se sont pas résignés à laisser leurs biens en Côte d'Ivoire et, à leurs risques et périls, ont décidé de rester à Man. Ceux qui sont arrivés à Dakar seront pris en charge par le gouvernement sénégalais, et rapatriés dans leurs régions d'origine, généralement la région du fleuve, régions de Saint-Louis et de Matam.

Les autorités sénégalaises, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, ont vivement démenti les rumeurs faisant état de la volonté du Sénégal de rapatrier tous ses ressortissants en Côte d'ivoire: "Nous n'avons pas à encourager les 500 000 ou 600 000 Sénégalais de Côte d'Ivoire à rentrer au Sénégal. Nous n'avons rien dit de pareil".



par Demba  Ndiaye

Article publié le 27/12/2002