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Union européenne

Paris et Berlin proposent une présidence bicéphale

Le chancelier allemand Schröder et le président français Chirac proposent, pour l’avenir de l’Europe, une présidence double préservant les exigences des deux pays : la représentation des intérêts communautaires pour Berlin, celle des Etats-nations pour Paris. On attend la réaction des 23 autres pays-membres concernés à cette initiative du couple-franco-allemand réactivé.
Le couple franco-allemand, longtemps moteur de l’Union européenne, s’est reconstitué pour proposer aux 25 pays membres une réforme profonde des institutions communautaires. Le chancelier allemand Gerhard Schröder et le président français Jacques Chirac lancent l’idée d’une présidence double de l’Union européenne élargie. Un président de la Commission européenne serait élu par le parlement européen et un président du Conseil européen par les chefs d’Etat et de gouvernement, à la majorité qualifiée pour une période de cinq ans ou deux ans et demi renouvelable.

La réforme de la présidence du Conseil est désormais incontournable car le système actuel de présidence tournante tous les six mois est devenu inefficace, la rotation s’exerçerait, à partir de 2004, sur un rythme de 12 ans et demi. Déjà le dernier Conseil européen de Copenhague, en décembre 2002, avait retenu l’idée d’une présidence élue de cette institution. Mais la solution bicéphale à laquelle a abouti la proposition de Paris et Berlin est le résultat d’un compromis entre deux visions très différentes de l’avenir de l’Union européenne.

La France défend une Europe des Etats-nations, au sein de laquelle le rôle des chefs d’Etat et de gouvernement soit préservé. L’Allemagne, accoutumée au fédéralisme par son organisation politique est bien plus ouverte à une évolution de ce type pour l’Europe. Les deux pays ont donc, selon Jacques Chirac, «décidé de faire chacun un pas vers l’autre». Le chancelier et le président ont également envisagé le statut du futur responsable de la politique étrangère de l’Union, double également. La personne chargée d’incarner l’Europe sur la scène internationale serait rattachée au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement et aussi présente au sein de la Commission européenne.

Risques de cohabitation à la française

Le schéma de réforme ainsi élaboré devra maintenant recueillir l’approbation des autres membres, au nombre de 23. L’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing, président de la Convention pour l’avenir de l’Europe, soulignait récemment dans le quotidien Le Monde la nécessité de modifier les institutions conçues pour six pays lors du passage à 25 membres. Parlement, Conseil et Commission en sont affectés. Le Conseil passera de 32 à 52 membres (chefs d’Etat et de gouvernement, ministres des Affaires étrangères et deux membres de la Commission), le Parlement à plus de 700 députés et la Commission de 20 à 25 membres. A cela s’ajoute, relevait le président de la Convention, que «l’Union européenne est à la fois une union des peuples et une union d’Etats. C’est ce qui fait son originalité, et son ambiguïté». Il se prononçait aussi pour le respect de cette «double légitimité». Paris et Berlin semblent donc avoir traduit cela par une double présidence.

Les premières réactions à la proposition Schröder-Chirac sont variables. Les Pays-bas retiennent l’idée d’une élection président de la Commission par le Parlement, mais se déclarent opposés à l’élection d’un président du Conseil jugeant plus «dynamique» un maintien de la présidence tournante de cette instance. En revanche, la Grande-Bretagne se déclare plutôt favorable et rappelle qu’elle s’est prononcée depuis longtemps pour un président élu du Conseil et un renforcement parallèle de la Commission.

Le Premier ministre danois n’évoque, quant à lui, qu’un seul président. Il propose que trois groupes de pays, les grands, les moyens, les petits, exercent une présidence à tour de rôle. Le Français François Bayrou, président de l’UDF, parti de la majorité chiraquienne mais traditionnellement très européen estime que la double présidence est «une grave imprudence» car elle exporte à Bruxelles une éventuelle cohabitation entre un président et un Premier ministre de bords opposés que la France a connu au cours des vingt dernières années et dont François Bayrou ne pense aucun bien. Déjà, le président actuel de la Commission, Romano Prodi, avait pointé cette difficulté en octobre dernier. La Commission européenne, concernée au premier chef par la proposition franco-allemande voit «des problèmes potentiels dans le fait d’avoir deux centres de pouvoir placés à égalité».

A écouter :
Daniel Desesquelles, journaliste à RFI. Eclairage sur la proposition franco-allemande d'une double présidence pour la future Union européenne élargie (au micro de Philippe Cergel, le 15/01/2003).



par Francine  Quentin

Article publié le 15/01/2003