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Union européenne

Valéry Giscard d’Estaing contre l’adhésion de la Turquie

L’ancien président français et actuel président de la Convention sur l'avenir de l'Europe a provoqué un cataclysme en déclarant que l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne signifierait «la fin de l’Europe». La Commission européenne a estimé, au contraire, que ce serait une «bonne chose».
Valéry Giscard d’Estaing a déclenché un ouragan diplomatique en prenant à contre-pied la position officielle de l’Union européenne, qui au sommet d’Helsinki en décembre 1999, déclarait que la Turquie est «un pays candidat à vocation à rejoindre l’Union européenne sur la base des mêmes critères que ceux qui s’appliquent aux autres candidats». Dans une interview accordée au journal français Le Monde daté du 8 novembre, le président de la Convention sur l’avenir de l’Europe -qui est chargée de préparer une constitution pour l’Europe élargie- a jeté un pavé dans la mare en s’opposant sévèrement à l’adhésion de la Turquie à l’UE, jugeant que ce n’était pas «un pays européen» et que son intégration signifierait de fait «la fin de l’Europe». «Sa capitale n’est pas en Europe, elle a 95% de sa population hors d’Europe», a-t-il déclaré.

Pour l’ancien chef d’Etat, l’entrée de la Turquie scellera la fin du rêve européen bien qu’il estime qu’il est toujours possible de faire une «organisation régionale de l’Europe et du Proche-Orient avec des institutions, un grand marché», mais alors, c’est «un autre projet», a-t-il dit. Il affirme également, dans cet entretien, que ce pays est le cheval de Troie de ceux qui ne veulent pas de l’Europe, égratignant au passage la Grande-Bretagne. «Ceux qui ont le plus poussé à l’élargissement en direction de la Turquie sont les adversaires de l’Union européenne», a-t-il jugé. Pour justifier son opposition, Valéry Giscard d’Estaing a mis en avant le fait que la Turquie «serait le plus grand Etat-membre de l’UE» et disposerait ainsi «du groupe parlementaire le plus nombreux au Parlement européen».

Des réactions sévères

Cette position intervient quelques jours après la large victoire, aux élections législatives turques, du Parti de la Justice et du Développement (AKP), réputé islamiste modéré. Selon toutes vraisemblances, ces récentes élections ont exacerbé le débat, puisqu’elles ont mené au pouvoir un parti issu de la mouvance islamiste. L’AKP a pourtant nié avoir un programme religieux et a déclaré que l’avancée des négociations européennes serait une priorité de son gouvernement. «Nous sommes prêts à assumer nos devoirs, à accélérer l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et à l’intégrer dans l’économie mondiale», a assuré Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant de l’AKP tout en minimisant les propos de VGE qui ne marquent «rien de plus que de l’émotion». Le vice-Premier ministre du gouvernement, plus virulent, a demandé la démission du président de la Convention sur l’avenir de l’Europe. «Il n’est pas possible qu’une personne ayant de telles opinions sur la Turquie reste à la tête de cette organisation. Il devrait quitter ce poste, car il a perdu son impartialité», a estimé Mesut Yilmaz.

Côté européen, les réactions n’ont pas tardé. La Commission européenne a marqué son désaccord en estimant que le statut de candidat à l’UE accordé à la Turquie était une «bonne chose». Le président du Parlement, Pat Cox, a rappelé à Valéry Giscard d’Estaing qu’il n’était plus président de la République. Le député européen Jan Andersson, un social-démocrate suédois, a quant à lui estimé que VGE était totalement sorti de son rôle et de son mandat défini par les Quinze. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre français a déclaré, pragmatique, que cette position était «une conviction ancienne, argumentée mais personnelle».

Les propos de l’ancien président français vont à l’encontre de la position adoptée par les Quinze, lors du récent sommet de Bruxelles, qui ont encouragé la Turquie à poursuivre la réforme de sa législation pour satisfaire les critères d’adhésion. D’autre part, le prochain sommet européen des 12 et 13 décembre qui se déroulera à Copenhague, doit décider si l’UE fixe ou non une date pour le début des négociations d’adhésion, une date qu’Ankara réclame avec instance depuis quelques temps déjà.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 09/11/2002